1 EGON OLIVIER Mémoire sur l'impossible extradition de Léon Degrelle réclamée p

1 EGON OLIVIER Mémoire sur l'impossible extradition de Léon Degrelle réclamée par la Belgique (1945-1994) Bruxelles 2010 editions piratée par l'AAARGH 2 INTRODUCTION Ce mémoire a pour objet de s’interroger sur la question d’extradition de Léon Degrelle dans les rapports Belgique-Espagne de 1945 jusqu’à sa mort, en 1994, et de se demander pourquoi, dans ce cas précis, la justice d’épuration ne s’est pas avérée concluante. Les travaux déjà existants sur le thème choisi – toute la question de l(a)’ (non)extradition de Léon Degrelle – ne sont pas à la mesure du personnage démesuré fabriqué par son histoire. Il est à remarquer que les deux seuls hommes politiques belges repris dans le Dictionnaire historique de Vallaud de 1995 aux éditions Fayard sont Paul-Henri Spaak et Léon Degrelle ! Souvenons-nous que Paul-Henri Spaak a été son adversaire de tribune avant 1940, et adversaire « particulier » ensuite, durant l’exil. En ce qui concerne la littérature scientifique, malgré les innombrables appels et rappels à l’extradition de Degrelle, aucun historien belge de la communauté scientifique n’a jugé utile d’effectuer une étude approfondie sur cette (non)extradition. Le spectaculaire verbal s’est enrichi, mais l’étude reste pauvre. Jusqu’ici nous n’avons que le témoignage de 22 pages de Jacques de Thier, faisant partie de son ouvrage Un diplomate au XXe siècle, qui parle de son expérience de chargé d’affaires à l’ambassade de Belgique à Madrid, ainsi qu’un essai de 6 pages de l’étudiant Alain Daems. Pourquoi le témoignage de Jacques de Thier est-il si central dans les « traces » de ces communications diplomatiques sur les demandes belges d’extradition de Léon Degrelle ? C’est le Député socialiste Robert Collignon à la tribune de la Chambre le 27 octobre 1983 – qui sera Président de la fameuse Commission parlementaire sur le drame du Heysel, puis Ministre-Président de la Région wallonne et ensuite Président du Parlement wallon – lors de sa lecture du rapport sur la Proposition de Résolution demandant l’extradition de Léon Degrelle – qui n’est certes par la première du genre – qui apporte la réponse :1 1PARLEMENT FEDERAL, Annales parlementaires –Chambre des représentants, séance du 27 octobre 1983, p. 276 3 Mais je me dois de signaler à la Chambre que le Ministre de la Justice, de son propre aveu, dispose de peu de détails concernant les démarches qui revêtaient un caractère de politique internationale. Elles furent effectuées par le Ministre des Affaires étrangères et l’on n’en trouve finalement aucune trace dans aucun document officiel. L’intervenant suivant, le Député socialiste Willy Burgeon, auteur de la Proposition de résolution, ajoute à ce propos : « Tout cela est étrange […] qui a peur de Léon Degrelle ? Pourquoi a-t-on peur de Léon Degrelle ? »2 Parmi les nombreuses questions d’extradition, outre l’originalité du sujet, au vu de l’absence de véritables travaux antérieurs sur ce cas précis, il y a aussi l’intérêt porté au personnage principal : son côté « célébrité », l’extravagance de son itinéraire composé de farces, de surprises, de défis, d’erreurs, de courages, de trahison et d’exil. Alors que la plupart des carrières politiques se mesurent à l’aune de la prudence, de la ruse et de l’opportunisme, c’est à une démesure qu’il doit sa célébrité. Démesure verbale, d’aventure militaire et d’exil narratif gigantesque. Cela se retrouve dans l’ouvrage de l’historien Jean-Marie Frérotte – Degrelle, le dernier fasciste – dans celui de José-Luiz Jerez Riesco – Degrelle en el exilio [Degrelle en exil] – avocat de Degrelle pendant son « séjour » en Espagne, Léon Degrelle et l’aventure rexiste de Giovanni Di Mauro, Léon Degrelle. Un tigre de papier de Marc Magain, Le Loup au cou de chien de Pol Vandromme, Degrelle. Les Années de collaboration de Martin Conway, mais cela se retrouve aussi dans les livres de Degrelle lui-même, et dans l’ensemble des archives consultées rapportant des déclarations du personnage. La source complète de chaque ouvrage se trouve dans la bibliographie. De Bouillon sur Semois aux rives de la Meuse namuroise, de la Dyle louvaniste à la Senne bruxelloise, du Rhin à la Volga, de la plage de la Concha aux collines andalouses dominant la Méditerranée, que d’eaux ont coulé sous les ponts des épisodes de sa vie ! Pour une littérature plus large, notamment sur la question d’extradition, le site internet d’Interpol est régulièrement cité comme référence pour la définition du concept et ses principes généraux. Ensuite, plusieurs ouvrages traitent de la question d’extradition, mais souvent d’une manière centrée sur le droit d’extradition de leur propre pays, comme par exemple le « Que sais-je » d’Yves Chauvy, L’extradition, Paris, Puf, 1981, pour la France, mais aussi Extradition, the law and practice, d’Yvor Stanbrook, Oxford University Press, 2000, pour la Grande-Bretagne, le Commonwealth et les Etats-Unis. Par ailleurs, un ouvrage publié aux éditions de l’ULB en 2005 – La confiance mutuelle dans l'espace pénal européen, 2Ibid., p. 277 4 édité par Gilles de Kerckhove et Anne Weyembergh – éclaire sur une amélioration de la confiance mutuelle entre les Etats de l’espace pénal européen, un contexte donc bien plus « intégrateur » avec les démocraties modernes, Espagne y compris, qu’avec un régime comme le franquisme. Pour une vue générale du droit international sur les crimes, dont une partie est consacrée à l’extradition, International criminal law: a draft international criminal code, ainsi que International extradition and world public order, plus centré sur l’extradition, tout deux de Chérif Bassiouni, édités à Leyden en 1974 aux éditions Sijthof. Puisque la problématique traitée porte sur la question d’extradition de Léon Degrelle dans les rapports Belgique-Espagne 1945-1994, il est d’abord nécessaire de dégager une vue générale, de s’intéresser sur l’extradition en tant que concept.3 L'extradition est la remise par un Etat (l'Etat requis) d'un individu qui se trouve sur son territoire à un autre Etat (l'Etat requérant) qui recherche cet individu soit afin de le juger pour une infraction qu'il aurait commise, soit afin de lui faire subir la condamnation que ses tribunaux ont déjà prononcée à son encontre. L'extradition se distingue : • de l'expulsion qui intervient pour des raisons (souvent administratives) internes à l'Etat qui expulse ; • du refoulement qui consiste à refuser à un individu d'entrer à la frontière ; • du rapatriement qui se situe dans un contexte non pénal • du transfert qui est une notion issue du Statut du Tribunal international chargé de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 […] • de la remise telle que développée par l'Union européenne dans le cadre du mandat d'arrêt européen, qui vise à supprimer les procédures formelles de l'extradition en adoptant le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions pénales. Cela suppose donc un acte de poursuite envers un individu, et une acceptation d’une limite à la souveraineté des Etats. A ses « origines », l’extradition n’était qu’un simple engagement de courtoisie entre pouvoirs qui n’étaient pas encore de véritables Etats-nation souverains.4 Il faut attendre le XVIIIe siècle pour qu'elle entre dans la pratique générale des États ; elle s'applique alors aussi aux crimes politiques. Dès cette époque, les conventions 3« Extradition – quelques repères », site d’Interpol, http://www.interpol.int/Public/ICPO/LegalMaterials/FactSheets/FS11fr.asp (page consultée le 9 août 2010) 4 « Extradition », site de l’encyclopédie Universalis, http://www.universalis.fr/encyclopedie/extradition/, (page consultée le 9 août 2010) 5 bilatérales se multiplient et les échanges s'intensifient. La plupart des pays ont fini par concrétiser dans leur législation leur doctrine de l'extradition (Angleterre : Extradition Act du 9 août 1870 ; France : loi du 10 mars 1927). Cependant, les législations internes n'entraînant que la faculté d'extrader ne font pas obstacle au développement du droit conventionnel qui en fait une obligation. Les textes de droit international traitant de l’extradition peuvent être de plusieurs mesures : bilatéraux, on parle alors plutôt de « traités d’extradition », multilatéraux et internationaux, on parle alors de « conventions d’extradition ». Bien que chaque cas d’extradition ait une réalité et des dispositions propres, six principes généraux se retrouvent dans le droit de l’extradition. Après le développement de la problématique et la prise de connaissance des diverses péripéties, il sera temps de relever si certains de ces principes sont entrés en jeu dans le cas de l’extradition de Léon Degrelle. Voici ces six principes : 5 1. L’influence de la nationalité : le principe selon lequel un Etat peut refuser d’extrader ses nationaux. 2. La nature de l’infraction extradable : « Il est admis dans le droit international de l'extradition que les infractions politiques ne peuvent donner lieu à extradition. Aucune définition précise de l'infraction politique n'étant donnée par le droit international, c'est à l'Etat requis d'apprécier s'il est en présence ou non d'une infraction politique. » 3. Double incrimination : l’infraction pour lequel l’extradition est demandée doit être punissable dans les deux Etats : le requérant, et le requis ! De plus, si l’infraction est finalement prescrite dans l’Etat requis, l’extradition peut être refusée. 4. Le principe « ne bis in idem » : refuser l’extradition lorsqu’il s’agît d’une demande d’extradition pour des faits pour lesquels le même uploads/Societe et culture/ leon-degrelle-1945-1994.pdf

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