BOURGES Tifenn C02 Commentaire de l'arrêt de la Chambre commerciale du 4 juin 2
BOURGES Tifenn C02 Commentaire de l'arrêt de la Chambre commerciale du 4 juin 2009 Il s'agit d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de Cassation, en date du 4 juin 2009. Il porte sur les modalités d'application de l'obligation des associés de répondre aux dettes sociales. La SCI a été condamnée, par ordonnance du 19 septembre 2001, à fournir sous astreinte une garantie telle que prévue dans le Code civil, à la société Jean Rossi. La garantie en question est prévue à l'art 1799-1 du Code Civil, selon lequel « le maître de l'ouvrage qui conclut un marché de travaux privé doit garantir à l'entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret en Conseil d’État ». L'astreinte a été liquidée par jugement du 20 février 2004, et la SCI a été condamnée à payer le montant des travaux par décision du 27 avril 2004. Après signification de ces jugements conformément aux règles de procédure civile, la société JR a assigné les associés de la société SCI en paiement des dettes sociales. La Cour d'appel de Paris, dans un arrêt rendu le 14 novembre 2007, déboute la société JR de sa demande. La société JR se pourvoie en cassation aux motifs que, tout d'abord, la Cour d'appel, en jugeant que la société JR n'avait pas vainement poursuivi la société SCI avant de poursuivre ses associés, a donc violé l'article 1858 du Code Civil qui précise que « les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale ». En effet, des poursuites ont été engagées par la société JR à l'encontre de la société SCI, qui ont abouti à des jugements définitifs de condamnation et de liquidation, mais ils n'ont pu être exécutés en raison de vaines tentatives de signification qui ont été matérialisées par des procès verbaux de recherches infructueuses à l'encontre de la personne morale. Ensuite, la Cour d'appel a ajouté une condition non prévue par l'art 1858 Code Civil, à savoir l'exigence pour le créancier de rapporter la preuve de l'insolvabilité de la société SCI qu'il a vainement poursuivi avant de poursuivre les associés en paiement des dettes de la société. La Cour d'appel a donc par conséquent violé le texte précité. La question est ici de savoir quelle définition on doit donner aux « poursuites vaines » : dans quelles mesures les poursuites vaines contre la société peuvent justifier la poursuite des associés en paiement des dettes sociales? La Chambre commerciale rejette le pourvoi formé par la société JR, aux motifs que la Cour d'appel a, de bon droit, retenu que les procès verbaux de recherches infructueuses ne permettaient pas de démontrer l'insolvabilité de la SCI, et qu'elle a également constaté de bon droit que la société JR n'avait pas entreprise d'autres démarches. Par conséquent, la Cour d'appel a exactement déduit que la société JR devait alors être déboutée de sa demande à l'encontre des associés de la société SCI, car elle n'établissait pas l'existence de vaines poursuites préalables. Dans cet arrêt, la Chambre commerciale donne une interprétation extensive des dispositions de l'art 1858 Code Civil (I), afin d’offrir une protection constante aux intérêts des associés obligés aux dettes sociales (II). Page 1 BOURGES Tifenn C02 I. Une interprétation extensive de l'art 1858 Code civil par la Chambre commerciale La Chambre commerciale met en avant dans cet arrêt les difficultés et limites rencontrées lors de l'interprétation de l'art 1858 Code civil (A), mais elle en déduit également une nouvelle condition de recevabilité pour l'action en paiement des dettes sociales par les associés (B). A) Les difficultés et limites de l’interprétation de l'article 1858 Code civil L'art 1858 Code Civil dispose que « les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale ». Cet article énonce donc les conditions de recevabilité de l'action en paiement des dettes sociales contre les associés de sociétés civiles de droit commun. Il exprime le caractère subsidiaire de l'engagement de l'associé civil en exigeant des créanciers sociaux qu'ils poursuivent préalablement et vainement la société, personne morale, avant de se retourner contre les associés, personnes physiques. En l'espèce, la procédure imposée au créancier de la société est déjà relativement complexe, du fait de la formulation de l'article. Les termes « vainement » ou « procédures préalables » sont difficiles à interpréter dans le sens où l'on ignore ce que signifient réellement ces termes et quel est le niveau d'exigence exact de l'article. La Cour de cassation, dans son interprétation, estime que « procédure préalable » signifie avoir recherché l'insolvabilité de la société, et « vaine » signifie que le créancier aurait dû poursuivre ses recherches et ne pas s'arrêter au fait que la société n'avait pas d'adresse connue. Il résulte de ces divergences entre le pourvoi et l'interprétation de la Cour des difficultés d'interprétation de l'article. L'interprétation faite par la Cour de cassation entraine la Chambre commerciale à exiger une preuve de l'insolvabilité de la société avant d'autoriser les créanciers sociaux à poursuivre les associés. B) L'exigence d'une nouvelle condition de recevabilité de l'action en paiement des dettes sociales Comme le précise l'art 1858 Code civil, les créanciers d'une société civile de droit commun ne peuvent poursuivre les associés pour paiement des dettes sociales qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale. Ainsi, la Cour d'appel, approuvée par la Cour de cassation, retient que la simple signification des jugements de condamnation selon les procédures prévues par l'article 659 Code de procédure civile n'établit pas l'existence de vaines poursuites préalables, étant donné que les procès-verbaux de recherches infructueuses permettaient uniquement de prouver que la débitrice principale n'avait pas d'adresse connue. Ils n'établissaient en aucun cas son insolvabilité. La Cour de cassation déduit donc, de part les termes de l'art 1858, que la société se doit d'apporter la preuve de l'insolvabilité, pour justifier ses recherches « vaines ». La Cour de cassation fait une application très stricte des termes de l'art 1858, en défaveur des créanciers. Tant que l'insolvabilité de la personne morale n'est pas démontrée, les créanciers ne peuvent pas poursuivre les associés. Cette nouvelle condition permet de souligner l'importance de la société par rapport aux associés, et de la mettre en avant. L'établissement de l'insolvabilité de la société devient donc une condition nouvelle pour les créanciers, déduite par la Cour de cassation des disposions de l'art 1858 Code civil. La Cour de cassation donne une interprétation très précise des termes de l'art 1858, qui sont pourtant très vagues. Par conséquent, elle en déduit des mesures plutôt favorables aux associés, malgré le fait qu'ils soient tenus d'une obligation aux dettes sociales. Alors même que l'art 1858 ne précise rien, la jurisprudence en déduit des règles qui imposent un régime plutôt lourd pour les créanciers. Page 2 BOURGES Tifenn C02 II. Une volonté constante de protéger les intérêts des associés obligés aux dettes sociales La Chambre commerciale montre, à travers cet arrêt, sa volonté de protéger les associés obligés aux dettes sociales, en se fondant sur des raisons pratiques et juridiques (A). Cette arrêt s'inscrit dans une jurisprudence constante (B). A) Des raisons pratiques et juridiques comme fondements de la protection des associés L'interprétation donnée par la Chambre commerciale de l'art 1858 Code civil se révèle clairement en faveur d'une protection des associés débiteurs. En effet, les créanciers doivent d'abord prouver l'insolvabilité de la société avant de pouvoir poursuivre les associés en paiement des dettes sociales. En l'espèce, la société JR aurait dû entreprendre d'autres démarches, elle n'a pas épuisé toutes les ressources à sa disposition. Le Code civil impose donc une charge assez lourde aux créanciers sociaux. L'exigence d'une telle condition s'explique par le fait que la société a été créée dans un but bien précis, et pour effectuer des actes déterminés. Si les créanciers peuvent passer outre « l'écran » de la société pour poursuivre directement les associés, celle-ci perd alors son utilité. La personne morale exprime l'affectio societatis des associés, elle est donc naturellement située au-dessus d'eux au regard de son importance par rapport à chaque personne physique des associés prise individuellement. Seul la mise en commun des apports des associés a pu permettre la création de la société, il est donc normal que les créanciers ne puissent pas les poursuivre directement dans le cas des dettes de la société, surtout s'il s'avère que celle-ci est solvable. Pour des facilités de procédure lorsque la société est solvable, il est également plus pratique pour les associés que les créanciers se fassent rembourser directement par la société, plutôt que ceux-ci les poursuivent pour obtenir remboursement des dettes et que les associés doivent par la suite demander un remboursement à la société. La protection des associés est mise en avant dans cet arrêt par la Chambre commerciale, mais celle-ci ne fait que réaffirmer une jurisprudence déjà établie. B) La réaffirmation d'une jurisprudence constante La Cour de cassation établit que les créanciers uploads/Societe et culture/ commentaire-arret-de-la-chambre-commerciale-du-4-juin-2009.pdf
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- Publié le Sep 09, 2021
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