Jacques Fontaine Les 9 Poisons de la pensée maçonnique Dessins de SaT Éditions
Jacques Fontaine Les 9 Poisons de la pensée maçonnique Dessins de SaT Éditions de La Hutte BP 8 - 81340 Valence d’Albigeois Site Web : www.editionsdelahutte.com Adresse e-mail : contact@editionsdelahutte.com Introduction La franc-maçonnerie est une jeune personne, de tournure bien faite certes, mais elle a les traits fatigués. Elle paraît plus âgée qu’elle n’est. Comment est-ce possible ? Voilà bien un oxymoron à résoudre. L’allant et la lassitude. Pourtant, c’est bien, me semble-t-il, le cas. Explications… L’Ordre compte, à peu près, trois cents ans d’existence, sous sa forme spéculative. En première lecture, ces années impriment le sceau du respect du à l’âge. En seconde lecture, on en revient ; un mouvement social ou/et spirituel est bien jeune encore, tant qu’il n’a pas atteint le millénaire comme les mystères d’Eleusis ou la religion chrétienne, beaucoup plus vénérables. Il faut bien des siècles, en eff et, pour équarrir la pierre, la polir et élever l’édifi ce. Voici la raison pour laquelle les initiés(es) sont des jeunes maillons, même si les chaînes d’union ne manquent pas d’évoquer les Anciens et, par là même, de légitimer, dans le passé, notre fi liation. Toute organisation porte les caractéristiques politiques, sociales et économiques de son époque. Le fait est bien connu. Encore faut-il être prudent avec cette assertion pour 5 ce qui touche le domaine spirituel, religieux, agnostique ou athée. Il y a lieu, me semble-t-il, de distinguer soigneusement, en la matière, ce qui ressort de la culture de ce qui tient à la structure. La culture, voici ce que l’on voit, l’on dit, l’on peut décrire. Ainsi, pour la chrétienté, le célibat des prêtres, inconnu à l’origine, est un trait culturel. La construction de l’Ordre en obédiences et, sous l’infl uence du xixe siècle, les cartouches du passage au degré de Compagnon, plaqués en 1884, ressortissent à la culture. Celle-ci peut avoir marqué de ses empreintes l’organisation. Au risque de choquer, l’allé- gorie du Temple de Salomon n’a qu’un caractère transitoire. C’eût pu être la chambre secrète des pyramides ou la clairière des druides. Or, on sent bien, en l’occurrence, sur ce dernier paragraphe, une ressemblance entre ces trois endroits où le culte est célébré. Ne serait-ce pas l’idée d’un lieu consacré ; c’est-à-dire hors des regards profanes et, plus profondément, des blessures du temps et de l’espace ? Oui ? Alors, nous sommes parvenus, sous les eff ets culturels, à la structure im- manente. Car la structure est stable dans le temps et pérenne. L’eucharistie dans son sens profond, l’ingestion du sang et du corps d’une divinité, est structurel. De même les voyages dans l’initiation maçonnique. En bref, la culture est la part la plus consciente qu’une po- pulation se donne pour exister et se survivre. Le servage est d’abord lié aux conditions historiques, aux rapports sociaux et à une économie autarcique. Il pouvait disparaître et, de fait, a disparu. Les valeurs de l’honnête homme du siècle de Louis XIV ne sont plus de mises aujourd’hui. Quant aux régimes politiques… Mais ces caractères culturels s’appuient 6 Les 9 Poisons de la pensée maçonnique sur des socles structurels, eux, jaillis souvent de l’inconscient collectif, qui secrète en permanence, par sa nature même, le palladium des rites, mythes et symboles. Ces derniers, décapés de leurs couches culturelles, se retrouvent quasiment à l’identique dans maintes civilisations, de la Patagonie à la Laponie, du martinisme au rite forestier. Coup de chance, la franc-maçonnerie est sortie, belle et sage, de la tête de Jupiter. Elle n’est pas l’œuvre d’un philo- sophe, d’un occultiste, d’un dévot, d’un mystique. Non, elle est le fruit d’une émergence collective. Les degrés bleus et leurs arcanes fonciers, structurels sont engendrés en une tren- taine d’années, irrigués par la veine chrétienne, rose-croix et celle de la Royal Society, sur fond de fi liation réinventée avec les bâtisseurs. Au fur et à mesure, et plus tard, les récits lé- gendaires, les allégories, les couleurs, les fl eurs et les larmes, les paroles grondantes décoreront culturellement et pareront, aux goûts des siècles changeants, la jeune personne. Ce serait pourtant trop simple si la césure était franche ; en surface, les ornementations culturelles, et en profondeur, le squelette, la charpente, structurels. L’aff aire est plus com- pliquée. Il n’y a pas de solution de continuité entre les deux ordres. Ils s’emboîtent, ou plutôt, se juxtaposent en biseau. Prenons un exemple qui montre le chevauchement. Le prêche, dans le rite de la messe, est à la fois, une harangue aux fi dèles, à leur conduite dans leur cœur et leurs actes, et une évocation tonitruante de la voix divine1 et de ses com- mandements. Dans la maçonnerie, à présent. Les piliers s’ap- 1. L’abat-son de la chaire le veut ainsi. 7 Introduction pellent « Force, Sagesse et Beauté ». Pourquoi pas « Justice, Courage et Tempérance » ? Bof ! parce que c’est ainsi et qu’on peut toujours gloser sur les mots. Tout dépend de sa culture. Mais qu’ils soient des piliers, chante la verticale qui descend et monte, et qu’ils soient trois, acclame le troisième point ineff able. Là est la composante structurelle. Voilà donc une distinction établie : culture et structure, sur laquelle repose cet ouvrage. Car les poisons de la pensée maçonnique infectent la culture la plus profonde, en partie ou presque contiguë aux couches structurelles. Mais pour- quoi parler de poison et quels sont-ils ? La franc-maçonnerie est une forme d’organisation, oc- cidentale d’abord. C’est dire qu’elle en a les fondements philosophiques, les méthodes de pensée et d’expression. Imprégnation culturelle. Une organisation ensuite. Comme tout groupe humain2, elle a tendance à se croire intéressante, unique, captivante et puissante. Là encore, sa manière de rai- sonner s’en trouve aff ectée, ainsi que l’image qu’elle secrète d’elle-même, qui la renforce dans son raisonnement. Ensuite, elle est une organisation occidentale historiquement datée. À ce titre, elle reproduit les modèles sociaux : valeurs, relations, pouvoir, qui l’accueillent. Là, nous sommes proches de la culture, si ce n’en est assez clairement. Enfi n, la franc-maçon- nerie est une organisation initiatique qui laisse de plus en plus, aujourd’hui, mûrir et éclore sa vocation spirituelle. À ce titre, nous sommes de plain pied dans la structure. N’empêche que 2. Et elle ne saurait déroger quoique certains en disent… 8 Les 9 Poisons de la pensée maçonnique l’habillage culturel de cette vocation engendre des modes de pensée. Délaissons donc ce qui est, sans ambages, proprement structurel. Ce livre ne repérera pas les poisons éventuels de la démarche initiatique en ce qu’elle a d’universel ; rites, mythes et symboles, mis à nu, ne seront pas en cause ici. Leur expres- sion culturelle, la façon de les présenter, de les dire, de les examiner, oui. Un exemple. Se courber avant d’entrer dans un lieu consacré est une injonction faîte à tout impétrant, d’où qu’il(elle) soit. Sa traduction maçonnique en « porte basse », elle, peut être interrogée. Pourquoi cette référence à l’évangile de Mathieu ? Pourquoi « basse » ? Pourquoi l’Ex- pert, à ce moment… ? Plusieurs manières de pensée ; des raisonnements types, des a priori intellectuels, des automatismes dans l’expression, des routines de méthode… Tout cela imprègne une pensée collective, qui devient, grâce à eux, une pensée caractéris- tique de la franc-maçonnerie. Eux, ce sont les poisons. Ainsi dénommés, parce qu’ils pénètrent dans les interstices de ce que nous disons de l’Ordre, de ce que nous en acceptons ; de ce qu’enfi n nous sommes imbibés sans bien nous en rendre compte. Voir même en absence de lucidité. Or, ces poisons sont eff ectivement pernicieux parce que leur pénétration nous fait accroire que ce que nous vivons, en tant qu’initiés(es), est fondé, de bon aloi et inamovible. Prenons le dualisme, qui est crispation de la dualité. Le discours maçonnique s’organise autour de cette dualité certes, mais la transforme en tic co- gnitif. D’une évidence communément admise, le « 2 » po- 9 Introduction larisé, les francs-maçons en viennent à clamer qu’un des buts de l’initiation est de distinguer le bien du mal ; une représen- tation enfantine et confortable de la réalité, reconnaissons-le. Les poisons de la franc-maçonnerie fi nissent par rendre languissante la bien aimée organisation. Mêlant le bon grain des structures initiatiques à l’ivraie des composantes cultu- relles, les poisons fi nissent par déformer l’idéal maçonnique, à le corrompre en le cadrant durement avec les critères de l’époque. Les initiés(es) ne s’en rendent pas compte pour deux motifs. Le premier met en avant la trop fameuse tradi- tion, d’argument facile et, à mon sens, spécieux. L’idée est : « Puisque c’est dans le rite, c’est traditionnel, donc ancestral et intouchable ! » Le second est la cécité que nous avons, pour beaucoup d’entre nous, pour tout ce qui est dans l’air du temps et que l’on accepte comme une donnée de nature. Prenons du recul pour nous dégager de la contrainte que font peser sur notre liberté ces deux motifs. De liberté inté- rieure, oui. Car les poisons, tant qu’ils sont invisibles et, de ce fait, acceptés, tordent nos conceptions uploads/Societe et culture/ les-9-poisons-de-la-pensee-maconnique.pdf
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- Publié le Mai 26, 2021
- Catégorie Society and Cultur...
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