G AIM: Chez un sujet opérable ayant une sténose symptomatique de la carotide in

G AIM: Chez un sujet opérable ayant une sténose symptomatique de la carotide interne de plus de 70 %, existe-t-il, selon vous, des indications à un traitement médical? G Dr Didier Rougemont: Il ne semble pas que dans ces cas un traitement médicamenteux puisse se substituer à la chirurgie. La mise en œuvre de divers traitements, associés à la chirurgie, n’en reste pas moins indispensable. Il s’agit notamment de veiller à la prise en charge des différents facteurs de risque vascu- laire, telle l’hypertension artérielle, le diabète, l’hy- perlipidémie et de proposer une aide au sevrage ta- bagique et/ou alcoolique, le cas échéant. D’autre part, un traitement anti-plaquettaire doit être initié, à base d’aspirine ou de clopidogrel. La prescription de sta- tine est également recommandée en particulier chez le sujet jeune. Enfin, parallèlement à ces différents traitements médicaux, des conseils hygiéno-diététiques peuvent être dispensés aux malades, concernant notamment les bénéfices de la perte de poids chez les patients pré- sentant un excès pondéral, mais également la vertu d’une alimentation riche en légumes, fruits et poisson et de la pratique régulière d’exercice physique. G AIM: Chez ces patients symptomatiques avec sténose serrée, y a t-il selon vous aujourd’hui, compte tenu des résultats des dernières études, notamment de l’étude française EVA-3S dans le New England Journal of Medecine du 19 octobre, des indications à l’angioplastie avec stent en dehors du cadre d’un essai clinique? G Dr Didier Rougemont : L’étude EVA-3S (voir encadré), coordonnée en France, a comparé l’ef- ficacité de l’endartériectomie à celle de l’angioplas- tie avec stent, chez des patients victimes d’un acci- dent ischémique cérébral datant de moins de 30 jours et présentant une sténose carotidienne supé- rieure ou égale à 60 %. Les résultats sont très fran- chement en faveur de la chirurgie lorsqu’on retient le risque d’AVC et celui de décès, un à six mois après traitement. Il apparaît donc logique au vu de ces don- nées de privilégier l’endartériectomie comme traite- ment préventif de référence face à une sténose caro- tide symptomatique serrée. Quelques situations particulières en faveur de l’angioplastie Cependant, dans certaines situations particulières, le recours à l’angioplastie avec pose de stent, bien que discuté, sera certainement encore préconisé dans les milieux hospitaliers où sont associés des services de neuro-vasculaire et de neuroradiologie intervention- nelle. Ainsi, face à certaines sténoses serrées consi- dérées comme inopérables car trop étendues, face à des sténoses post-radiques ou à des re-sténoses post-endartériectomie, l’opportunité de l’angio- plastie avec pose de stent sera certainement encore discutée. Une même réflexion s’engagera certaine- ment également face aux sténoses symptomatiques in- tracrâniennes (siphon carotidien, tronc basilaire). G AIM: Devant une sténose carotidienne symptomatique serrée, conseillez-vous la chirurgie, lorsque l’accident est relativement ancien (plusieurs mois) ou chez la femme? G Dr Didier Rougemont: Lorsque l’accident ischémique date de plus de six mois, en terme de mor- bimortalité, la sténose peut être comparée à une sté- nose asymptomatique. Deux essais multicentriques concernant des sujets présentant une sténose asymp- tomatique, les études ACAS (Asymptomatic carotid atherosclerosis study) et ACST 2 (Asymptomatic Ca- rotid Surgery Trial) ont démontré la supériorité de la chirurgie comparativement au seul traitement médical. Pour autant, il convient de rappeler qu’un réel béné- fice ne peut être espéré qu’en cas de faible morbi- dité chirurgicale (inférieure à 3 %). En outre ce bé- néfice reste modéré par rapport à celui obtenu face à une sténose symptomatique. Aussi, il paraît plus op- portun de discuter l’indication chirurgicale au cas par cas, en privilégiant les patients jeunes (moins de 70 ans) et ceux présentant une sténose serrée évolutive. La femme n’est toujours pas l’égale de l’homme Concernant la prise en charge d’une sténose symp- tomatique serrée chez la femme, il reste difficile d’édic- ter des recommandations définitives : les résultats n’étant en effet concordants que chez l’homme. Au- cun bénéfice de la chirurgie n’a ainsi pu être mis en évidence chez la femme dans l’étude ACAS. G AIM: Chez les malades symptomatiques âgés (plus de 75 ans) ou très âgés (plus de 85 ans) certaines études ont montré un bénéfice tout aussi important de la chirurgie que chez les sujets plus jeunes, mais en pratique clinique le nombre de malades opérés diminue alors que la prévalence de la maladie augmente. Comment expliquez-vous ce phénomène? Pensez-vous qu’il faille opérer les malades symptomatiques avec sténose serrée quel que soit leur âge? G Dr Didier Rougemont: Le bénéfice chirur- gical a en effet été prouvé à maintes reprises chez les sujets très âgés présentant une sténose serrée symp- tomatique. Face à une sténose « parlante », lorsque l’état du patient le permet, la chirurgie semble donc une indication logique. Entre la théorie et la pratique: il faut tenir compte du risque chirurgical et de la morbimortalité Néanmoins, si dans la pratique une différence réelle s’observe avec la théorie, cet état de fait est sans doute Agora Sources: - Dr Didier Rougemont, neurologue, Président du Conseil de l’ordre des médecins de Paris. Face à une sténose carotidienne symptomatique serrée la supériorité de l’endartériectomie sur la prise en charge médicale n’est plus à démontrer. Il semble également depuis peu que l’angioplastie avec pose de stent donne des résultats de moins bonne qualité que la chirurgie. Sténose carotidienne: le « triomphe » de l’endartériectomie Dr Didier Rougemont 33 2007 – A.I.M. 123 G Deux larges essais cliniques randomisés publiés en 1998 ont démontré la su- périorité de l’endartériectomie carotidienne sur le traitement médical dans les sté- noses carotidiennes serrées symptomatiques. Cependant, depuis ces publica- tions, l’apparition d’une nouvelle alternative thérapeutique, l’angioplastie carotidienne avec pose de stent, est venue rendre plus complexe le choix des praticiens. Après un engouement suscité par cette méthode séduisante de prise en charge, notamment pour les malades à haut risque chirurgical, une méta-analyse des résultats des 5 essais randomisés sur le sujet, a conclu à l’absence de diffé- rence significative entre chirurgie et stent en terme de décès et d’acci- dents vasculaires cérébraux survenant à court terme, ce qui, compte tenu de l’incertitude sur le moyen et le long terme, n’incite pas à remplacer l’endartériec- tomie par la pose de stent. L’étude multicentrique EVA-3S (pour Endarterectomy versus Angioplasty in Patients with Symptomatic Severe Stenosis) conduite en France à partir de no- vembre 2000 avait pour objectif de mieux évaluer les résultats à court et moyen termes des deux techniques en tenant compte des progrès accomplis dans les méthodes d’angioplastie carotidienne et de stent ces dernières années 1. Une étude interrompue précocement G Cinq cent vingt-sept patients présentant une sténose carotidienne sympto- matique de plus de 60 % selon les critères de NASCET ont été randomisés entre les deux techniques. Pour être admis dans l’étude, il fallait également que les éventuelles séquelles neurologiques des patients ne dépassent pas en gravité le niveau 3 du score de Rankin (allant de 0 à 5) et que les malades soient jugés comme étant susceptibles d’être traités par les deux méthodes. En septembre 2005, l’essai a été interrompu en raison de résultats si- gnificativement meilleurs dans le groupe chirurgie. A court terme (30 jours), 3,9 % des patients du groupe chirurgie sont décédés ou ont présenté un accident vasculaire cérébral (AVC) (intervalle de confiance à 95 % [IC95] entre 2 % et 7,2 %) contre 9,6 % dans le groupe stent (IC95 entre 6,4 % et 14 %) soit un risque de décès ou d’AVC multiplié par 2,5 (IC95 entre 1,2 % et 5,1 %). Lorsque seuls les décès et les AVC les plus graves entraînant un handicap étaient pris en compte les résultats à 30 jours étaient également favo- rables à l’endartériectomie (1,5 % d’accidents contre 3,4 % avec le stent, risque relatif multiplié par 2,2 [IC95 entre 0,7 % et 7,2 %]). A 6 mois, la chirurgie était également significativement supérieure au stent: 6,1 % de décès ou d’AVC contre 11,7 % (p = 0,02). En terme de complications (en dehors des AVC et des décès) plus d’acci- dents locaux ont été observés avec les stents et plus d’accidents systé- miques (majoritairement pulmonaires) avec la chirurgie sans que la différence entre les deux groupes ne soit significative. G Comment faut-il interpréter ces résultats en apparence sans appel et com- ment expliquer les divergences avec les études antérieures (notamment l’essai SPACE publié dans le Lancet il y a seulement quelques semaines), dont aucune n’avait retrouvé un tel avantage en faveur de la chirurgie ? D’une part il semble, sans que l’on puisse en être sûr, que la morbi-mortalité opératoire a été sensiblement réduite ces dernières années, notamment de- puis la publication des essais contrôlés de 1998 ce qui expliquerait le taux historique- ment très bas d’AVC et de décès à 30 jours dans le groupe chirurgie (3,9 %). A l’inverse, le taux de décès et d’AVC à 30 jours était plus élevé dans ce travail (9,6 %) que dans les autres essais publiés (8,1 % en moyenne et 3,6 % dans l’étude SAPHIRE par exemple). Mais il faut souligner que ce dernier travail in- cluait également des malades asymptomatiques à risque plus uploads/Sante/ago123 1 .pdf

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  • Publié le Aoû 27, 2022
  • Catégorie Health / Santé
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