1 Texte de Daniel Lagache Psychologie clinique, psychanalyse et psychopathologi

1 Texte de Daniel Lagache Psychologie clinique, psychanalyse et psychopathologie Lagache D. (1932-1968). Œuvres complètes, 6 vol.Paris : Puf, 1977-1984. Selon une distinction qui tend à s'imposer, la psychopathologie est l’étude des maladies mentales, alors que la psychologie pathologique est « l'étude des fonctions psychiques par l'observation des anomalies qu'elles présentent chez les aliénés, les névropathes, etc. » (Lalande). L'une apparaît caractérisée essentiellement par son objet ; l'autre comme une méthode au service de la psychologie générale. La première est à la seconde ce que la psychologie de l'enfant est à la psychologie génétique, la psychologie animale à la psychologie comparée. Cette distinction est utile pour comprendre les rapports historiques qui unissent ces deux façons de considérer les choses. Envisager la conduite dans cette perspective propre, relever aussi fidèlement que possible les manières de réagir d'un être humain concret et complet aux prises avec une situation, telle est en résumé le programme de la psychologie clinique (…). La psychologie clinique est ainsi toujours une recherche dans une relation personnelle et directe (…) à la faveur de l'interprétation compréhensive des comportements considérés comme significatif et expressif. La psychologie clinique trouve ainsi dans la psychiatrie un contact direct avec les problèmes humains. Ce qui l'intéresse, ce n'est ni la nosographie des névroses et des psychoses ni même l'exploitation psychologique de la vie mentale, c'est le malade en tant qu'il est un être humain porteur d'un problème et d’un problème mal résolu. (…). La méthode clinique consiste à s'accommoder à la manière d'être originale du sujet. Nous nions nullement la légitimité et l'utilité de la psychométrique. Notre pensée et qu'il y a lieu, à côté de l'emploi psychométrique des tests, d'en définir un emploi clinique plus approprié à la psychologie individuelle-et non pas seulement différentielle-et à l'étude des ensembles psychologiques. Au fond du débat il y a l'opposition entre deux manières de concevoir la psychologie, une orientation naturaliste qui veut une psychologie analytique, abstraite, recherchant des lois causales et excluant toute téléologie, et une orientation humaniste qui envisage l'ensemble des êtres humains concrets et complets en situation, qui cherche à comprendre plus qu'à expliquer, 2 et qui implique la position de valeurs, en particulier par l'introduction de préoccupations fonctionnelles ayant trait au sens et à la valeur adaptative des manières d'être et de réagir étudiées. Une psychologie concrète visant l'homme total en situation. La psychologie clinique n'a de sens que dans la perspective d'ensemble du cas, de l'individu complet et concret en situation. Elle ne se confond pas avec la psychologie des maladies mentales. La psychologie clinique est essentiellement une psychologie en deuxième personne. Elle fait aussi appel à des données en troisième personne, par exemple à des données psychométriques, mais l'indication l'interprétation de telles mensurations ne se font que dans le cas de l'examen clinique, c'est-à-dire dans la considération de l'ensemble de la personnalité. C'est à partir d’observations approfondies, aussi complètes que possible, établies dans l'esprit clinique tel que nous l'avons établi, que l'on peut espérer une généralisation scientifique valable. La psychopathologie a pour objet les désordres de la conduite de la personnalité… Si la psychologie clinique, comme la conduite médicale, ne se borne pas à une collection de cas individuels, c'est cependant sur l'étude approfondie de cas individuels qui reposent, c'est-à- dire sur l'étude aussi poussée que possible de la conduite, de la personnalité et de l'entourage de ces individus… L'approche psychanalytique peut être considérée comme une variété de psychologie clinique, si l'on définit celle-ci, très largement, par l'étude approfondie des cas individuels ; une étude psychanalytique porte en effet sur une personnalité individuelle, son histoire, son entourage, sa conduite ; certains ont même assimilé psychanalyse et psychologie clinique. Mais cette assimilation méconnaît des différences importantes, et l'on peut partir de ces différences pour caractériser sommairement l'approche psychanalytique. Le but de la psychanalyse est plus spécifique. La psychologie clinique a quatre buts principaux : le diagnostic, le conseil, le traitement, l'éducation. Une psychanalyse est toujours une psychothérapie, c'est-à-dire un traitement reposant sur la relation personnelle du médecin et du patient. Le matériel psychanalytique est aussi plus spécifique… L'observation clinique en médecine et surtout en psychologie et «manœuvrière »… Le rôle du psychanalyste, au contraire, est de se maintenir dans une attitude de neutralité et de passivité bienveillantes et de garder un silence interrompu par des interprétations choisies… Finalement, c'est surtout le « laisser-faire » qui caractérise l'analyse… L'expérimentation est isolante et tend à ne mettre en lumière que des relations psychologiques partielles. D'où la difficulté de l'appliquer aux conduites humaines complètes et concrètes. 3 Le terme de « psychologie clinique », sans exclure les domaines proprement médicaux, a été introduit surtout pour connoter l'extension de l'esprit clinique et de la méthode clinique à l'étude approfondie de cas individuels qui ne sont pas forcément médicaux… La psychopathologie a pour objet les interactions du malade mental et de son entourage ; le champ psychanalytique le champ des interactions du psychanalyste et du psychanalysé… En psychologie clinique, la synthèse des données permet d'établir un diagnostic un pronostic et fournit une base pour conseiller, traiter, éduquer le sujet. L'observation clinique est donc une action-recherche, mais l'incidence de buts pratiques, si elle peut limiter la recherche scientifique, n'empêche pas les faits recueillis de conserver leur valeur. La psychanalyse est une approche clinique, et partage avec la méthode clinique un certain nombre de critères. Mais l'investigation clinique a ses caractères propres : les données en sont d'ordre plus varié ; et quant aux données qu'elle partage avec l'analyse, la communication, la conduite, la conscience, elle les emploie d'une manière différente et en poursuit moins loin l'interprétation ; la technique clinique tend en général à créer un climat favorable à l'investigation, et recours parfois des manœuvres. L'accent que met l'analyse sur la résistance et le transfert la centre différemment, et introduit un critère nouveau, à savoir les modifications dynamiques de la conduite, de la communication et de l'expérience consciente. Forcément, ces différences s'atténuent dans la mesure où l’art clinique emprunte lui-même quelques raffinements à l’art psychanalytique. Ce qu'on appelle psychologie clinique a une dette envers la psychanalyse, à laquelle elle doit certains raffinements de l'observation comme certaines procédures d'investigation ; la dette de la psychanalyse envers la psychologie clinique est nulle. Simplement du fait qu'elle est autre chose et que ses origines se trouvent dans la médecine et la psychopathologie. L'investigation psychanalytique porte également sur des cas individuels ; du point de vue pratique, si la psychanalyse s'abstient classiquement de conseiller, le traitement et l'éducation sont des objectifs qu'il partage avec la psychologie clinique. Cependant, un des caractères de la technique psychanalytique et que, dans la direction de la cure, aucun changement thérapeutique ou éducatif n'est poursuivi directement ; tout changement de ce genre n'apparaît ainsi que comme un sous-produit de l'investigation et du développement du processus analytique… En dehors des changements apparents d'ordre clinique, le changement fondamental, condition de la stabilité relative des changements apparents, est le remaniement structural de l'appareil psychique. 4 La psychologie clinique a pour base l'étude intensive des cas individuels, c'est-à-dire l'étude de la conduite individuelle et de ses conditions (entourage actuel, histoire de la vie, personnalité dans ses aspects somatiques et psychologiques), mais elle ne se limite pas à une collection de cas individuels : elle vise à une généralisation théorique fondée sur le traitement statistique du matériel recueilli (…). Il arrive que la psychanalyse soit assimilée à la psychologie clinique (French). La distinction est rendue difficile par le fait que la psychanalyse a exercé une profonde influence sur la psychologie clinique, en l'orientant vers la dynamique de la conduite et de la personnalité, en modifiant et en raffinant la technique de l'examen clinique proprement dit, en permettant l'élaboration de tests de personnalité auquel la psychologie clinique recourt de plus en plus. La psychanalyse constitue cependant un discipline spécifique tant par son mode d'approche que par ses résultats… Dès que le psychanalyste intervient, le matériel qui semblait tari afflue et s'intègre dans des perspectives toutes différentes. La prise en considération de l'histoire individuelle en psychologie est un apport de la psychologie clinique. Elle fait appel presque exclusivement au savoir préconscient du sujet et de son entourage. Tout en restant discipline essentiellement clinique, la psychanalyse conçoit le diagnostic en d'autres termes que ceux d'entités nosographiques et de formes cliniques, en termes, dirons-nous, de « débats de la personne avec le monde » (W.Stern)... L'orientation de la clinique psychanalytique vers les problèmes dynamiques et génétiques a contribué au déclin de l'esprit nosographique en pathologie mentale, bien que le diagnostic, sous sa forme classique, conserve une importance pratique et scientifique incontestable… Le diagnostic tend à être de moins en moins l'identification d'une maladie ou d'un type caractériel, et de plus en plus la détermination d'un mode d'organisation des relations de la personne avec l’entourage… D'autre part, la technique de l'examen clinique a, dans une certaine mesure, bénéficié des acquisitions psychanalytiques relatives au maniement du transfert ; des techniques d’examen de plus en plus largement employées, comme les tests projectifs, sont d'origine ou d'inspiration spécifiquement psychanalytique. uploads/Sante/ texte-de-daniel-lagache.pdf

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  • Publié le Mar 24, 2021
  • Catégorie Health / Santé
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