1 Franck le Crest Démythologiser la Nouvelle droite A Michel Maffesoli. 2 Intro

1 Franck le Crest Démythologiser la Nouvelle droite A Michel Maffesoli. 2 Introduction : La Nouvelle droite, une école de pensée qui supplée les insuffisances d’une sociologie oublieuse de son objet. Le contexte actuel est pour la ND celui d’une crise morale, spirituelle, sociétale où l’individu doit se soumettre à de nouvelles règles du jeu pour conserver les atouts de sa réussite socio-professionnelle. Comment la ND marquée par une conception communautariste du lien social peut-elle envisager le déploiement d’une exigence régulatrice qui est en crise ? Devant le propos de François Dubet pour lequel « nous vivons aujourd’hui le déclin de l’idée de société »1 la ND ne saurait y répondre qu’en faisant valoir la nécessité de faire jouer le recours aux solidarités organiques. Ce constat « d’être au bord du gouffre » découle de la crise d’un monde social hier marqué par la révolution industrielle elle-même relayée par l’affirmation de l’Etat-providence. L’idée de société était pour les sociologues une réponse aux mutations de la fin du XIXème siècle. Comme toute réponse, elle avait une interrogation dont on peut dire qu’elle correspondait à s’opposer à la réponse communautariste des penseurs contre-révolutionnaires. La sociologie s’avère être moderne même si sa thématique nous rappelle Nisbet est conservatrice ; aussi lui fallait-il épouser la révolution démocratique en engageant son propos sur la voie de l’émancipation. Aussi l’engagement des sociologues n’est pas un élément résiduel. Il participe d’une certaine conception de la société défini sous des formes désirables. A la fois objet de connaissance, la société est aussi l’enjeu d’une représentation définitionnelle qui caractérise sa modernité à laquelle la ND a lutté pour lui opposer l’attrait de ce que d’aucuns ont voulus voir de transgressif et d’archaïque. La société était pensée comme totalité cohérente qui liait l’Histoire, la structure sociale et la culture. C’est cette totalité qui fait défaut aujourd’hui. Aussi délaisse-ton l’idée de société. Celle-ci, dit-on, est devenue inutile. Il revient à la ND d’avoir envisagé cette crise avant même le constat de la sociologie tourainienne. « Les grands courants théoriques se construisent moins directement à partir des représentations générales de la nature des sociétés qu’en fonction des divers paradigmes de l’action sociale. Les débats n’opposent plus des représentations et des théories de la totalité sociale, mais des conceptions de l’acteur, du sujet et des liens sociaux. »2 Le cadre problématique de la réflexion portant sur la société a explosé : certains sociologues se soucient de problèmes de philosophie politique. D’autres se tournent vers l’anthropologie culturelle des sociétés modernes. D’autres s’intéressent à l’interactionnisme ou à l’ethnométhodologie ou encore au cognitivisme. La ND comble un vide, vide que la sociologie qui a abandonné l’idée d’un ensemble structuré à partir duquel découlait l’obéissance à des règles préétablies n’a fait qu’amplifier par sa propre dissolution. L’emploi du mot société est utilisé pour définir un monde contemporain marqué par la crise, l’individualisme et le désenchantement du monde. Le fonctionnalisme d’antan ignore la complexité et la pluralité des conduites sociales contemporaines. Il faut remplacer l’idée de rôle par celle d’expérience sociale du fait que les individus sont soumis à la gestion de rationalités différentes. Si l’action sociale n’a plus d’unité, la société qui est à l’origine de celle-ci n’en a pas non plus. La société est une addition de sphères de rationalités différentes qui contient une pluralité de cultures et qui possède une définition différenciée du sens de la vie. L’individualisme aidant, nous sommes confrontés à une demande de liberté et d’autonomie vis-à-vis de ce qui définissait auparavant sa place dans la société. L’unité de la société ne provient plus de la socialisation parce que l’individu a renoncé à n’être qu’un rôle ou une fonction qui obéirait sans rechigner aux 1 François Dubet, Danilo Martucelli, Dans quelle société vivons-nous ? Le Seuil, 1998, page 11. 2 Idem, page 12. 3 impulsions de la société. La liberté à laquelle tient tant l’individu détruit les anciennes solidarités propres à l’univers ouvrier. Face à cela, la ND tente d’accréditer le charme des communautés électives ou des cultures héritées subsistantes. La ND rejoint nombre d’auteurs critiques pour lesquels L’individu doit faire face, seul, à toute sorte de problèmes qui n’existait pas tant que la société était une réalité intangible qui répondait à ses attentes. Il y a peu, la sociologie voulait réfuter l’égoïsme économique des théories utilitaristes. Elle tentait de répondre à un ensemble de questions comme comment concilier la solidarité et le marché, comment assurer la cohésion sociale dans une société développant la solitude. Longtemps, la sociologie et le socialisme ont fait bon ménage. « L’idée de société est indissociable d’une définition de la modernité. »3 La société est moderne parce qu’elle s’oppose au monde de la tradition, promouvant la démocratie et la croyance dans le progrès. Pour Marx la société moderne est liée au développement des forces productives, pour Weber, elle correspond au processus de rationalisation, pour Durkheim, il faut chercher son principe du côté d’une division du travail de plus en plus complexe. Quelque soit les sociologues classiques, l’idée de société désigne une totalité ordonnée, un système qui fait ainsi l’économie d’un garant méta-social. La sociologie classique a pensé la société comme un ensemble intégré de fonctions et de rôles. Longtemps la sociologie a expliqué les choses par leur fonction et ce par quoi elles servent. C’est ainsi que s’est développé une lecture structuraliste de l’œuvre de Marx. Le succès qu’a pu connaître la sociologie critique est dû au fait qu’elle dénonçait les rouages de la domination et de l’aliénation d’une société dont la solidarité était marquée par un conformisme social étouffant où les individus étaient en parfaite osmose avec leurs rôles. Pour Durkheim, « il fallait fonder la réalité morale de la société comme totalité capable de s’imposer à des individus isolés et égoïstes. En identifiant la société au sacré et à la morale, Durkheim disait tout haut ce que d’autres disaient tout bas : la conduite juste est celle qui contribue au fonctionnement harmonieux de la société. »4 L’idée de société suppose que soit dépassée des divergences d’intérêts, et des sous-cultures au profit de la société, incarnation d’un nouvel idéal. Cet idéal, c’est l’Etat-nation qui l’incarne. Celui-ci se définit comme l’intégration des cultures et de l’économie. La nation, c’est le désir de faire une culture partagée par ses citoyens qui se définissent comme des ayant droits, pouvant bénéficier des droits politiques et sociaux alloués aux membres de la communauté. Le patriotisme en est l’expression. « Quand les Français disent « la société », ils pensent « la France » et, plus encore, « la République », c’est-à-dire une construction politique et étatique de la société. »5 Ce qui remet en cause l’idée de société, c’est la crise de la Raison, celle des Lumières associé à l’idée de domination, refoulant tout ce qu’elle ne pouvait pas contrôler. Le thème du désenchantement s’est imposé. Et la ND a su prospérer de l’anti-modernisme ambiant et de cette mise en cause des Lumières. Chez la ND le constat a été fait à partir de la pensée de Heidegger plus que par celui de Max Weber. La modernité est soumise d’un côté par l’appel au sujet, et de l’autre, elle est réduite à la rationalité instrumentale. L’acteur et le système s’opposent. La ND s’oppose au système qu’elle identifie à la monopolisation occidentale du monde, elle achève aussi une certaine conception du sujet acquis à l’assurance de son discernement. Ce qui s’impose, c’est le déchirement qu’éprouve le citoyen soumis au règne de la raison instrumentale et l’affaiblissement du rôle de l’Etat dans son rôle intégrateur d’une économie qui désormais se mondialise. Alors que la métaphore de l’organisme social devient désuète, la ND persiste à penser la société à partir de celle-ci. 3 Ibidem, page 22. 4 François Dubet, Danilo Martucelli, op. cit., page 27. 5 Idem, page 31. 4 La sociologie depuis les années 70 a abandonné l’idée de société. Celle-ci est conçue comme un ensemble de systèmes privé de finalité. Nous sommes face à une scène éclatée, dominée par les problèmes d’identité. La société n’est plus organisée autour d’un conflit central, ni structurée par une claire distinction des enjeux politiques, culturels et sociaux. La ND en est plus que consciente Dans quelle mesure les sociétés occidentales restent-elles capables de fabriquer le type d’individu nécessaire à leur fonctionnement continué ?. La famille est en crise ; l’éducation n’est plus investie comme paideia par les élèves. La religion n’a plus de fidèles. La nation n’est plus qu’une idéalisation dérisoire. L’individu se trouve confronté à une société dans laquelle les valeurs et les normes sont remplacées par le niveau de vie et le bien-être. L’individualisme qui en découle revendique l’arrachement de tout a priori qui déterminerait l’être social. Ce qui est donc en jeu, ce n’est rien moins que la question de la cohérence du lien social. Le problème se pose d’autant plus que la personnalité dans une société qui tend à s’organiser exclusivement à partir de la consommation, n’a pas de principe d’intégration. Or pour Castoriadis, il ne peut y avoir de société qui uploads/Societe et culture/ demythologiser-la-nouvelle-droite.pdf

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