une agriculture pour le XXIe siècle Matthieu Calame Une agriculture pour le XXI

une agriculture pour le XXIe siècle Matthieu Calame Une agriculture pour le XXIe siècle Manifeste pour une agronomie biologique Préface de Jordy Van den Akker Postface de Christian Mouchet Éditions Charles Léopold Mayer 38, rue Saint-Sabin Paris (France) La production agricole doit être considérée dans le cadre du problème global que soulève l’évolution des relations de l’homme avec la nature, avec le vivant et, d’une certaine façon, avec lui-même: l’environnement, l’aménagement du territoire, l’équilibre des sociétés rurales comme celui du monde sont en cause. «Agriculture, société et territoires. Pour une politique européenne» Groupe de Seillac, sous la présidence d’Edgar Pisani Les Éditions Charles Léopold Mayer, fondées en 1995, ont pour objectif d’aider à l’échange et à la diffusion des idées et des expériences de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’Homme (FPH) et de ses partenaires. L’auteur Matthieu Calame, né en 1970, est ingénieur agronome. Il a procédé pour la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’Homme à la reconversion de son domaine rural de la ferme de la Bergerie (Val-d’Oise, France) vers une gestion durable. À ce titre, il a également été pendant trois ans président de l’Institut technique d’agriculture biologique (ITAB). Il est actuellement en charge pour la Fondation Charles Léopold Mayer du dos- sier de l’évolution des recherches sur le vivant et de la gestion durable des territoires. Contact: matthieu.calame@fph.fr Nature & Progrès, la bio associative et solidaire L’agriculture biologique est née du milieu associatif : des consommateurs, des paysans, des agronomes et des médecins, inquiets des méfaits de la chimie de synthèse sur la santé et l’environnement, se rassemblent en 1964 pour créer la fédération Nature & Progrès. Dès 1972, ils élaborent ce qui deviendra le premier cahier des charges de la bio au monde. En 1991, tandis qu’enfin l’agriculture biologique est officiellement reconnue par les pouvoirs publics, Nature & Progrès réalise que la nouvelle réglementation ouvre la porte à une industrialisation de la bio, contraire à son projet initial. Aujourd’hui, elle se mobilise pour replacer l’agrobiologie au cœur d’un projet de société relocalisé et humaniste qui, au-delà de l’écologie, intègre des paramètres sociaux et humains dont aucune solution pérenne et forcément globale, ne peut s’exonérer. © Éditions-Diffusion Charles Léopold Mayer, 2007 Dépôt légal, 1er trimestre 2007 Essai n° DD 163 * ISBN: 978-2-84377-134-7 Graphisme et mise en page: Madeleine Racimor Maquette de couverture: Vincent Collin 9 Préface C’est dans la bibliothèque de mon beau-père que j’ai lu pour la première fois le fameux Testament agricole de sir Albert Howard. Je finissais un travail de recherche prospective pour l’Inra SAD 1 de Corse. Surprenantes sont les similitudes entre la résistance, l’adaptation de l’élevage traditionnel, corse en l’occurrence, et la résistance, l’innovation de l’agriculture biolo- gique. Cet ouvrage de sir Albert Howard m’a profondément marqué par la précocité de sa réflexion (première édition en 1940). Ses travaux se sont focalisés sur la valorisation par compostage (méthode Indore) face à la généralisation de la fertilisation azotée en agriculture conventionnelle, impulsée initialement par les recherches de Liebig. Mais son apport de critique de la recherche agronomique est précieuse. Elle reste d’une surpre- nante actualité. C’est donc avec plaisir que j’ai accepté de préfacer cet ouvrage de Matthieu Calame. La déviance de l’agriculture biologique vers un segment de marché, cadrée par un cahier des charges technique, est omniprésente aujourd’hui. Pourtant les fonde- ments de l’agriculture biologique se trouvent dans la recherche 1. Institut national de recherche agronomique, département système agraire développement. – la charte écologique et sociale de Nature & Progrès (éla- borée en 2003) qui permet d’inclure une démarche cohérente et une réflexion englobante. C’est donc logiquement que Nature & progrès soutient cette publication qui apporte un effort de mémoire et une réflexion sur la recherche en général et l’agronomie biologique en parti- culier. Notre société manque cruellement de «généralistes», de travaux et d’ouvrages qui relient les domaines. Puisse cette publication contribuer à combler ce manque. Bonne lecture! Jordy Van den Akker, président de Nature & Progrès PRÉFACE agronomique, la médecine… des pratiques alternatives en matière d’écologie, de social et d’économie. Les chercheurs sont nombreux: Chaboussou, Rusch et Muller, Kervran… pour n’en citer que quelques-uns. Sir Albert Howard en fait évidemment partie. C’est avec intérêt que Matthieu Calame resitue sa propre réflexion au cœur même de l’évolution de la pensée qui mène de Descartes à l’agronomie industrielle, de Howard à l’agronomie biologique. Il est important dans le contexte actuel de réaffirmer que l’agriculture biologique appelle des innovations en terme d’approche scientifique. La recherche analytique, largement appliquée au domaine de l’agriculture biologique, ne donne que quelques résultats d’amélioration quantitative, de résolution ponctuelle de maladies par des produits spécifiques. Ce qu’on oublie assez vite, par manque de lien direct avec l’objet d’étude, ce sont les effets sur la globalité. Je dirai ici la globalité du système. Mais en réalité pour le paysan, ce n’est pas un système, c’est un tout. L’interconnexion et l’interdépendance apportées par la vision d’agronomie biologique est capitale. De la santé du sol dépendra la santé du végétal, de l’animal et de l’homme. Ce principe simple semble être une révélation dans un monde spécialisé, sectorisé et industrialisé. En modifiant l’agriculture, il y a une modification profonde de la société parce que l’on touche à la culture! Fait indéniable mais perçu unique- ment par une minorité de chercheurs. Nature & Progrès, association créée en 1964, sous l’impulsion de consommateurs, de producteurs, de chercheurs, de médecins, de consommateurs, a toujours affirmé l’importance de cette approche globale. Elle se traduit, pour ne citer que quelques exemples, par: – des ouvrages et des implications dans des réseaux mettant à jour ces interconnexions (dégénérescence de la vigne, revalori- sation des semences paysannes…); 10 UNE AGRICULTURE POUR LE XXIe SIÈCLE Introduction Un mouvement aux multiples facettes À Pantin, dans la banlieue parisienne, les membres d’une AMAP (Association de maintien de l’agriculture paysanne) effectuent la distribution hebdomadaire de «paniers bios». À Francfort, Biofach – l’une des plus grandes foires «bio» du monde rassemble plusieurs milliers de personnes. En septembre 2005 à Adelaïde, en Australie, IFOAM (International Federation of Organic Agriculture Movements) réunit pour une manifestation mondiale les nombreux acteurs du développement de l’agronomie biologique. Ces événements de dimensions et de portées différentes forment l’ensemble com- plexe de l’agriculture biologique. Segment de marché pour les uns, mesure de précaution alimentaire pour d’autres, enfin mode de vie, voire engagement spirituel pour les troisièmes. Quelles que soient les différences de conviction qui animent hommes et mouvements, ceux-ci participent d’une profonde rupture par rapport à un ordre antérieur, celui des pratiques industrielles et alimentaires entièrement décalquées sur le modèle industriel: une agroindustrie qui aurait pu emprunter à Henry Ford, parlant de la ford T, son aphorisme «vous pouvez choisir la couleur que vous souhaitez à condition que ce soit le noir». 13 parmi ses «30 règles pour se protéger», de «manger bio chaque fois que possible» (règle n° 17). Dans le même temps, le cheptel avicole mondial est ravagé par la grippe aviaire, et bien des praticiens (agriculteurs, techni- ciens agricoles) constatent des difficultés croissantes à maîtriser certains «parasites» des plantes ou des animaux. La situation en agriculture ressemble étrangement à celle du monde de la santé dans lequel apparaissent de plus en plus de bactéries multirésis- tantes au point que les pouvoirs publics ont ressenti la nécessité de mener des campagnes vigoureuses contre l’abus d’antibiotiques, inquiets de voir s’effondrer cette «clef de voûte de la médecine moderne». À bien des égards ces nombreux signaux apparaissent comme les signes avant-coureurs d’effondrements plus graves de notre système de production. Quelque chose dans la dynamique des systèmes vivants échappe à notre compréhension. La tentative pour maîtriser le monde conduit à une impasse. ... mais un nouveau monde en germe Toutefois, présentée uniquement comme cela, la démarche des acteurs de l’agriculture biologique apparaît comme une «fuite». C’est laisser la part belle aux thuriféraires de la marche forcée industrialisante qui ne se privent pas de présenter leur démarche comme une démarche audacieuse, innovante, promé- théenne, tournée vers l’avenir et qui s’opposerait aux démarches frileuses, conservatrices et pusillanimes de leurs contradicteurs. Or, l’agriculture biologique, celle des producteurs, des artisans et des consommateurs est bien plus qu’une valeur refuge. Elle doit être perçue pour ce qu’elle est: un projet, un dépassement positif de l’état actuel. Ses acteurs sont les vecteurs d’un changement profond, d’une mutatio mundi, un changement du monde, comme l’auraient appelé les chroniqueurs. Ses promoteurs doi- vent en avoir la conscience et la fierté. 15 INTRODUCTION Pourtant, bien peu, même parmi ceux dont l’agriculture bio- logique devient le gagne-pain, ont le temps d’approfondir leur démarche et d’asseoir leurs pratiques, leurs intimes convictions ou leurs réflexions personnelles dans un cadre historique plus large. Souvent même, la position paraît au premier abord défen- sive, on essaie d’échapper à quelque chose: la malbouffe, les produits chimiques, la tutelle des grands cartels de l’agroalimentaire, etc. Un modèle en désarroi… Et l’on peut comprendre que pour bien des acteurs, l’agriculture biologique soit d’abord un refuge. Rappelons que l’un des éléments clefs qui la uploads/Societe et culture/ 320uneagriculturepourlexxisiecle-pdf.pdf

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