Bull.soc.fr.hist.méd.sci.vét.,2003,2 (i) 64 LES ORIGINES DE LA MEDECINE DES ANI

Bull.soc.fr.hist.méd.sci.vét.,2003,2 (i) 64 LES ORIGINES DE LA MEDECINE DES ANIMAUX DOMESTIQUES ET LA CREATION DE L’ENSEIGNEMENT VETERINAIRE _________________________________________ par Pol Jeanjot-Emery* Sommaire : quelques rappels sur l’histoire des soins aux premiers animaux domestiques, chevaux en particulier. Panorama succinct de la médecine vétérinaires, de l’Antiquité à nos jours, et description des conditions de l’organisation du premier enseignement vétérinaire. Mots clés : Animaux domestiques - Enseignement- Histoire - Médecine- Vétérinaire . _____________________________ Title: The creation of veterinary teaching Content: recalling the history of treating the first domestic animals, horses in particular. Short panorama of veterinary medicine, from antiquity to date, and description of the conditions for the organisation of early education in veterinary science. Key words: Domestic animals - History - Medicine – Teaching - Veterinary La création de la première école vétérinaire dans le monde eut lieu en France dans la ville de Lyon en 1762, sous l’impulsion d’un écuyer nommé Claude Bourgelat. Première question qui se pose : pourquoi l’enseignement de la médecine des animaux domestiques survint-il aussi tardivement, alors que la médecine des hommes faisait l’objet d’un enseignement dogmatique depuis de nombreux siècles ? C’est ce que nous allons essayer d’expliquer en suivant l’évolution de la médecine des bêtes depuis leur domestication par l’homme. Dès que celui-ci est devenu possesseur d’un animal qu’il entretenait - individuellement ou collectivement - pour sa production (viande, lait, peau...) ou pour son service (travail), il n’est pas douteux qu’il fut rapidement conscient que cet animal ne pouvait remplir le rôle qu’il en attendait que si l’intégrité de ses capacités physiques et physiologiques était maintenue. Il est donc vraisemblable que des pratiques furent mises en oeuvre pour maintenir en état de santé les animaux domestiques, très tôt après leur domestication. En préalable il faut faire une distinction, parmi les soins apportés à nos animaux - et encore plus pour ceux dont les hommes furent l’objet - entre la médecine et la chirurgie. Autant la médecine fut et resta longtemps le domaine des investigations les plus hasardeuses ainsi que des traitements les moins adaptés - c’est pour cela que, les Dieux d’abord, les Saints ensuite, furent couramment invoqués pour pallier ses incertitudes -, autant on reste étonné par la hardiesse - et la réussite - des premiers chirurgiens. J’en prends à témoin les quelques pièces imputrescibles qui nous sont parvenues. _______________________________________________ * Docteur vétérinaire, 40 avenue Jean-Jaurès 72 500 Château du Loir Communication présentée le 25 mai 2002. Bull.soc.fr.hist.méd.sci.vét.,2003,2 (i) 65 Elles concernent l’homme et nous donnent une idée précise des interventions du chirurgien que l’on hésite à qualifier de primitif (nous dirons donc du chirurgien-premier, par analogie avec une récente terminologie). Les pièces dont je veux parler sont des crânes humains présentant des séquelles de trépanation avec survie du sujet, comme l’attestent les bords cicatrisés de la substance osseuse. Les plus anciens de ces crânes découverts en Europe occidentale datent du Néolithique, entre 5000 et 2500 ans avant notre ère. On conçoit donc que, bien avant que l’écriture ne nous en apporte la preuve, les interventions chirurgicales, pour remédier à des accidents, à des altérations de tissus ou d’organes, ainsi que pour faciliter l’emprise de l’homme sur l’animal - telle la castration réputée le rendre plus docile - furent pratiquées, et cela dès le début de la domestication. Très tôt, dans le domaine vétérinaire, la médecine et la chirurgie furent assumées par le même praticien. Il n’en fut pas de même chez l’homme, où les deux activités ne furent réunies qu’à une époque assez proche de nous. LES SOINS AUX PREMIERS ANIMAUX DOMESTIQUES Une des premières civilisations qui nous ait laissé des traces écrites est celle qui, dès l’époque néolithique, se développa en Asie occidentale. Une population importante se groupa dans cette région qui constitua la Mésopotamie : pasteurs sémites partis d’Arabie orientale pour s’installer entre le Tigre et l’Euphrate, suivis de Sumériens des steppes asiatiques; puis de nouveau des Sémites venus peut-être du Yémen. Chaque fraction dominante de la population bénéficiant des avancées culturelles et techniques des précédentes, c’est sous le règne du sixième Roi sémite Hammourabi, qui régna à Babylone vers 2000 avant J.-C., que fut édicté un code réglementant toute la vie civile du pays. Cette loi, gravée sur un bloc de diorite, prévoit en détail tout ce qui concerne les personnes et les biens. Les dispositions relatives à l’exercice de la médecine vétérinaire ne constituent qu’une petite partie du texte, mais elles sont néanmoins prévues; et il est remarquable que les prescriptions concernant le médecin de l’homme sont conçues en termes analogues à celles qui sont réservées au vétérinaire. Le texte consacre ainsi l’existence de médecins pour les animaux et il les assimile aux médecins de l’homme. Cela est très important à souligner, car cette assimilation qui durera jusqu’au début de notre ère subira une rupture - on peut même dire une déchirure - dramatiquement préjudiciable à une évolution rationnelle de la médecine des animaux. Cette stèle d’Hammourabi fut retrouvée par l’archéologue français De Morgan en 1901 à Suse, capitale des anciens Perses (car elle avait été enlevée comme trophée au cours d’une invasion au XIIè siècle de notre ère). C’est le Père Scheil qui, le premier, en déchiffra les inscriptions en 1902. Notons, en ce qui nous concerne, les deux paragraphes suivants: Si le médecin des boeufs ou des ânes a traité d’une plaie grave un boeuf ou un âne et l’a guéri, le maître du boeuf ou de l’âne donnera au médecin pour son salaire un sixième (?) d’argent. S’il a traité un boeuf ou un âne d’une plaie grave et a causé sa mort, il donnera le quart de son prix au maître du boeuf ou de l’âne Ainsi les seules pratiques visées par la loi sont celles du chirurgien dont l’intervention, tout apparente, ne peut être contestée. La médecine, on peut le supposer, est déjà en grande partie théurgique, et le sera encore longtemps. Bull.soc.fr.hist.méd.sci.vét.,2003,2 (i) 66 Contemporaine de cette civilisation, celle qui se développa en Egypte n’est pas moins intéressante en ce qui concerne les soins aux animaux. Les représentations graphiques des monuments égyptiens témoignent de la domestication de nombreuses espèces animales et de leur utilisation à des fins très précises : traction d’instruments agraires par des taureaux castrés, ânes bâtés, vaches pendant la traite, veaux tétant leur mère, bouc faisant la saillie, etc... Un tel intérêt porté aux animaux domestiques nous invite à penser que la médecine et la chirurgie les concernant était très en honneur dans cette civilisation. Un acte obstétrical est d’ailleurs figuré sous forme d’une aide apportée à une vache en parturition par un homme, tirant le veau hors des voies génitales en le saisissant par les membres antérieurs. Un papyrus découvert en 1895 par des archéologues anglais, et qui date vraisemblablement du deuxième millénaire, fait état de traitements d’animaux. La nosographie présentée est difficile à interpréter. Néanmoins, il est question d’un chien qui titube et tombe, ainsi que du traitement des yeux du boeuf. On a donc la preuve d’une médecine des animaux suffisamment importante pour être écrite et diffusée. Certains égyptologues ont même supposé que les praticiens vétérinaires étaient spécialisés pour une espèce animale au même titre que les médecins de l’homme étaient spécialisés pour une maladie donnée, comme le relate l’historien grec Hérodote qui voyagea en Egypte au cinquième siècle avant notre ère. Nous approchons ainsi de cette époque préchrétienne, où le bouillonnement de la pensée humaine nous est mieux connu grâce à la perfection de l’écriture et au désir des hommes de transmettre leur savoir. Vers l’Inde et la Perse, la religion boudhique, par la protection qu’elle apporte aux animaux et par le culte qu’elle consacre à certaines espèces, invite ses disciples à se préoccuper de leur sort. Le Roi Asoka, qui embrasse cette religion vers 250 avant J.-C., crée deux classes d’asiles- hopitaux : les uns pour les humains, les autres pour les animaux. Des textes décrivent les maladies des éléphants et des chevaux, et leur traitement est prescrit. C’est dans la région méridionale de l’Inde qu’a été exhumé en 1893 un très vieux traité de médecine bovine. Les traitements font état de soixante espèces végétales utilisées, ainsi que des produits d’origine animale (cerveau et os du crâne de l’homme, lait de femme, de chèvre; urine, excréments de mouton, de boeuf, etc...) C’est sans doute la première description de cet arsenal thérapeutique démesuré et irrationnel qui se perpétuera, plus par habitude que par conviction, pendant de nombreux siècles dans toutes les civilisations. Vers la même époque les Hébreux nous sont connus par la Bible. Celle-ci, remaniée au cours des siècles, constitue une source de documentation plus vaste que sûre. Mais, de façon constante, la maladie est d’origine surnaturelle et la médecine essentiellement théurgique. Ainsi l’intervention de Jéhovah explique à elle seule les fléaux qui accablent tour à tour les Egyptiens coupables de retenir le peuple d’Israël : la cinquième plaie est une peste qui frappe toutes les espèces animales; et le charbon pourrait être la sixième, qui est une maladie éruptive atteignant l’homme et les animaux. uploads/Sante/678-les-origines-de-la-medecine-des-animaux-domestiques-et-la-creation-de-lenseignement-veterinaire-pol-jeanjot-emery.pdf

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  • Publié le Apv 09, 2022
  • Catégorie Health / Santé
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