L'OBSERVATEUR El Korno Wiame Février 2015 Relations France/Maroc : partenariat
L'OBSERVATEUR El Korno Wiame Février 2015 Relations France/Maroc : partenariat ou domination ? 1 Sommaire 2 Editorial Dossier spécial 4 Protectorat, décolonisation et conséquences sur la société marocaine 5 Le passé simple de Driss Chraïbi 6 Une année chez les Français de Fouad Laroui 8 60 ans après l'indépendance, une relation privilégiée avec la France... 9 ...qui ne fait pas l'unanimité 11 Bibliographie 1| L'OBSERVATEUR 4 Editorial Une relation privilégiée mais complexe "Nous avons besoin l'un de l'autre, le Maroc de la France et la France du Maroc. Je veux que nos deux pays non seulement demeurent des partenaires d'exception mais puissent encore davantage coopérer dans tous les domaines." Ces propos de François Hollande, énoncés pour l’ouverture de l’exposition sur le Maroc contemporain à l’institut du monde arabe, témoignent de la relation privilégiée qui existe entre la France et le Maroc, 60 ans après la proclamation de l’indépendance. En effet, la France reste le premier partenaire commercial et économique du Maroc et ne cesse d’influencer la culture marocaine avec ses instituts dédiés à la culture, ses écoles prisées et sa promotion de l’art et du livre français. Cette présence culturelle est accompagnée d’une présence académique et scolaire à travers les 39 établissements homologués par le ministère français de l’éducation nationale au Maroc et de nombreux étudiants marocains poursuivant leurs études en France. L’ambassadeur français aux Etats-Unis aurait déclaré en 2011 que le Maroc est une « maîtresse avec laquelle on dort toutes les nuits, dont on n’est pas particulièrement amoureux, mais qu’on doit défendre ». Plusieurs milliers de marocains ont alors manifesté devant l’ambassade de France à Rabat en réaction à ces propos, démentis par les autorités françaises. De plus, certains estiment qu’il est temps de rompre définitivement avec le modèle français en promouvant 2|L'OBSERVATEUR 3 Editorial la culture marocaine : suppression de programmes francophones au profit d’émissions nationales… Etant moi-même marocaine poursuivant mes études en France, j’ai été très surprise de constater que les Français ne connaissaient pas réellement le Maroc et la nature des relations entretenues avec la France : certains étaient même étonnés de voir que je parlais français, que je regardais les mêmes chaînes qu’eux… J’ai appris l’arabe et le français en même temps, avec une priorité pour l’arabe. J’ai ensuite étudié dans un établissement français, avant de décider de poursuivre mes études en France. Il est vrai que l’enseignement français est très valorisé au Maroc : tous les postes clés sont occupés par des diplômés d’écoles ou universités françaises et ainsi, nombreux sont les étudiants marocains poursuivant leurs études en France. Ce dossier se veut avant tout informatif, par conséquent je ne prends pas position dans mon écrit. Ainsi, la relation entre la France et le Maroc peut être qualifiée de complexe : s’agit-il d’un partenariat ou d’une domination ? D’une relation d’égal à égal ou d’un néocolonialisme déguisé ? Dans un premier temps, il conviendra de revenir sur les évènements clés du protectorat et de la décolonisation qui n’ont pas manqué de marquer le Maroc et la société marocaine, avant d’analyser la relation actuelle entre les deux pays. Des évènements récents viennent aussi remettre en question la solidité des liens existant entre le Maroc et la France. 3|L'OBSERVATEUR 4 Protectorat, décolonisation et conséquences sur la société marocaine E n 1912, la signature du traité de Fès instaure le protectorat français au Maroc : le sultan Moulay Hafiz s’engage à ne conclure aucune alliance avec un autre pays que la France et de son côté, la France promet de respecter le sultan et la religion musulmane. Les pouvoirs du gouvernement sont détenus par un commissaire général de la République, fonction remplie par le générale Lyautey. Le protectorat français s’installe alors au Maroc qui est soumis à une politique forte de francisation : le français devient la langue des secteurs clés du pays tels que l’enseignement, l’administration… 44 ans après, des manifestations réclamant le retour d’exil du sultan font rage dans le pays et les nationalistes négocient avec la France une solution pacifique. Edgar Faure, président du conseil en 1955, propose alors à Mohamed V et aux nationalistes une voie de sortie qui assure l’émancipation du Maroc et préserve les intérêts de la France, c’est « l’indépendance dans l’interdépendance » : le Maroc devient une nation libre et souveraine mais « unie à la France par des liens permanents d’une interdépendance librement consentie sur les plans stratégique, diplomatique, politique et culturel » selon les termes des accords d’Aix-les-Bains, de Septembre 1955. Après la proclamation de l’indépendance, une politique d’arabisation est mise en place afin de rendre à l’arabe son statut de langue officielle et de «f aire retrouver à la nation son identité culturelle ». En effet, dès 1956, des mesures ont été adoptées pour faire tenir à l’arabe les fonctions qui étaient exercées par la langue française sous le protectorat. L’arabisation vise, d’après Boukous, à « légitimer la langue arabe en tant que langue non seulement du patrimoine arabo-musulman, mais aussi, au moins potentiellement, celle de la modernité » et en 1960, l’Institut d’Etudes et de Recherches pour l’Arabisation (IERA) est créée afin de réaliser une arabisation dans les secteurs clés du pays : enseignement, administration… Pendant la colonisation, une littérature d’expression française voit le jour au Maroc, littérature qui fait partie intégrante de la culture marocaine et maghrébine. Très vite la culture française se diffuse à travers cette littérature et entraîne un changement de la culture marocaine. Un questionnement de soi renait alors chez les jeunes écrivains d’écriture française : ils se repenchent sur leur identité personnelle culturelle et la reconsidèrent par rapport à l’orient arabe et par rapport à l’occident qui n’est plus un monde extérieur et méconnu. Les romans qui suivent traitent tous de cette tension liée au sentiment de double identité, résultat de la colonisation. 4|L'OBSERVATEUR 1 La fiction du roman marocain d’expression française est basée sur la réalité sociale et culturelle du pays, tout en mettant en valeur l’expérience personnelle de l’auteur. En effet, en 1954 le roman de Driss Chraïbi, Le Passé Simple, défraye la chronique de l’époque. Ce livre paraît en 1954, alors que le Maroc lutte pour l’indépendance. Les nouveaux thèmes qu’il ose aborder, poids de l’islam, condition de la femme dans la société arabe, en font rapidement un livre problématique pour les nationalistes qui ne tardent pas à l’interdire. Driss Chraïbi introduit alors de nouvelles questions à travers ce roman qui est le premier d’un nouveau genre pour le roman maghrébin d’expression française. En effet, ces thèmes là sont présents sur la première de couverture où l’on voit deux femmes voilées : l’une semble pleurer alors que l’autre la réconforte. L’arrière plan suggère que l’intrigue se déroule au Maroc, comme l’indique le drapeau, dans un milieu traditionnel et modeste. La révolte contre la loi paternelle et les traditions est le thème de ce roman. Il nous trace le portrait de Driss Ferdi, un adolescent fougueux, plein de révolte contre son père. Celui- ci, que le roman désigne comme «Seigneur», règne chez lui en monarque absolu. Sa tyrannie réduit sa famille au silence, à la peur, excepté son fils cadet Driss qui est envoyé à l’école française et dont la révolte prend vite l’allure d’un rejet des valeurs marocaines. Les nationalistes reçoivent très mal ce roman qui ose critiquer la société traditionnelle au moment où ils tentent d’expulser la France du Maroc : ce livre est alors interdit par les militants et accuse même Driss Chraïbi 5| L'OBSERVATEUR 2 de trahison, de « faire le jeu des ennemis de la société marocaine » d’après Tahar Ben Jelloun, Le Monde, 14 janvier 1994. Pour ce dernier, ce livre dépasse les frontières du Maroc et atteint l’universel, mais n’a pas vu le jour au bon moment. Après l’indépendance, le nombre d’écrivains marocains d’expression française augmente : ces derniers se trouvent confrontés à un problème d’identité et de biculturalisme. Leurs textes sont marqués par une dichotomie entre langue arabe/langue française, maghreb/occident, tradition/modernité : le roman marocain s’en ressent en se livrant alors à une écriture qui se veut fragmentée. Dans Une année chez les Français, de Fouad Laroui, se dégagent des thèmes comme la question de la culture populaire, le problème d’identité, le tout fait à travers une écriture morcelée et déstructurée : il n’y a plus de récit à proprement dire mais seulement une écriture fragmentée née du mélange de deux cultures différentes. Une année chez les français de Fouad Laroui : En 1970, Medhi Khatib, un jeune garçon ayant passé ses dix premières années au pied de l’Atlas, obtient une bourse d’interne dans le prestigieux lycée Lyautey de Casablanca, réservé aux enfants des hauts fonctionnaires français et des famille les plus influentes du régime marocain. 6|L'OBSERVATEUR 7 Dans ce roman, Fouad Laroui raconte le terrible choc culturel que représente pour ce modeste petit Marocain la découverte du mode de vie des Français : ces gens invraisemblables qui vivent dans un luxe inouï, qui mangent des choses étranges et qui parlent sans la moindre pudeur des sujets les plus uploads/Societe et culture/ relations-france-maroc-partenariat-ou-domination-par-wiame-el-korno.pdf
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- Publié le Oct 19, 2022
- Catégorie Society and Cultur...
- Langue French
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