L’échographie pulmonaire en réanimation Dr Daniel Lichtenstein Service de Réani
L’échographie pulmonaire en réanimation Dr Daniel Lichtenstein Service de Réanimation Médicale – Faculté Paris Ouest Hôpital Ambroise Paré, 92100 Boulogne Tel : 01.49.09.56.01 dlicht@free.fr Introduction L’échographie pulmonaire est enfin reconnue. Cette reconnaissance était souhaitable pour un des organes les plus vitaux. Soixante ans après la description des ultrasons comme méthode envisageable en médecine [1], 33 ans après l’avènement du temps réel (Henri & Griffith), et 17 ans après des débuts difficiles, l’échographie pulmonaire a trouvé une place dans l’investigation du patient critique, dominée jusqu’ici par l’auscultation depuis 1819 [2], la radiographie depuis 1895 [3] et le scanner depuis 1972 [4]. Notre équipe avait eu le plaisir de prendre part à cette mouvance, ayant envoyé dès 1991 un travail montrant l’intérêt de l’implémentation de l’échographie générale en réanimation, par le réanimateur lui- même [5]. Auparavant, mais aussi de nombreuses années après, l’échographie était, dans nombreux esprits, un instrument pointu réservé au spécialiste de l’imagerie. Or, il n’avait pas vraiment développé les potentialités de cet instrument à voir, en temps réel, au service du patient critique. En 1991, il n’était pas d’usage de ponctionner un tronc veineux sous échographie, d’explorer les sinus maxillaires chez un patient fébrile pour ne prendre que cet exemple, et certainement pas d’explorer les poumons, si l’on se référait à un dogme qui depuis le début de l’échographie n’avait jamais été remis en question par les spécialistes [6]. Le privilège nous avait été donné de travailler chez François Jardin, après un bref stage d’échographie traditionnelle. L’utilisation de son ADR-4000 (1982), destiné à l’exploration cardiaque avant l’heure [7], nous avait permis de proposer l’échographie générale dans une optique clinique, centrée sur une gestion immédiate - un concept simple [5, 8]. Dans ce cadre, le développement d’une échographie du poumon aurait dû être une formalité, mais cette idée allait contre le dogme répandu. Le retard singulier qu’a pris la méthode est expliqué par une résistance efficace des experts en imagerie, suivis par d’autres forces académiques. A l’heure actuelle, une poignée des applications mises au point entre 1990 et 1993 a passé la barre des publications. Notre concept échographie corps entier au lit était opérationnel dès 1990, époque où les scanners étaient encore lents, les BNP et D-dimères non au point, et l’échographie ultraportable pas encore inventée (ce qui n’était pas gênant, voir plus loin). Ce texte a pour vocation de démontrer que, pourvu que le dogme soit revu, la sémiologie de l’échographie pulmonaire répond à des lois simples. Il montrera comment cette discipline peut être intégrée dans notre pratique pour enrichir ce qui existe. Le poumon normal Sept principes de l’échographie pulmonaire Le concept d’une échographie pulmonaire repose sur sept principes [9]. 1) Un appareil non sophistiqué est parfaitement adapté. 2) Le thorax est une région où air et eau se mêlent. Leur différence d’impédance acoustique élevée, à l’origine de contrastes forts, génère les signes. Par ailleurs, l’air (du pneumothorax) monte, l’eau (l’épanchement pleural) descend. 3) La sémiologie pleuro-pulmonaire part de la ligne pleurale. 4) Elle est centrée sur l’analyse des artefacts - structures traditionnellement indésirables. Comprendre l’échographie pulmonaire, c’est accepter que ces artefacts puissent détenir une portée clinique. 5) La sémiologie pleuro-pulmonaire est dynamique. 6) Presque tous les désordres thoraciques aigus ont un contact avec la paroi, ce qui explique le potentiel et la haute faisabilité de l’échographie pulmonaire. 7) Le poumon est l’organe le plus volumineux - plus de 17% de la surface corporelle. Des territoires seront définis. Développement du principe n°1 Nous aimerions ici partager notre vision avec les services non encore équipés. A l’heure où l’offre est profuse entre les unités complètes d’échocardiographie et les ultraportables, nous aimons rappeler que nous gardons depuis 1993 un appareil (qui se fabrique toujours mais sans politique commerciale) dont nous n’avons pas trouvé l’équivalent. Il se faufile aisément avec ses 31 cm de largeur. Cette dimension indique qu’il n’était pas utile d’attendre la révolution des ultraportables pour développer l’échographie clinique. En milieu hospitalier, la nécessité du chariot (pour travailler à hauteur humaine, caser un minimum de matériel, éviter le vol) rend futile la technologie ultraportable. La qualité d’image est analogique (nous invitons le lecteur à comparer nos clichés, analogiques, avec les clichés de type digital, largement répandus avec les appareils dits miniatures). Il s’allume en 7 secondes. Sa façade lisse est nettoyable, un point critique. L’usage d’une seule sonde microconvexe de 5 MHz (Fig. 1) permet une analyse corps entier, de l’abdomen aux zones étroites (apex pulmonaire), en passant par le cœur, avec une profondeur de vision de 1 à 17 cm. Nous avons réalisé notre 3ème édition avec cette seule sonde. Nous n’utilisons pas le Doppler, ni les modes sophistiqués (harmoniques...), des outils qui seront utiles à certains services spécialisés (post-chirurgie cardiaque notamment). Le dessein de constructeurs de supprimer les artefacts est à combattre vigoureusement. Nous évitons les sondes linéaires (car nous ne sommes pas linéaires), phased-array (pauvre résolution), et abdominales (pauvre ergonomie). Nous pensons que les appareils sophistiqués ne sont pas mieux adaptés pour l’échographie pulmonaire. L’échographie pulmonaire (et corps entier) nous apparaît facile avec ce type de matériel, tant au niveau de la résolution que de l’ergonomie, et la chose est ardue quand nous utilisons les appareils habituellement présents. Ceux qui ont déjà un échographe et veulent se faire une idée trouveront dans la sonde abdominale un compromis acceptable pour la résolution, et dans la sonde phased-array un compromis pour l’ergonomie... Ceux qui travaillent hors de l’hôpital (flying doctors, médecins du monde, NASA) consulteront le marché florissant de l’ultraportable. Le poumon normal Pour obtenir le meilleur de la méthode, nous suivrons un à un les principes de base. Dans ce domaine nouveau pour certains, un rappel du normal est souhaitable. On précisera la position de la sonde et celle du patient en référence à un axe “ciel-terre”. Notre sonde microconvexe se loge dans l’espace intercostal, explorant directement le poumon (Fig. 1). Elle renseigne sur les zones superficielles et profondes, sans nécessité de jongler entre plusieurs sondes. Nous conseillons la pratique de coupes longitudinales. Le poumon est l’organe le plus volumineux. Une analyse méthodique définit le thorax dans l’axe crânio- caudal, par rapport au diaphragme, puis la surface du poumon, puis des zones cliniques. On ne voit certes que des artefacts : ombre des côtés, artefacts aériques (Fig. 2). Entre 2 côtes et 1/2 cm (chez l’adulte) en profondeur, on distingue une ligne hyperéchogène horizontale, la ligne pleurale. Elle matérialise la surface pulmonaire, où est toujours la plèvre pariétale. La ligne pulmonaire, concept virtuel à l’état normal, correspond à la plèvre viscérale, confondue avec la pariétale. L’ensemble côte - ligne pleurale - côte fournit un repère permanent (Fig. 2) appelé signe de la “chauve-souris”, temps basique préalable à tout examen. On peut définir quatre niveaux d’investigation (Fig. 1). - Niveau 1 : Il définit une analyse de la paroi antérieure, chez un patient en decubitus dorsal, à la surface terrestre (soit notre quotidien). Le niveau 1’ caractérise un patient mi-assis (cas du patient dyspnéique non intubé). - Niveau 2 : il inclut la paroi latérale jusqu’à fleur de lit. - Niveau 3 : en tournant un peu le dos du patient, notre sonde courte est insinuée vers le dos, pointant vers le ciel, et révélant les lésions non détectés par l’analyse précédente. - Le niveau 4 est une analyse exhaustive, avec large abord postérieur et analyse des apex. La masse des informations disponibles permet une comparaison optimale avec le scanner. De la ligne pleurale émanent des signes statiques et dynamiques. 1) Signe statique normal : la ligne A De nombreux types d’artefacts, horizontaux ou verticaux, naissent de la ligne pleurale. Une classification alphabétique était pratique pour éviter de longues descriptions [9]. En clinique, deux sont importants à connaître. Le signe basique de normalité est la ligne A, terme suggéré pour cette ligne horizontale de répétition de la ligne pleurale (Fig. 2). Les lignes A ont une longueur égale à la ligne pleurale au maximum, mais peuvent être courtes voire non visibles, le terme suggéré étant alors “ligne O” (pour ligne “non-A non-B”), voir Figure 3. La signification est la même. Une ligne O est une ligne A (A° si l’on compte les lignes A en A1, A2 etc). 2) Signe dynamique normal : le glissement pleural Ce scintillement visible au niveau de la ligne pleurale correspond à la descente crânio-caudale inspiratoire du poumon. Il peut être objectivé en mode TM, lequel donne le signe du bord de mer (Fig. 3). Très succintement, le glissement pleural s’analyse au mieux sans filtre, son mouvement relatif tranche avec l’immobilité des tissus sus-jacents, et c’est une loi du tout ou rien : un glissement infime est significatif. Le poumon pathologique Les aspects sont fonction du rapport air-liquide (second principe). On peut décrire l’épanchement pleural (liquide pur), puis la consolidation (très peu d’air), le syndrome interstitiel (beaucoup d’air), le poumon normal (place logique selon le rapport air-liquide), et enfin le pneumothorax (air pur). Tous nos protocoles ont utilisé le scanner comme référence. Epanchement pleural C’est un classique [10]. La vois sous-costale est de uploads/Sante/echographie-pulmonaire-en-reanimation.pdf
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- Publié le Apv 11, 2022
- Catégorie Health / Santé
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