ART ET SOCIÉTÉ Roger Bastide ART ET SOCIÉTÉ Préface de Jean Duvignaud Éditions
ART ET SOCIÉTÉ Roger Bastide ART ET SOCIÉTÉ Préface de Jean Duvignaud Éditions L'Harmattan 5-7, rue de l'École-Polytechnique 75005 Paris L 'Harmattan Inc. 55, rue Saint-Jacques Montréal (Qc) - CANADA H2Y IK9 @ L'Harmattan, 1997 ISBN: 2-7384-5190-X AVERTISSEMENT À CElTE NOUVELLE ÉDITION Le livre de Roger Bastide Art et société est paru en français pour la première fois en 1977 aux éditions Payot (Paris). Épuisé depuis longtemps, une réédition s'imposait d'autant plus que la sociologie de l'art, dont il fut un des pionniers en France, a connu depuis vingt ans des développements riches et très variés. Les voies empruntées par les 'nombreux chercheurs dans ce domaine de la sociologie sont toutes, - sinon développées par Roger Bastide dans cet ouvrage -, indiquées et repérées dans leur spécificité, mais aussi dans leur articulation nécessaire, Rien n'était plus étranger à son travail que les replis frileux et les fermetures intellectuelles sur des frontières disciplinaires étroites, qu'elles soient "sociologiques" ou "ethnologiques". Mobilisant la littérature comme la sociologie, l'ethnologie comme la psychanalyse ou encore la philosophie, Roger Bastide a contribué à construire une socio-anthropologie ouverte, ou comme le disait lui-même dynamique. Ce livre de Roger Bastide en est une illustration exemplaire, Nous tenons à remercier l'Association des Études Bastidiennes* et Mme Roger Bastide de nous avoir permis cette réédition attendue par de nombreux - et notamment jeunes _ chercheurs, Bruno Péquignot, Professeur des Universités, Directeur de la Collection "Logiques Sociales", * Signalons que cette ass~ciation vient de réunir dix textes de Roger Bastide et quelques textes de sociologues poursuivant ses travaux dans le n° 15/16 (décembre 1996) de sa revue Bastidiana" coordonné par Jean Duvignaud, (Bastidiana, Cahiers d'Études Bastidiennes. 14 rue des Bois 27800 St Paul d£ Fourques,) PRÉFACE de Jean DUVIGNAUD L'originalité de Roger Bastide, dans ce livre, c'est de déborder l'esthétique, l'histoire ou la sociologie de l'art... Les essais qu'on va lire sont comme le récit d'une aventure: celle d'un écrivain, sorti du milieu universitaire et intellectuel parisien des années 30, qui découvre, par un séjour prolongé de près de vingt ans au Brésil et en Mrique~ la force généra- lement occultée de l'imaginaire. Les premiers chapitres du livre retracent le cheminement d'une pensée qui tente de mesurer l'enracinement des formes créées, à la lumière des doctrines classiques. Mais qu'attendre de ces analyses qui réduisaient l'imagination à une vie sociale préalablement privée de son dynamisme? Et parce qu~il affronte au Brésil des formes d'expression insoupçonnées, Bastide se dépouille des hypothèses démodées. Deux hommes, ses contemporains, effectuent en même temps que lui un cheminement comparable et vont donner à l'anthropo- logie de l'art une signification nouvelle: Pierre Francastel et Lucien Goldman. Les « systèmes figuratifs ~ chez le premier, la « vision du monde» chez le second sont deux instruments capables de rendre aux œuvres d'art une force existentielle qui nous délivre du souci « esthétique ~. Lui, Bastide, c'est à travers l'étude du symbolisme qu'il entreprend cette révision. Il plonge dans ce domaine infini que constitue l'immense variété des expressions possibles, qui sont elles-mêmes des figures de communication. Je me souviens d'une discussion au séminaire de « Socio- logie de la connaissance », au cours de laquelle, après un exposé qui figure dans ce livre, Georges Gurvitch prolongeait affectueusement le propos de Bastide en rappelant que le symbole est plus qu'un signe, qu'il est un effort pour surmonter, dépasser, contourner un obstacle qui s'interpose entre les hommes et freine la libre communication des consciences. L'un et l'autre, chacun dans son domaine, récusaient le conceptualisme qui prend 8 PRm:ACE les mots pour des choses, et tentaient de retrouver le dyna- misme social et le dynamisme de la création. On peut penser que les démarches sont identiques... Tout le livre de Bastide est le témoignage d'une immense inquiétude: l'anthropologie (et la philosophie) disposent-elles des moyens pour comprendre ce qui échappe aux (J institutions ., aux .. structures ., aux concepts figés? L'homme est-il enfermé dans .la répétition de son hérédité ou des appareils sociaux qui l'ont modelé? est-il prisonnier des mythologies dont les systèmes . ont été dûment repertoriés? Peut-on déduire l'art de la culture? Voilà qui mérite une attention particulière. La connaissance approfondie des modes d'expression.. sauvages. arrache Bastide aux définitions traditionnelles et le conduit à formuler, impli- citement, une définition plus vaste. En le lisant, on s'inter- roge: la culture n'est-elle pas un canton étriqué d'une expé- rience infiniment plus vaste, et probablement infinie, qu'on devrait appeler l'imaginaire social? Dans un essai publié peu de temps avant sa mort, par Philippe Garcin aux P.U.F., Bastide, se questionnant sur l'écri- vain qui mobilisa sa jeunesse, et toute sa génération, écrit: . y a-t-il une autre manière de se défendre contre autrui que le secret? . mais il ajoute aussitôt que le secret en appelle à une communication différée, dont se nourrit la préoccupation créatrice (1). La démarche de Bastide - son.. secret. - est celle d'un homme qui n'a trouvé ni dans l'anthropologie, ni dans la sociologie, ni même dans la littérature l'apaisement de son inquié- tude. En ce sens, son œuvre n'est pas éloignée de celle de Michel Leiris... On devrait alors établir une relation entre ce que Bastide nous dit de l'art et de l'expérience novatrice qu'il propose et ce qu'Ernst Bloch nous dit de l'utopie. Pour l'un et pour l'autre, l'imaginaire est une anticipation sur l'expérience vécue et un pari sur une existence ouverte au possible. L'idée qu'il se fait de la création, parce qu'elle déborde l'esthétique ou la sociologie, rapproche cet imaginaire du dynamisme collectif qui permet aux hommes, à chaque génération, d'échapper à la parole des morts et d'anticiper sur des relations sociales qui ne sont pas encore. S'ouvre ici une porte par laquelle il faut s'engouffrer.. . Jean DUVIGNAUD. (I) Anatomù d'Andrl Gitk. AVERTISSEMENT Le présent ouvrage inaugure l'édition en version française des Œuvres brésiliennes de Roger Bastide. Cet ouvrage sous le titre Arte e Sociedade aura connu en effet deux éditions brésiliennes. La première en 1945, la seconde revue par l'auteur lui-même en 1971. Nous avons naturellement pris pour base le texte de la seconde édition. Cependant cette option présentait une double difficulté: celle des additions et celle des soustractions textuelles opérées par la seconde édition vis-à-vis de la première. Celle des additions. Étant donné l'écart entre les deux dates (1945 à 1971) et en conséquence la mutation culturelle intérimaire sur laquelle Roger Bastide s'explique lui-même dans sa Préface (cf. infra), s'il renonçait « à réécrire le livre» il tenait cependant « à le compléter en analysant des œuvres plus récentes ». Or si nous détenions la version française originale de la première édition (I). pour les compléments nous ne possédions tout d'abord que le texte portugais de la seconde édition et nous avons dû, pendant quelque temps, envisager la retraduction du portugais en français. Heu- reusement, à l'occasion récente d'une semaine Roger Bastide à . l'Université de Siio Paulo, nous avons eu la bonne fortune de récupérer la liasse originale de ces compléments tels qu'ils avaient été rédigés par l'auteur. C'est naturellement ce texte qui a été (1) Heureusement retrouvée par Mme et Mlle Bastide dans les archives de J'auteur. Ce ne sera pas le cas, hélas, pour d'autres œuvres qui, faute de cette version originale désormais perdue et en tout cas irrécupérable, devront être retraduits du portugais en français. C'est le cas par exemple de cet admirable ouvrage, Images du monde mystique, que nous espérons bientôt présenter aux lecteurs français. 10 AVERTISSEMENT intercalé, permettant ainsi la restitution intégrale en version française de cette seconde édition. Celle des soustractions. Un certain nombre de fragments figurant dans la première édition ont été évincés de la seconde par l'auteur lui-même. Nous avons longuement hésité devant ce problème. S'en tenir au seul texte de la seconde édition, était de toute évidence se conformer aux intentions de l'auteur qui avait déjà en 1971 tranché en ce sens. Par contre c'était frustrér le lecteur, désireux de discerner un cheminement, et pour ce faire soucieux de comparer les deux éditions. Après avoir longuement hésité, nous nous sommes ralliés à la première solution: d'une part elle était techniquement plus facile et d'autre part elle correspondait au remaniement adopté par Roger Bastide lui- même. Étant donné l'ampleur du texte, nous avons renoncé à le faire suivre des contributions et articles divers - membra disjecta - qui concomittants ou subséquents dans l'œuvre brésilienne de Roger Bastide auraient été afférents à la thématique traitée dans le présent ouvrage. Ces compléments risquaient d'être trop volumi- neux (2). Mais ils pourront faire l'objet d'un autre regroupement visant similaire ment cette conception bastidienne d'une sociologie de l'Art qui se veut être une esthétique sociologique et se trouve être, nolens volens, une sociologie esthétique, celle en laquelle, ainsi que Roger Bastide le consigne dans un fragment inédit sur son ami Serge Millet: grâce à l'art et à la poésie... « nous sommes passés d'une sociologie qui «accepte. la réalité sociale en cherchant le déterminisme qui la justifie à une sociologie - une contre-sociologie qui fait des institutions le fruit uploads/Societe et culture/ art-et-societe.pdf
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- Publié le Oct 11, 2022
- Catégorie Society and Cultur...
- Langue French
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