Introduction à l’anthropologie. L1 sociologie, CM 15/30h, M. OUDIN, 1er semestr
Introduction à l’anthropologie. L1 sociologie, CM 15/30h, M. OUDIN, 1er semestre 2007/2008 Amphi V. Demange, lundi 10h30/13h ; 6 séances (12nov. A 17déc.). PREMIERE PARTIE : les essentiels. 1. Rappels préliminaires . Introduction générale : objectif du cours, rappels et compléments/15 premières heures. A. Quelques définitions. a. Sociologie. (…) b. Ethnologie. Ethnos signifie petit groupe humain, à l’opposé du socios, plus global. L’ethnologie est donc la réflexion sur les petits groupes humains. Elle considère le concept d’altérité comme une base de travail, refusant la facilité selon laquelle l’autre est un sauvage, la peur du différent menant souvent à une représentation caricaturale d’autrui. L’idée fausse est de croire que nous sommes dans la société et que l’autre se situe dans une ethnie. (…) Le projet ethnologique, au départ ethnographique, consiste à construire une science à partir de la différence, cet élément étant grandement favorisé par la naissance de l’ethnographie en lien avec la colonisation. Suite à la première phase ethnographique que l’on peut qualifier de descriptive, s’ensuit l’ethnologie, réflexion permettant dans un premier temps, durant l’étape guerrière de la colonisation, une meilleure connaissance de l’adversaire puis, durant l’étape administrative, de mieux connaître les populations pour mieux les administrer (études sur le chef, la langue, les coutumes…). L’ethnologie est alors un instrument politique (…) L’ethnologie essaie depuis lors de gagner son autonomie de pensée et de se départir de son association au processus de colonisation. Cela a été grandement favorisé par la décolonisation et l’intérêt porté par certains ethnologues au local, à l’ethnographie du proche comme par exemple du paysan Français. (…) c. Anthropologie. Ce terme mérite d’être cité car il prête souvent à confusion. En effet l’anthropologie n’est pas ce que les anglo-saxons appellent « anthropology » et pourtant certains auteurs français utilisent les deux termes comme des synonymes. Le mot anglais « anthropology » est l’équivalent de ce que nous autres français appelons l’ethnologie. 1 A l’inverse l’anthropologie en France consiste en quelque sorte en une réflexion sur tout ce qui est commun à l’être humain, alors que l’ethnologie est plutôt une science de la différence. Les deux sens sont alors complémentaires. L’anthropologie a pour vocation de fédérer l’ensemble des regards portés sur l’homme : biologique, sociologique, physiologique, ethnologique, etc.… Un débat anthropologique naît du débat de deux regards différents tirés de deux sciences différentes. Une étude sollicitant à la fois la sociologie et l’ethnologie est, par exemple, une étude anthropologique. (…) 2. Les fondements de l’anthropologie et le rapport à l’altérité L’anthropologie appliquée se divise en de nombreux domaines que nous n’aurons pas le temps de détailler ici : anthropologie de la religion, de la parenté, visuelle, de la culture matérielle, urbaine, politique, éléments auxquels on peut ajouter l’ethnopsychiatrie, l’ethnopsychanalyse, l’ethnobotanique, etc.… L’anthropologie c’est cependant constituée à la fin du 19ème siècle sur trois grands fondements : - l’unité de l’espèce humaine - la nécessité d’un objet d’étude : au départ ce que l’on appelait les « primitifs », les sociétés « traditionnelles » ou sociétés « simples », que l’on appelle maintenant sociétés lointaines, non européennes, exotiques… L’objet d’étude de départ est de petite dimension, ayant peu de contacts avec les voisins, une technologie peu développée et pas de spécialisation dans les activités. - l’ethnologie repose sur une méthode de recherche : l’observation participante, due à Bronislaw Malinowski, avec à l’époque un besoin de distance géographique et culturelle entre observateur et observé pour plus d’objectivité (…). Il faut apprendre à connaître une société de l’intérieur par l’expérience de la vie quotidienne, par une réelle immersion. De plus l’ethnologue porte alors un intérêt particulier à trois niveaux de recherche : les normes, les pratiques et les représentations. (…) L’étude repose aussi sur la méthode de l’analyse comparative, on compare la société étudiée ou des éléments de celle-ci avec celles d’à côté, alors que l’anthropologue procède plus par comparaison d’un phénomène dans différentes sociétés pour mettre en évidence des logiques universelles. Ces fondements ne peuvent se comprendre que si on a à l’esprit que l’ethnologie se construit d’après un intérêt pour l’autre, le différent. Il faut donc, en guise de préalable, questionner ce rapport à l’altérité. Le rapport à l’altérité. L’ethnologie, c’est tout d’abord le regard porté sur l’autre, le désir de connaissance des peuples, plus ou moins distants, mais parfois proches, qui nous semblent différents. (…) Cette curiosité première devient progressivement plus scientifique, dans la mesure où cette recherche de l’autre aboutit à une réflexion sur la nature humaine, sur ses ressemblances et ses différences et sur les raisons de celles-ci. (…) Mais cette visée scientifique se double, comme bien souvent, de préoccupations pratiques et de soucis d’application. Connaître l’autre, ses coutumes, ses croyances, c’est aussi pouvoir 2 commercer avec lui ; c’est améliorer les chances d’une politique d’intégration de populations culturellement différentes ; c’est également aider au développement harmonieux de sociétés entraînées dans des processus de changement brutal. C’est enfin, d’un point de vue humaniste et pédagogique, permettre de modifier par un acte de compréhension bienveillante le regard que l’on porte sur l’autre, regard souvent façonné par des préjugés immémoriaux. Le regard de l’ethnologue conditionne donc l’étude qu’il va effectuer et, par là même, l’image qu’il va présenter d’un groupe particulier. Il doit alors être conscient de l’effet que peut avoir sa recherche sur les personnes la consultant et éviter de grossir ou de négliger certaines caractéristiques du groupe étudié. Cela revient généralement à forcer le trait selon deux tendances : - idéaliser la réalité - diaboliser l’objet d’étude Ces deux façons de faire sont les erreurs les plus commises par les ethnologues et ce depuis le début de l’ethnologie. Pour bien comprendre en quoi consistent ces erreurs nous allons voir l’exemple que l’on pourrait appeler : Une double erreur : le mythe du bon sauvage ou le cannibale. Rappel : Ethnocentrisme : dès que l’on essaye de penser les autres, on va attribuer à cet autre des raisons d’agir qui sont en fait les nôtres. On explique les autres en fonction de soi-même (car cette différence choque, on essaye de la réduire en ramenant tout à soi). La pensée ethnocentrique est extrêmement courante à cette époque. Ex : l’idée de bon sauvage chez Rousseau. (…) Ex 2 : Figure repoussoir du cannibale et réalité de l’interdit cannibalique. (…) 2. L’évolutionnisme (1870-1910). Son idée majeure est de considérer que toutes les sociétés humaines ont la même histoire, on effectue alors un classement des sociétés sur une échelle temporelle. Les sociétés extra-européennes sont qualifiées d’archaïques, elles sont sensés vivre à l’aube de l’humanité avant de pouvoir accéder à l’étape de la barbarie précédant le stade ultime correspondant évidemment à la civilisation occidentale dite civilisée, industrielle, etc.… L’humanité est perçue comme unique mais divisée par l’histoire. Précurseur : J. Bachofen dans Das Mutterrecht, en 1861, c’est à dire Le règne de la mère. Il imagine l’évolution des sociétés selon trois étapes et un fil conducteur : la forme de la filiation. La première étape correspond à un désordre dans le rapport homme/femme, ce qu’il appelle la promiscuité primitive. Vient ensuite la prise de pouvoir des femmes, la filiation passant alors par elles, c’est le matriarcat. Enfin les hommes reprennent le pouvoir et la filiation devient patrilinéaire, le patriarcat s’impose. 3 Parfois les modèles sont plus échafaudés : exemple de J.F. Mac Lennan et de la théorie des survivances (partout où l’on peut observer des institutions sous forme symbolique (culte, coutume…) c’est qu’il existait auparavant une réalité qui y correspondait). Son modèle est également bâti selon trois étapes de l’histoire de l’humanité : A l’origine existaient des hordes primitives vivant en guerre perpétuelle. Les femmes étaient alors considérées comme inutiles et gênantes et étaient donc chargées de la seule reproduction, elles étaient alors l’objet de vols (symbolisé par la suite par la survivance qu’est l’enlèvement de la mariée par exemple.) La seconde phase correspond à l’attachement d’un groupe d’hommes pour une seule femme c’est à dire la polyandrie générale qui va évoluer en polyandrie fraternelle au sein d’un groupe de frères. (Une survivance de cette pratique est le Lévirat selon lequel lorsqu’un homme décède son frère cadet a l’obligation de se marier avec la veuve.) (…) Enfin viendra la monogamie, les femmes allant habiter chez leur mari, ce qui correspond à la famille occidentale de la fin du 18ème siècle. (…) Autre exemple : J. Frazer dans Le rameau d’or pour qui l’histoire de l’évolution de la pensée humaine correspond à trois stades : la magie puis la religion et enfin la science. (…) Exemple détaillé : Lewis H. Morgan, La société archaïque, 1877 (R : nombreuses rééditions, notamment en 1985 (celle de la BU) et même plus récemment) -critères de classement des sociétés -choix arbitraire des critères -trois stades d’évolution de l’humanité : l’ « état sauvage », la « barbarie » et enfin la « modernité » (…) -raisons de la prudence nécessaire face à cette perspective (…) L’amorce d’une alternative à cette pesante théorie voit le jour avec un évolutionniste modéré nommé Edward TYLOR (…). Pour lui l’histoire uploads/Societe et culture/ coursenligne-cm-l1-initiationanthr.pdf
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