1 Le chrétien face à la culture : s’impliquer sans se déraciner Le chrétien fac

1 Le chrétien face à la culture : s’impliquer sans se déraciner Le chrétien face à la culture : s’impliquer sans se déraciner Par Windel Benjamin ETIENNE Si nous ne sommes pas créatifs pour Dieu, l’Ennemi gagnera du terrain, et l’art sera exploité de plus belle. Il nous faut des chrétiens pour remplir les académies de ce monde afin d’être le sel et la lumière de la vie culturelle.1 Leen La Rivière Le projet de Dieu est de racheter les cultures. Discipliner les nations (ευνος en grec) signifie poser les principes du royaume et établir une vision du monde biblique comme fondation, ou ethos (ευος en grec) d’un peuple.2 Darrow Miller Objectifs A la fin de cet article, vous devriez être en mesure : ❖ de développer une conception biblique de la culture/de l’art ; ❖ de formuler des principes bibliques liés à la culture/l’art en étudiant des textes bibliques. ❖ de développer votre créativité à la gloire de Dieu. Elles sont nombreuses les idées reçues sur le rapport entre la culture et la foi chrétienne. Il s’agit d’une thématique épineuse ayant fait l’objet de beaucoup de recherches et de discussions tout au long de l’histoire du christianisme. Le chrétien, au même titre que n’importe quel citoyen, fait face à des réalités culturelles. Cependant, si ses préoccupations culturelles ne sont pas prises en compte théologiquement, il est difficile que sa foi chrétienne soit vraiment épanouie. Nous sommes des êtres sociaux et culturels. Chrétien dans mon pays et culture de mon pays Quelle est votre conception de la culture ? Pensez-vous qu’elle est mauvaise ? Comment comprenez-vous l’anticonformisme chrétien ? Vous sentez-vous culturellement déraciné en devenant chrétien ? J’ai grandi dans une culture dominée par le christianisme et le Vaudou. D’une part, entre ces deux visions du monde existe le syncrétisme religieux, notamment entre le catholicisme 1 LA RIVIERE, Leen. Une Créativité Royale : Les principes bibliques de l’art et de la créativité, Continental Sound/ Christian Artists Europe, 2005, p.11 2 Darrow MILLER. Faites des nations mes disciples : clés pour une réforme de nos sociétés, Editions Jeunesse en mission, 2008, p.77 2 Le chrétien face à la culture : s’impliquer sans se déraciner et le Vaudou. Cependant, force est de constater que les chrétiens catholiques sont plus ouverts à la culture, avec évidemment des dérives qui s’y associent parfois. D’autre part, existe une tension, notamment entre le Vaudou et le protestantisme. Dans ce cas, un très large éventail de chrétiens protestants pense que la culture est mauvaise. Ils en ont peur. Sans s’en rendre compte, beaucoup développent une attitude superstitieuse par rapport à la culture. Hérités, dans une certaine mesure, d’une adaptation inappropriée à la culture haïtienne et de l’ethnocentrisme dont faisaient et font encore montre certains missionnaires chrétiens occidentaux, ces chrétiens haïtiens sont déracinés de leur propre culture. Quand ils n’embrassent pas aveuglement une certaine culture chrétienne dite occidentale, ils en subissent subtilement les influences dans leur façon de croire, d’agir et de vivre. Ils expérimentent une crise identitaire. Toutefois, il faut reconnaître que chaque missionnaire, issu de pays du Nord ou du Sud, porte en lui son identité culturelle. Celle-ci n’est pas toujours imposée au peuple à qui il veut communiquer l’Evangile. En contact avec la vérité, toute culture est appelée à faire des ajustements dans son mode de pensées et de comportements sans aucune imposition. Les partisans du Vaudou, certains intellectuels de la nouvelle génération, conçoivent le christianisme comme un instrument de domination entre les mains de l’Occident, le décrivant comme une religion importée (d’Europe). Ils pensent que le Vaudou est la culture haïtienne ; ce qui est toutefois réductionniste. Face à de telles tensions, mon positionnement était difficile et j’étais sans de bonnes orientations. J’étais très méfiant vis-à-vis de ma propre culture. Je me souviens qu’en 2016, pendant mes deux semaines ministérielles au Mexique, un jour nous étions allés dîner chez une famille d’origine asiatique aisée. Satisfaits de la diversité des plats copieux et de l’architecture de la maison, sur le chemin du retour c’était la grande excitation. C’était comme un semi bal dans la voiture. Tout le monde chantait et dansait une musique de Justin Bieber, sauf moi. Ebahis, mes camarades, Américains, m’ont demandé : « En Haïti, vous ne dansez pas Windel? » Choqué par la question, j’ai répondu grossièrement : « Nous dansons, mais pas des musiques païennes, comme ce que vous êtes en train de chanter. » Sans vouloir vous choquer, un chrétien peut-il danser et chanter une musique païenne ou dite païenne ? Creusons pour comprendre ce qu’est la culture. Historiquement, les chrétiens ont adopté cinq attitudes à l’égard de la culture. Je mets ces attitudes en relation avec 5 modèles de relation entre le Christ et la culture développés par Richard H. Niebuhr dans son grand classique.3 1) Attitude méprisante et méfiante Les chrétiens ayant cette attitude pensent que la culture est foncièrement mauvaise et que la foi chrétienne est contre. Par conséquent, ils préfèrent battre en retraite. Certains vont jusqu’à se séparer physiquement du monde. Le monachisme en est un exemple probant. C’est le modèle Le Christ contre la culture. 3 Richard H. Niebuhr. Christ and Culture, Harper and Row, New York, 1975 Dans son travail, Richard essaye de montrer comment à travers l’histoire les chrétiens ont perçu la notion de culture. Cependant, comme tout travail intellectuel, le sien est critiqué, nomment par le Dr. D.A. Carson. Je pense qu’il y a aujourd’hui, notamment en Occident, une évolution par rapport aux cinq modèles présentés. Les chrétiens adoptent des points de vue suivant les contextes et situations. 3 Le chrétien face à la culture : s’impliquer sans se déraciner 2) Attitude conformiste et complaisante Ces chrétiens pensent que la culture est bonne. Pour eux, le mieux est de faire corps avec les tendances culturelles au lieu de lutter contre elles ou courir pour elles. Ces chrétiens minimisent les effets du péché, pensant que Dieu est en train d’opérer dans et à travers la culture. C’est une sorte de syncrétisme. C’est un peu « A Rome on fait comme les Romains. » C’est le modèle Le Christ Dans la culture. 3) Attitude synthétique Ces chrétiens croient que la culture est fondamentalement bonne, mais ce qu’il faut c’est de l’améliorer en y ajoutant une dose chrétienne. Parce que Christ, tout en étant dans la culture, la dépasse. Saint-Thomas d’Aquin et la tradition de la théologie catholique sont souvent présentés comme des exemples frappants de cette tendance dans leur conception de la foi et de la raison. C’est le model Le Christ au-dessus de la culture. 4) Attitude paradoxale et ambivalente Ces chrétiens pensent que même si la culture est mauvaise, il faut inévitablement faire avec en s’impliquant. Il faut se soumettre tant à Christ qu’à la culture, malgré l’opposition qu’il peut y avoir entre les deux. Martin Luther, père de la réforme protestante, est souvent considéré comme un exemple de cette tendance. Il oppose le royaume de Dieu et le royaume du monde comme étant un dilemme et crie de manière désolante qu’il est impossible de vivre sans péché. C’est le modèle Le Christ et la culture en paradoxe. 5) Attitude transformatrice positive Les tenants de cette tendance croient que la culture est mauvaise, mais la grâce de Dieu y est présente pour la transformer positivement. C’est-à-dire que les chrétiens doivent vivre dans la culture pour travailler à sa transformation. Donc, ces chrétiens, par rapport à la culture, croient qu’il ne faut pas battre en retraite (Attitude 1), s’y conformer en la soutenant (attitude 2), y ajouter tout simplement un peu de grâce (attitude 3), ni l’accepter et la soutenir à contrecœur (attitude 4). Jean Calvin est présenté comme un champion de ce modèle lorsqu’on considère ses incontestables travaux réalisés dans la ville de Genève, en Suisse. C’est le modèle Le Christ Transforme la culture. Résumé des cinq modèles de Richard H. Niebuhr mis en relation avec les cinq attitudes : 1. Le Christ Contre la Culture : Attitude méprisante et méfiante 2. Le Christ Dans la Culture : Attitude conformiste et complaisante 3. Le Christ Au-Dessus de la Culture : Attitude synthétique 4. Le Christ et la Culture en Paradoxe : Attitude paradoxale ou ambivalente 5. Le Christ Transforme la Culture : Attitude transformatrice positive 4 Le chrétien face à la culture : s’impliquer sans se déraciner D’après vous, laquelle de ces cinq attitudes ou lequel de ces cinq modèles reflète le mieux la pensée biblique ? Avant de vous donner mon opinion, posons-nous la question : qu’est-ce que la culture ? Tentative de définition de la culture Selon la Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles, l’UNESCO4 définit la culture en ces termes : La culture, dans son sens le plus large, est considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. uploads/Societe et culture/ le-chretien-face-a-la-culture-s-x27-impliquer-sans-se-deraciner.pdf

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