Étude des noms culturels de la traduction d'À la recherche du temps perdu Rozit

Étude des noms culturels de la traduction d'À la recherche du temps perdu Rozita ILANI Maître-assistante, Département de Langue et Littérature Françaises Université Azad Islamique d'Arak r-ilani@iau-arak.ac.ir Résumé À la recherche du temps perdu, chef-d'œuvre de Marcel Proust et analyse littéraire et sociologique de la France au début du siècle précédent, est bâti par des mots spécifiques qui reflètent la culture française de son temps. La traduction de ces mots exige l'application de certaines stratégies. Cette étude s’est concentrée sur la traduction de quelques noms propres des personnages fictifs et réels, les médias, les nourritures et les toponymes avec des connotations spéciales dans La recherche. Nous avons étudié la traduction de Sahabi pour mettre en relief ses stratégies choisies : la stratégie de la transcription phonétique préserve l’étrangeté et la couleur locale du texte original ; alors que l’explication, l’adaptation et la généralisation se concentrent sur la compréhension du public iranien. Nous avons enfin analysé les conséquences de ces stratégies choisies. Les exemples montrent que la transcription phonétique transmet bien le sens culturel des noms dans la mesure où elle est accomplie par des explications supplémentaires du traducteur dans les notes ou celles de l'auteur dans le contexte proche des mots. Au contraire, la généralisation et l’adaptation du texte traduit neutralisent la couleur locale et l’implantation dans la culture française serait donc moins forte. Mots clés : La recherche, Mehdi Sahabi, stratégies de traduction, noms culturels, adaptation, explication, généralisation. 70 Études de langue et littérature françaises Introduction Chaque pays a sa propre culture dont certains traits caractéristiques sont partagés avec ceux d’autres pays. Mais les traditions sont propres d'une seule culture. La porte-parole la plus puissante des cultures est, la langue qui accomplit son rôle à l'aide de ses mots. Comme la langue reflète la culture, c’est difficile de traduire des mots qui indiquent des phénomènes culturels spécifiques. Ces mots culturels incluent, par exemple, les noms propres, les médias et les nourritures. Quand on écrit un texte dans sa langue maternelle, l'on utilise des mots culturels sans y réfléchir, en supposant que tous les lecteurs, ou au moins la plupart d'eux, vont comprendre les mots en question puisqu’on partage la même culture. Mais, quand le texte est traduit en une autre langue, les nouveaux lecteurs n’ont pas la même compréhension de ces mots. Le traducteur doit donc les aider à comprendre les mots culturels en utilisant les différentes stratégies de traduction1. Compte tenu de l'importance de la base culturelle des mots, on se concentre sur l'œuvre la plus riche dans ce domaine en France. Écrite entre 1908-1922 par Marcel Proust, le grand auteur français, À la recherche du temps perdu est l'analyse littéraire et sociologique de la société française à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. L'art complexe de Proust offre à chaque élément structural de cette œuvre la possibilité de s'enraciner dans la culture française. Selon Proust, «le travail de l'auteur est égal à celui du traducteur» (Proust, 1947, T.15, 589). C'est ainsi que Mehdi Sahabi, le traducteur iranien qui occupe certes une place exceptionnelle dans la traduction des œuvres littéraires en persan, a consacré une dizaine d'années à la traduction de ce chef- d'œuvre. La problématique de cette recherche est basée sur ces questions : dans quelle mesure les noms propres de La recherche sont-ils les représentants de la culture française? En quoi consistent les stratégies mondiales de la traduction des mots culturels? En quoi consistent les stratégies de traduction de Sahabi? Comment et dans quelle mesure a-t-il réussi à transmettre la valeur culturelle des mots aux lecteurs iraniens? La définition des paramètres du cadre théorique nous mène à l'analyse des exemples choisis. Afin de délimiter le sujet, cette recherche se focalise sur quelques exemples des noms de fond culturel de La recherche, comme les noms des personnages réels ou fictifs, les médias, les nourritures et certains toponymes avec des connotations spéciales. ______________________________________________________________________________ Étude des noms culturels de la traduction d'À la recherche du temps perdu 71 1. Cadre théorique, traduction des mots culturels Dans chaque langue, il existe un certain nombre de mots, d'expressions figurées et figées, tout pénétré de culture. Ils reflètent non seulement les représentations des objets mais aussi le côté culturel du monde. Selon la plupart des traducteurs mondiaux, « ils s'appellent des mots culturels qui existent dans une culture, mais non pas dans une autre. Ces mots sont difficiles à traduire parce qu’ils dénotent des phénomènes qui n’existent que dans la langue de départ » (Lindsten, 2013, 3). Ces mots sont des codes culturels qui donnent accès à la compréhension des faits culturels implicites, reconnus par les natifs. Robert Galisson souligne que «cette charge culturelle est la valeur ajoutée aux significations ordinaires des mots qui est connue de tous les natifs et constitue leur lexiculture et que les étrangers ont tant de mal à maîtriser sans doute parce qu'elle n'est décrite, donc enseignée nulle part» (Pouchkova, 2010, 344). Selon Proust, les noms qui désignent les choses, répondent toujours à une notion de l'intelligence, étrangère à nos impressions véritables. Par la métaphore, l'écrivain traduit mieux l'essence des mots et exprime une vision du monde authentique (Décote, 1991, 153). Chaque mot a un statut spécial que l'auteur ou le traducteur doit découvrir. Un bon traducteur possède le don des langues, pénètre les secrets du texte, le décode et prête l’oreille aux voix qui s’en dégagent. Ainsi, une bonne traduction est celle qui élucide les sens, surtout les sens cachés des mots culturels sans déculturation du texte. Quand on traduit des mots culturels, on doit réfléchir aux lecteurs, car c’est important de se souvenir que le récepteur du texte n'est pas le même après la traduction, autrement dit, les lecteurs de traduction appartiennent à une autre culture. Les mots culturels qui sont évidents pour le lecteur du texte original ne sont pas nécessairement évidents pour le lecteur du texte traduit parce que le lecteur du texte traduit ne partage pas la même culture que l’auteur. Ainsi, « il faut que le traducteur tienne compte de cela en utilisant les différentes stratégies et qu’il essaye de transmettre ces mots culturels» (Lindsten, 2013, 7). Certes, la valeur qui s'ajoute aux significations ordinaires des mots pose parfois beaucoup de problèmes de traduction. Pour que la traduction atteigne à sa perfection, il faut choisir quelques stratégies scientifiques. On peut diviser, en général, les stratégies de la traduction en deux groupes. Le premier groupe favorise l’expression du sens et brise les liens avec le signifiant d’origine en utilisant un équivalent culturel. Le 72 Études de langue et littérature françaises second préserve l’étrangeté des signifiants et les cite dans l'œuvre traduite sans changement. « La mise en pratique de ces deux stratégies se montre par l’explication, la généralisation, l’adaptation et la suppression qui se concentrent sur la compréhension du texte et aussi par la traduction directe et la précision qui essayent de préserver l’étrangeté du texte » (Ibid., 9). La traduction directe et la précision consistent à l'emprunt des mots de la langue d'origine Selon Mohammad-Rezâ Bâteni, le linguiste iranien, « cette stratégie est le résultat d'un phénomène social et c’est le reflet de l’influence culturelle d’une société sur une autre » (Nâderi Beni, 2009). Choisir l'une de ces stratégies dépend des situations spatiotemporelles du traducteur. Parfois, c’est important que le traducteur ajoute des explications supplémentaires pour éclaircir le sens culturel du mot. Mais il existe aussi bien des cas où l'auteur vient aider son traducteur : le contexte proche du mot considéré oriente le lecteur du texte traduit. Le traducteur peut insister donc sur le contexte qui peut aider le lecteur à décoder le signe étranger, même de façon vague. Si le contexte proche d’un mot culturel contient une sorte d’explication du mot, il pourra aider le traducteur à préserver la couleur locale et celui-ci n’est pas obligé d’expliquer ce mot culturel. En même temps, le traducteur peut se concentrer sur la compréhension du texte sans que le texte risque de perdre la couleur locale. Les stratégies inspirant la couleur locale au texte traduit sont différentes selon les caractéristiques des langues. Le persan a un grand pouvoir pour la traduction. On peut transformer ses phrases, confusément ou clairement, profiter des métaphores et exprimer les sentiments et les émotions par ses mots. Dans le domaine des noms propres, le traducteur doit se demander, tout d'abord, pourquoi un nom propre est utilisé. Car il y a deux types d’exploitations du nom propre, certains relèvent une fonction de décor et d’indication scénique et les autres sont une exploitation plus directe et ponctuelle où apparaît de façon plus évidente et visible l’intervention du narrateur, généralement sous la forme d’un commentaire. Si le nom propre n’est qu’une partie du décor, c’est-à-dire qu’il est question d’une description de l'environnement, ce sera suffisant de faire une traduction directe et marquer le champ sémantique. Cependant, si le narrateur ou quelqu’un dans le texte commente, par exemple, le nom d’un certain magasin, ce magasin ne relève pas seulement la fonction de décor et il faut uploads/Societe et culture/ etude-des-noms-culturels-de-la-traduction 3 .pdf

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