Images en Dermatologie • Vol. IX - n° 6 • novembre-décembre 2016 211 Mise au po
Images en Dermatologie • Vol. IX - n° 6 • novembre-décembre 2016 211 Mise au point Figure 1. Cytodiagnostic de Tzanck permettant de visualiser des kéra- tinocytes de l’épiderme agglutinés en amas sur un fond inflammatoire fait surtout de polynucléaires neutrophiles (May-Grünwald-Giemsa, × 400). Mots-clés : Couleur • Coloration • Dermatopathologie • Immuno histochimie • Immunofluorescence directe • Hybridation in situ. Keywords: Color • Staining • Dermatopathology • Immuno histochemistry • Direct immunofluorescence • In situ hybridization. L’ histopathologie consiste à analyser les tissus au microscope. Cette discipline repose entièrement sur des techniques permettant de visualiser les tissus, grâce à des colorations marquant spécifiquement telle ou telle structure cellulaire ou extracellulaire. De manière schématique et d’un point de vue technique, 3 grandes approches sont à distinguer : ▶ ▶Les colorations chimiques, dont la principale reste la tech nique dite “standard trichromique” par hématéine éosine et safran (HES). ▶ ▶Les techniques d’immunomarquage protéique (immuno histochimie et immunofluorescence). ▶ ▶Les techniques d’hybridation in situ, qui permettent de colorer spécifiquement des séquences d’acides nucléiques (ADN ou ARN). La multiplicité des techniques actuellement disponibles fait que la pathologie est probablement, à côté de la dermatologie, une des disciplines médicales les plus visuelles et les plus “colo rées” et que, par conséquent, les dermatopathologistes ont au quotidien les yeux rivés à un kaléidoscope de lésions cliniques et de coupes histologiques. Dans les lignes qui suivent, les principales techniques de coloration et de marquage des tissus sont abordées, en s’appuyant sur des exemples concrets du vaste monde de la dermatopathologie, qui ne manque pas, par la variété des situations auxquelles elle nous confronte, de nous en faire voir de toutes les couleurs ! Colorations standard et “spéciales” et pigments cutanés La coloration des coupes de tissus et des cellules représente l’approche la plus ancienne et la plus élémentaire en ana tomie et cytologie pathologiques. C’est elle qui a permis de faire évoluer l’anatomie pathologique de l’étude morbide faite Les couleurs en dermatopathologie Colors in dermatopathology N. Ortonne (Département de pathologie, hôpital Henri-Mondor, AP-HP, Créteil) à l’œil nu sur les cadavres à l’analyse des cellules et des tissus à l’échelle microscopique. On distingue différents types de coloration, certaines étant utilisées de façon systématique et d’autres sur demande (voir fiche technique no 1, p. 217). Les colorations bi- ou trichromiques sont très largement utilisées pour l’analyse morphologique des structures normales, que ce soient des coupes de tissus (histologie et histopathologie) ou d’étalement de cellules (cytologie). Leur principe est presque toujours le même, reposant sur l’association d’un colorant acidophile, qui va plutôt se fixer dans les noyaux cellulaires riches en acides nucléiques, et d’un colorant basophile qui va, quant à lui, marquer les cytoplasmes riches en protéines. Pour les colorations trichromiques (hématéine, éosinine safran, tri chrome de Masson, etc.), il y a, en outre, un réactif permettant de marquer le collagène, constituant principal des matrices extracellulaires. Pour ce qui est de la coloration HES, qui reste la plus utilisée dans tous les domaines de la pathologie, c’est le rôle du safran, qui permet de marquer en jaune orangé le colla gène dermique des prélèvements cutanés. Le même principe est utilisé pour colorer les étalements de cellules de cytologie. Pour le cytodiagnostic de Tzanck, on utilise en règle générale le May-Grünwald-Giemsa, qui permet de visualiser en bleu les noyaux et en violet les cytoplasmes (figure 1). D’autres colorations sont plus ponctuellement utilisées pour étudier Images en Dermatologie • Vol. IX - n° 6 • novembre-décembre 2016 212 Mise au point Figure 2. Périartérite noueuse caractérisée par une lésion de vascu- larite intéressant une artériole de moyen calibre située à la jonction entre le derme et l’hypoderme. La nature artériolaire et non veinu- laire du vaisseau lésé est confirmée par la coloration par l’orcéine qui permet d’identifier la limitante élastique de la média (HES, × 50 et orcéine, × 400). Figure 3. Le marquage par le bleu de Toluidine permet ici de carac- tériser de nombreux mastocytes localisés dans le derme papillaire, présentant des granulations métachromatiques violettes dans leur cytoplasme, dans le cadre d’une mastocytose cutanée de type urticaire pigmentaire. On note une coloration métachromatique verte de la mélanine, qui contraste avec la coloration bleue du réactif (coloration par le bleu de Toluidine, × 400). l’aspect de structures histologiques normales au cours de certaines pathologies. C’est le cas par exemple de la colora- tion par l’orcéine qui permet de visualiser les fibres élastiques du derme et de la limitante élastique des parois artériolaires (figure 2). Enfin, certains types cellulaires peuvent être mieux caractérisés par l’utilisation de colorations particulières. Un des meilleurs exemples est certainement le mastocyte, dont les granulations sont capables de réagir avec de nombreux agents chimiques (Giemsa, bleu de méthylène ou de Toluidine, etc.), en donnant des variations de couleur par un processus de “méta chromasie” (figure 3). Certaines colorations permettent de visualiser des agents pathogènes ou des surcharges d’origine endogène. Dans la plupart des laboratoires traitant des prélèvements cutanés, la coloration par l’acide périodique de Schiff (PAS) est réalisée systématiquement sur les biopsies cutanées, car elle permet de visualiser les spores et les filaments mycéliens des infections mycosiques (figure 4). D’autres colorations sont demandées plus ponctuellement, et leur indication dépend des résultats de l’analyse morphologique et du contexte clinique. Dans le domaine de la pathologie infectieuse, les principales sont celles de Gram pour les cocci (bleu foncé), de Gomori- Grocott pour les parois de champignons et d’Histo plasma encapsulatum (noire), et de Ziehl-Neelsen pour les infections à mycobactéries (rouge) [figure 5]. Pour ce qui est des dermatoses de surcharge, les principaux réactifs utilisés en dermatopathologie sont le bleu Alcian (pH 2,5), qui iden- tifie les surcharges en glycosaminoglycanes de la substance fondamentale dans les mucinoses dermiques ou folliculaires, et le rouge Congo pour les amyloses cutanées primitives ou secondaires (coloration rouge brique avec aspect biréfringent, vert jaune, en lumière polarisée). Images en Dermatologie • Vol. IX - n° 6 • novembre-décembre 2016 213 Mise au point Figure 4. Coloration par l’acide périodique de Schiff (PAS), identi fiant ici des amas de filaments de dermatophytes localisés dans la lumière de la gaine folliculaire dans le cadre d’une folliculite mycosique (PAS, × 400). Figure 6. Les berges chirurgicales de ce carcinome basocellulaire infiltrant ont été peintes avec une encre noire lors de l’échantillonnage macroscopique, permettant de bien analyser les berges au micro scope, qui semblent saines sur cet échantillon (HES, × 50). Figure 5. Dans cet infiltrat neutrophilique d’aspect suppuré, qui appa raît ici bien reconnaissable grâce à la contre-coloration par le bleu de méthylène, on voit des amas de bacilles acido-alcoolo- résistants, colorés en rouge, témoignant d’une mycobactériose atypique à Myco- bacterium chelonae (coloration de Ziehl-Neelsen, × 400). Il convient de rappeler que les couleurs observées sur des coupes de tissus ne sont pas toujours le fait de la main du technicien. Les médecins effectuant l’échantillonnage macroscopique uti- lisent volontiers des encres de couleur (noire, verte, bleue, etc.) pour marquer les berges chirurgicales des pièces de résection (figure 6). Cela est fort utile pour le repérage des berges lors de l’analyse microscopique, ces pigments ayant pour propriété de résister à l’ensemble des traitements techniques permettant l’élaboration des coupes de tissus. Enfin, il existe des pigments endogènes ou exogènes qui résistent à toutes les étapes techniques d’élaboration des coupes et que l’on retrouve à l’analyse microscopique. C’est vrai de la mélanine, qui prédomine à l’état normal dans la couche épidermique basale et apparaît d’autant plus visible que le phototype est foncé, de façon logique. On peut égale- ment voir, en situation pathologique, des pigments endogènes d’hémosidérine, également brunâtre, qui correspondent à un produit de dégradation de l’hémoglobine. Ce pigment se voit donc dans les suites des dermatoses hémorragiques ou pur- puriques ou dans des tumeurs remaniées par des saigne- ments (figure 7, p. 214). Les médicaments peuvent bien sûr s’accumuler dans des lysosomes, sous forme de métabolites colorés appelés “lipofuscines”, le plus souvent de coloration brunâtre, comme la mélanine et l’hémosidérine. Des colora- tions peuvent être ainsi nécessaires pour identifier la nature exacte des pigments cutanés ; c’est le cas de la coloration de Images en Dermatologie • Vol. IX - n° 6 • novembre-décembre 2016 214 Mise au point Figure 7. Forme hémopigmentée d’histiocytofibrome, riche en sidéro phages, bien identifiés par la réaction de Perls (coloration de Perls, × 100). Figure 8. Double marquage effectué dans un lymphome B centro- folliculaire cutané primitif, permettant de distinguer les lymphocytes B tumoraux exprimant dans leurs noyaux le facteur de transcription BOB1, en brun, et les lymphocytes T de l’environnement exprimant dans leur cytoplasme BCL2, en rouge (double immunomarquage développé avec la diaminobenzidine [DAB] et le fast red, × 200). Fontana, se fixant sur la mélanine (noire), et de la coloration de Perls, teintant d’un magnifique bleu turquoise les pigments d’hémosidérine. Les lipofuscines médicamenteuses peuvent réagir avec différents colorants, incluant le PAS et la coloration de Perls. Enfin, les tatouages se voient facilement, quelles que soient leurs couleurs, même s’ils sont souvent masqués par la réaction uploads/Sante/ les-couleurs-en-dermatopathologie-mise-au-point.pdf
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- Publié le Mai 06, 2022
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
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