La Revue de médecine interne 33 (2012) 503–513 Disponible en ligne sur www.scie
La Revue de médecine interne 33 (2012) 503–513 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Mise au point Neurolupus (2e partie). Description des outils diagnostiques et thérapeutiques devant une manifestation psychiatrique ou neurologique centrale au cours du lupus érythémateux systémique Neuropsychiatric systemic lupus erythematosus (2nd part). Diagnostic and treatment tools in psychiatric or central nervous system manifestations in systemic lupus erythematosus G. Lefèvre a,b, H. Zéphir b,c, E. Michelin d, F. Semah e, F. Warembourg f, J.-P. Pruvo d, E. Hachulla a,b, P. Lenfant e , S. Dubucquoi b, P. Vermersch b,c, P.-Y. Hatron a, L. Prin b, D. Launay a,∗,b a Service de médecine interne, centre de référence maladies auto-immunes et systémiques rares (sclérodermie), université Lille Nord de France, hôpital Claude-Huriez, CHRU de Lille, 59037 Lille cedex, France b EA2686, faculté de médecine H. Warembourg, université Lille Nord de France, institut d’immunologie, 59037 Lille, France c Service de neurologie D, université Lille Nord de France, hôpital Roger-Salengro, CHRU de Lille, 59037 Lille, France d Service de neuroradiologie, université Lille Nord de France, hôpital Roger-Salengro, CHRU de Lille, 59037 Lille, France e Service de médecine nucléaire et imagerie fonctionnelle, université Lille Nord de France, hôpital Roger-Salengro, CHRU de Lille, 59037 Lille, France f Service de psychiatrie, consultation de psychiatrie de liaison, université Lille Nord de France, hôpital Michel-Fontan, CHRU de Lille, 59037 Lille, France i n f o a r t i c l e Historique de l’article : Disponible sur Internet le 9 mai 2012 Mots clés : Lupus érythémateux systémique Neurolupus Antiphospholipides r é s u m é Les manifestations neurologiques et psychiatriques du lupus érythémateux systémique sont un ensemble hétérogène de manifestations cliniques regroupées sous le terme de « neurolupus ». Le mérite de la nomenclature proposée en 1999 est d’avoir harmonisé la terminologie des manifestations neuropsy- chiatriques, ce qui a permis de rendre comparables les études. Mais cette classification n’a pas résolu le problème de tout médecin face à un événement neurologique ou psychiatrique chez un patient lupique : comment attribuer cet événement au lupus et comment le prendre en charge ? Les séries de patients rapportées dans la littérature permettent de répondre en partie à ces questions, mais l’apport des outils diagnostiques modernes doit encore être évalué pour optimiser les démarches diagnostiques et permettre de distinguer un événement neuropsychiatrique directement lié à la maladie lupique, d’un événement secondaire (« réactionnel ») ou complètement indépendant de la maladie. Dans cette seconde partie de la littérature dédiée au neurolupus, nous nous proposons donc de recenser les arguments qui peuvent être en faveur de la responsabilité du lupus dans la survenue d’un événement neuropsychiatrique et devant lesquels les traitements immunosuppresseurs doivent être discutés. © 2012 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Keywords: Systemic lupus erythematosus Neuropsychiatric systemic lupus erythematosus Antiphospholipids a b s t r a c t Neurological and psychiatric manifestations of systemic lupus erythematosus are a heterogenous set of clinical manifestations grouped under the term of “neuropsychiatric systemic lupus erythematosus”. The classification of these manifestations published in 1999 has harmonized the definitions cases used in the studies but did not help the clinician to positively identify a specific manifestation of lupus or a neurological or psychiatric event occurred independently of the disease. Published cases series help us to identify neurological or psychiatric manifestations of lupus but modern diagnosis tools contribution have to be evaluated in order to optimize diagnosis management of such manifestations and to distinguish specific events related to lupus and independent manifestations. In this second part of our literature review about neuropsychiatric lupus, we propose to identify arguments, which could be in favor of lupus ∗Auteur correspondant. Adresse e-mail : david.launay@chru-lille.fr (D. Launay). 0248-8663/$ – see front matter © 2012 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.revmed.2012.03.354 504 G. Lefèvre et al. / La Revue de médecine interne 33 (2012) 503–513 responsibility in front of a neurological or psychiatric event, and immunosuppressive treatments which are recommended. © 2012 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. 1. Introduction Notre revue de la littérature regroupant les séries de cas éta- blies sur la base de la nomenclature proposée par les experts de l’American College of Rheumatology (ACR) en 1999 a mon- tré que la prévalence du neurolupus, telle qu’elle est définie par cette nomenclature, varie de 20 à 97 % selon les études [1]. Cette grande variabilité souligne le manque de spécificité des critères diagnostiques de 1999, qui retiennent comme manifestations neu- rologiques ou psychiatriques de lupus aussi bien des événements bénins et aspécifiques comme les céphalées de tension ou les troubles cognitifs légers que des événements graves et poten- tiellement plus spécifiques, comme une myélite ou des troubles psychotiques [2]. Cette variabilité est également le reflet de la grande hétérogénéité méthodologique des études qui a été mise en évidence dans une méta-analyse récente [3]. Ainsi, les études rétrospectives basées sur les données recueillies dans les dos- siers, sous-estiment les manifestations subjectives, comme les syndromes dépressifs réactionnels, les céphalées ou les troubles cognitifs : la prévalence globale est alors de 18 %. À l’inverse, les études prospectives peuvent surestimer ces manifestations (sensi- bilité excessive des tests, dépistage systématique de manifestations sans retentissement clinique) : la prévalence globale est cette fois de 45 %. En ne retenant que les dix études paraissant les plus rigou- reuses, la prévalence serait de 56 % [3]. Notre revue de la littérature montre également l’extrême hété- rogénéité des syndromes ou symptômes regroupés sous le terme de neurolupus [1]. En l’absence d’examen de référence pour la plupart de ces manifestations neuropsychiatriques, l’attribution est déter- minée sur la base de l’exclusion des autres causes, en utilisant les outils cliniques, de laboratoire et d’imagerie disponibles. La nomen- clature ACR ne fournit qu’une base pour faire face à ce problème [2]. Il y a deux pièges à éviter pour le clinicien : ne pas attribuer au lupus une manifestation neuropsychiatrique (« sous-diagnostic »), ce qui peut entraîner un sous-traitement, et à l’inverse, traiter par corticothérapie, voire immunosuppresseur, une maladie neuropsy- chiatrique indépendante de la maladie lupique (« sur-diagnostic »). En effet, le diagnostic différentiel est parfois difficile, par exemple pour les syndromes confusionnels qui peuvent être d’origine infec- tieuse (et notamment virale), iatrogène (la corticothérapie), ou liés au lupus lui-même si toute autre cause a été écartée (métabolique, toxique. . .). Nous allons donc, en nous appuyant sur les données de la littérature, proposer des arguments en faveur de la responsabi- lité du lupus dans la survenue d’un événement neuropsychiatrique, les examens complémentaires qui peuvent être utiles au diagnos- tic positif et à l’exclusion des diagnostics différentiels, et enfin les modalités de traitement. 2. Quels sont les arguments en faveur de la responsabilité du lupus dans un événement neuropsychiatrique ? Les arguments permettant d’évoquer un lien entre une manifes- tation neuropsychiatrique et le lupus sont les suivants. 2.1. Arguments de fréquence Pour évaluer la pertinence de la nomenclature de 1999, Ainiala et al. ont comparé les manifestations neuropsychiatriques chez des patients lupiques (n = 46) et des sujets sains (n = 46) : en excluant les céphalées, les troubles cognitifs modérés, les troubles anxieux, les dépressions modérées, et les polyneuropathies non confirmées par l’électromyogramme, la prévalence des manifestations passait de 91 à 46 % chez les patients, et de 54 à 7 % chez les sujets sains, et la spécificité des critères ACR de 46 à 93 % [4]. Si le symptôme neurologique ou psychiatrique est banal, c’est-à-dire semblable aux manifestations fréquemment rencontrées dans la population géné- rale, le comité d’experts de l’EULAR estime qu’il ne doit pas être retenu comme une manifestation du lupus [5]. 2.2. Arguments chronologiques La plupart des manifestations neuropsychiatriques sont inau- gurales ou surviennent dans l’année qui suit le diagnostic de lupus (50 à 60 %) [5]. Cette donnée appelle cependant deux autres obser- vations : • 40 à 50 % des patients peuvent donc avoir des manifestations à distance du diagnostic de lupus ; • les patients dont les manifestations seront précoces vont sou- vent présenter d’autres manifestations systémiques de la maladie pour que le diagnostic de lupus puisse être envisagé. 2.3. Arguments liés à l’activité de la maladie lupique Dans le lupus érythémateux systémique, les manifestations de la maladie surviennent le plus souvent sous la forme d’une poussée systémique : ainsi, la poussée « cutanéo-articulaire » est l’expression clinique la plus fréquente des poussées lupiques mais d’autres organes peuvent également être touchés, comme la plèvre, le péricarde ou le rein. L’activité de la maladie lupique est donc considérée comme un facteur de risque de manifestations neuro- psychiatriques puisque celles-ci surviennent environ une fois sur deux dans un contexte de maladie active sur le plan systémique [5]. Au contraire de l’atteinte rénale, dans le neurolupus, la biopsie cérébrale peut difficilement être réalisée pour confirmer le diagnos- tic et celui-ci va donc être retenu sur un faisceau d’arguments. Il y a peu de données dans la uploads/Sante/ neurolupus-2eme-partie.pdf
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- Publié le Mar 12, 2021
- Catégorie Health / Santé
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