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Christian PUREN contact@christianpuren.com COURS « OUTILS ET MODÈLES EN DIDACTIQUE DES LANGUES-CULTURES » 2007-2008 Mise en ligne sur www.christianpuren.com : juin 2016 CHAPITRE 1 : LA COMPLEXITÉ – MODÈLE COMPLEXE DE LA DISCIPLINE « DIDACTIQUE DES LANGUES-CULTURES » 1. Définition de la discipline La définition de la « Didactique des langues-cultures » (désormais « DLC ») qui sera mienne dans ce cours sera la suivante : « discipline centrée sur l'observation, l'analyse, l'interprétation et l'intervention concernant les dispositifs, pratiques et processus situés et interreliés d’enseignement-apprentissage des langues-cultures » Cette définition à elle seule demanderait des longs développements, et elle est susceptible de faire l’objet de longs débats, mais elle s’éclairera et se justifiera je pense au fur et à mesure de l’avancée de ce cours. Les idées présentées ici sont très largement personnelles, et c’est pour- quoi ce cours s’appuiera principalement sur mes propres ouvrages et articles. Je vous invite instamment à travailler en groupes ce cours, et à échanger entre vous d’autres idées trouvées chez d’autres didacticiens : la réflexion collective, dans une discipline, avance par le débat. Je donne ici, malgré tout, quelques informations succinctes sur cette définition de la DLC. a) « Discipline » À l'origine, les différents domaines scolaires (français, latin, grec, histoire, mathématiques,…) ont été appelés des « disciplines » parce que leur finalité première, éducative, était de « disci- pliner » les esprits. Certains didacticiens réclament pour la DLC le qualificatif de « science », sans doute pour affirmer sa légitimité universitaire. Pour ma part, « discipline » me convient parce que la DLC s'inscrit doublement dans cette démarche formative : – d'une part parce que le traitement (l'observation, l'analyse, l'interprétation et l'inter- vention appliqué à son objet (les dispositifs, pratiques et processus) exige une formation préalable : il s'agit en effet d'une discipline « constituée » avec ses concepts, ses mo- dèles, ses méthodes, son histoire, ses publications, ses institutions, ses lieux d'échanges,… ; – d'autre part parce que son projet ou son effet intègrent toujours une dimension éduca- tive : elle est essentielle et explicite dans l'enseignement scolaire, mais tout apprentis- sage et toute utilisation d'une langue étrangère, même pour des motivations qui se veu- lent « purement » utilitaires, produisent des effets sur les représentations et conceptions de l'individu. Christian Puren – Cours « Outils et modèles en DLC – Chap. 1 La complexité. Modèle complexe de la DLC www.christianpuren.com/cours-outils-et-modèles-en-dlc/chapitre-1-complexité-de-la-dlc/ Page 2 sur 12 b) « centrée sur… » Cela signifie que cette discipline ne se limite pas à ces activités sur ces objets, mais qu'elles constituent sa finalité, le cœur de son projet, le noyau dur de sa cohérence. c) « … l'observation, l'analyse, l'interprétation et l'intervention… » Pour illustrer ces différentes activités caractéristiques de la discipline, je prendrai l'exemple simple d'un formateur réalisant une observation formative dans la classe d'un enseignant débu- tant) : – L'observation (dans le sens restreint du terme) : Il s'agit de recueillir et de classer des données premières. Exemple : l'enseignant fait écouter deux fois un dialogue enregistré aux apprenants puis leur demande successivement : « Qui sont les interlocuteurs ? » « Où sont-ils ? » « De quoi parlent-ils ? », en sollicitant le maximum de réponses à cha- cune de ces questions. – L'analyse Il s'agit de mettre ces données premières en relation interne les unes avec les autres, de manière à faire apparaître des données secondes (qui vont nécessiter des concepts di- dactiques, comme les mots en italique dans la phrase qui suit. Exemple : « L'enseignant fait faire à ses apprenants un exercice non préparé et très guidé et de compréhension orale de type ‘repérage factuel’ ». – L'interprétation Il s'agit de mettre ces données premières en relation avec des données externes, recueil- lies par ailleurs, constatées ou hypothétiques. Exemple : à la fin de l'observation, l'ensei- gnant indique au formateur qu'il a voulu entraîner les apprenants à la compréhension globale, à accepter une compréhension partielle et à faire des hypothèses pour combler leurs déficits de compréhension. Dans ce cas, l'observateur-formateur peut interpréter ses données d'observation en les mettant en relation avec la donnée « objectifs déclarés de l'enseignant ». – L'intervention Il s'agit de proposer des améliorations ou des élargissements de la compétence de l'en- seignant. Dans l'exemple choisi, le formateur pourra suggérer à l'enseignant de mettre d'abord les élèves en situation d'écoute active en leur faisant faire des hypothèses sur le document à partir de quelques uns de ses mots clés, ou d'une présentation succincte de la situation ; de tester la compréhension orale sur d'autres types de documents ; de proposer à ses élèves d'autres dispositifs leur laissant une plus grande marge d'autono- mie ; etc. d) « … concernant les dispositifs, pratiques et processus situés » La DLC se réfère toujours à des environnements déterminés, tout en cherchant en même temps à dégager des régularités, des règles, des lois, des constantes (voire des universaux, mais moi, personnellement, je ne m’y risque pas…) qui permettent de proposer des modèles d'intervention pouvant être utiles au-delà de tel ou tel environnement particulier. e) « … et interreliés d'enseignement-apprentissage » Il n'y a réflexion didactique que si l'on prend en compte cette interrelation. L'autodidaxie fait donc partie des objets d'étude de la DLC (le manuel utilisé correspond bien à la proposition d'un processus d'enseignement de la part de ses concepteurs), mais pas l'auto-apprentissage entiè- rement autonome par simple imprégnation à la langue en milieu naturel (apprendre seul une langue étrangère simplement en regardant des émissions de télévision dans cette langue, par ex.). Christian Puren – Cours « Outils et modèles en DLC – Chap. 1 La complexité. Modèle complexe de la DLC www.christianpuren.com/cours-outils-et-modèles-en-dlc/chapitre-1-complexité-de-la-dlc/ Page 3 sur 12 f) « … des langues et des cultures » Les positions des didacticiens sur la relation observée ou recherchée langue-culture peuvent être sensiblement différentes, depuis la version forte – l'apprentissage des langues comme instru- ment volontariste de défense des cultures et d'intercompréhension entre cultures –, jusqu'à la version faible – un certain niveau de compétence communicative exige une certaine connais- sance de la culture de ses interlocuteurs –, mais la didactique des langues est toujours, par définition, une didactique des langues-cultures. 2. Le concept de « complexité La caractéristique fondamentale (dans le sens fort de l’adjectif) de la DLC est la complexité de l’objet de l’enseignement-apprentissage – la langue-culture –, et la complexité du processus d’enseignement-apprentissage lui-même. Ma référence de base concernant la complexité est un ouvrage au demeurant très accessible d’Edgar Morin, Introduction à la pensée complexe (ESF éditeur, Paris, 1990, 160 p). Parmi les multiples définitions qu’il donne du complexe, nous retiendrons pour l’instant celle-ci : « On peut dire que ce qui est complexe relève d'une part du monde empirique, de l'incertitude, de l'inca- pacité d'être certain de tout, de formuler une loi, de concevoir un ordre absolu. Il relève d'autre part de quelque chose de logique, c'est-à-dire de l'incapacité à éviter des contradictions » (pp. 91-92). C’est bien ce qui se passe dans une salle de classe : un enseignant n’est jamais certain que l’heure de classe va se dérouler comme il l’a prévu ; la même préparation va bien fonctionner dans une classe et pas dans une autre, le même type de préparation va bien « marcher » un jour dans une classe, et ne pas marcher un autre jour dans la même classe. Et cela, en outre, sans qu’il puisse savoir exactement pourquoi. En didactique scolaire, en particulier, les contradictions sont nombreuses et structurelles, ce qui fait toute la difficulté de la formation initiale : il faut intéresser les plus forts sans décourager les plus faibles, faire parler (en langue étrangère) et faire taire (les bavardages), suivre les idées des élèves sur le moment sans perdre le fil conducteur collectif prévu à l’avance, etc. La double exigence antagoniste de la « rigueur » et de la « souplesse » illustre bien à elle seule la com- plexité inhérente à toute conduite de classe. On peut aussi définir la complexité en extension, c’est-à-dire par l’énumération de ses compo- santes. Elles sont au nombre de 9 (enfin, d’après mon compteur personnel…), que je présente ici en illustrant chacune d’elle par un exemple concret emprunté aux élèves d’une classe en milieu scolaire et à leurs comportements (relationnels ou d’apprentissage). 1. la multiplicité : ils sont nombreux ; 2. la diversité : ils sont différents les uns des autres ; 3. l'hétérogénéité : cette différence n’est pas de degré, mais de nature : les uns se compor- tent comme ceci, les autres comme cela ; 4. la variabilité : leur comportement peut être différent d’une classe à l’autre, et même varier au cours de l’heure de classe ; 5. l'interrelation : le comportement de chacun dépend constamment de celui des autres, de sorte qu’il se crée souvent un « comportement collectif », ou des comportements cohérents par groupes restreints ; 6. l'instabilité : le comportement de chacun peut se modifier à tout moment de manière im- prévisible pour l’enseignant ; uploads/Societe et culture/ chap1-complexite-dlc-cours 1 .pdf

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