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Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/3 Afghanistan : des vétérans américains entre colère et amertume PAR PATRICIA NEVES ARTICLE PUBLIÉ LE JEUDI 26 AOÛT 2021 Aéroport de Kandahar, Afghanistan, le 18 décembre 2001. Deux marines américains hissent un drapeau signé par des proches des victimes du 11 septembre 2001. © Photo de Rick Loomis / LA Times / AFP Alors que les évacuations se poursuivent à Kaboul, avec des avions décollant toutes les 45 minutes avant le retrait programmé des troupes américaines le 31 août, les ex-combattants américains ont pris la parole ces derniers jours pour mettre la pression sur la Maison-Blanche. Mediapart a interrogé trois d’entre eux. New York (États-Unis).– Depuis un peu plus d’un mois, Tim a recommencé à suivre au quotidien la situation en Afghanistan, à assister à la reconquête du pays par les talibans, ville par ville. Amber, elle, est partie camper ces derniers jours dans la nature, là où il n’y a ni télévision ni réseau. Impossible de la joindre, sauf quelques heures ce mardi 24 août. Elle a dû s’arrêter dans un hôtel à cause de ses problèmes de santé, une maladie auto-immune « liée au stress post-traumatique de la guerre ». Mike, enfin, a passé cette dernière semaine quasiment sans dormir, collé chaque nuit à son téléphone, à essayer d’aider le rapatriement du plus grand nombre. À l’autre bout du fil : l’aéroport de Kaboul et le chaos. Pour Amber Robinson, Timothy Kudo et Michael Breen, trois anciens combattants de la guerre en Afghanistan, aujourd’hui âgés d’une trentaine ou quarantaine d’années, la guerre s’est poursuivie bien après leur retour aux États-Unis il y a près de dix ans. Ils ont continué à s’y intéresser. Aéroport de Kandahar, Afghanistan, le 18 décembre 2001. Deux marines américains hissent un drapeau signé par des proches des victimes du 11 septembre 2001. © Photo de Rick Loomis / LA Times / AFP Mais pour le reste de la société américaine, la chute de Kaboul le 15 août dernier a semblé sonner comme un réveil mal réglé, « comme si les gens avaient oublié que l’Amérique était en guerre depuis vingt ans », résume Amber Robinson, qui a servi en Afghanistan à trois reprises, entre 2006 et 2012, dans la province orientale de Kunar entre autres. Depuis New York ou la Californie, ces trois jeunes vétérans ont partagé ces jours-ci les mêmes impressions, avec plus ou moins de tristesse et de colère. D’abord, le sentiment que l’effort demandé aux soldats américains sur le terrain était vain et que tout le monde le savait. Ensuite, la surprise. Le choc même de voir la rapidité avec laquelle l’armée afghane a été renversée, en quelques jours seulement. Puis l’urgence. La nécessité de venir en aide à tous ceux qui les ont aidés, les Afghans, « leurs amis ». Une obligation « morale », défendent les trois vétérans américains joints par Mediapart. Comme eux, plusieurs dizaines d’organisations militaires américaines ont appelé lundi 23 août la Maison-Blanche à ne pas laisser tomber les alliés afghans. La veille, le président Joe Biden l’avait promis. Il accueillerait « dans leur nouvelle maison, les États-Unis », tous les Afghans engagés aux côtés des Américains au cours de ces vingt dernières années. « Parce que c’est ce que nous sommes, a-t- il déclaré. Parce que c’est ça l’Amérique. » Celle qui n’abandonne pas ses hommes au front. Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 2/3 Pressions sur la Maison-Blanche Bien qu’en déclin, les vétérans – 7 % de la population américaine, autour de 18 millions de personnes selon le dernier recensement – sont un groupe encore très puissant sur le plan culturel et politique, convoité outre-Atlantique par les élus, car potentiels faiseurs de rois dans les « Swing States », les États clefs. Plutôt conservateurs, âgés en moyenne d’une soixantaine d’années, les vétérans (89 % d’hommes) ont évolué à l’image de la société, avec un profil de plus en plus divers. Conscients de leur influence, les vétérans se mobilisent donc, partagent une nouvelle fois leurs « inquiétudes » malgré l’accélération des évacuations à Kaboul. Depuis le 14 août, 82 300 personnes ont pu être évacuées d’Afghanistan d’après les chiffres officiels cités par le New York Times. Évacuées oui, mais pour aller où ? se demande toutefois MikeBreen, aujourd’hui président de l’association Human Rights First qui défend le respect des droits humains par les États-Unis à travers le monde. « À ce que l’on sache, le président Biden n’a pas encore décidé de faire venir les alliés afghans directement dans le pays, aux États-Unis. » De sorte que Mike Breen se dit « inquiet » quant à la possibilité de créer des camps de réfugiés dans des pays tiers. Mais aussi au sujet du rapatriement des troupes le 31 août avant qu’elles n’aient pu mener à bien leur dernière mission. Cette possibilité résonne notamment avec l’expérience de Tim Kudo sur le terrain. Toutes ces années, « on essayait de mener à bien une mission impossible, juge- t-il. Nos présidents, nos généraux (…) ils le savaient, ils nous ont menti. » « Quand je suis revenue pour la troisième fois en Afghanistan, en 2011-2012, peu de choses avaient changé quant à la corruption et à la capacité de l’armée afghane de s’entraîner », confirme Amber Robinson. C’était un secret de Polichinelle, la corruption, tous ces projets d’infrastructures qui n’aboutissaient pas, « les ponts, les écoles… ». « Malgré les milliards dépensés, la reconstruction de l’Afghanistan n’a pas été une priorité des responsables politiques américains, ajoute Mike Breen. C’est l’un des sales secrets de cette guerre, estime-t-il. L’Afghanistan n’était pas le genre de dossier qui faisait avancer les carrières à Washington. » Les « mensonges » de la guerre, les vétérans les portent désormais sur leurs épaules. Pour Amber Robinson, il y a eu cette fatigue immense qui l’a parfois empêchée de monter même les plus petites séries de marches. Puis la dépression, les pensées suicidaires. Et la reconstruction par le théâtre. Pour Tim Kudo, ce sont des cauchemars récurrents. Ce face-à-face avec l’ennemi par exemple. Tim Kudo veut appuyer sur la gâchette mais dans son rêve l’arme s’enraye. Il meurt en même temps qu’il se réveille. Depuis, Tim, l’ancien marine, écrit. Il travaille sur un premier roman, une histoire sur la guerre. « Est-ce que tout ça, l’Afghanistan, valait le coup ? » « Non, répond-il dorénavant. Quand vous commencez une guerre et que vous défendez l’idée que la fin justifie les moyens, il est indispensable de gagner le combat pour tous ceux qui y ont pris part. » Et pour tous les autres, ajoute-t-il, en particulier les victimes « collatérales ». À ce titre, « les États-Unis ont une obligation morale envers les Afghans », conclut Mike Breen. Pas seulement en raison « de ces vingt ans de guerre mais du fait de ses quarante ans d’implication sur le terrain », de l’influence américaine du temps des Soviétiques déjà. « Blâmer uniquement les Afghans pour leur situation actuelle serait profondément malhonnête. » Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 3 3/3 Directeur de la publication : Edwy Plenel Direction éditoriale : Carine Fouteau et Stéphane Alliès Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS). Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007. Capital social : 24 864,88€. Immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS. Numéro de Commission paritaire des publications et agences de presse : 1214Y90071 et 1219Y90071. Conseil d'administration : François Bonnet, Michel Broué, Laurent Mauduit, Edwy Plenel (Président), Sébastien Sassolas, Marie-Hélène Smiéjan, François Vitrani. 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