Université de Poitiers Année universitaire 2019-2020 Faculté de droit et des sc
Université de Poitiers Année universitaire 2019-2020 Faculté de droit et des sciences sociales Master 2 – Droit de l’action publique PEREIRA, Melissa ARENAS, Mateo ________________________________________________________________________________ Sujet de dissertation : Ordre public “On peut contester le contenu immatériel de l'ordre public, on ne peut nier l'existence d'un ordre public immatériel” Pierre Delvolvé 2015. L’ordre public immatériel1 Incontestablement, le célèbre doyen de Toulouse, Maurice Hauriou, serait perplexe par l'affirmation précédente. Pour lui « l’ordre public, au sens de la police administrative est l’ordre matériel et extérieur », et c’est cela et uniquement cela son contenu2. Cette notion d’ordre public qui, d’un part est consacrée comme un objectif de valeur constitutionnelle3, et d’autre part, comme tout terme juridique, peut avoir plusieurs significations selon les différentes branches du droit (en contentieux administratif, il désigne les moyens qui peuvent être soulevés d’office par le juge administratif ; en droit privé, il désigne une norme impérative qui ne peut pas faire l’objet d’une dérogation, en droit administratif, il désigne l’objet de la police administrative4. Ainsi, dans le cadre de cette dernière, l’ordre public ne désigne pas une institution ou un corps de fonctionnaires mais l’activité ou la fonction de l'administration qui poursuit un but d'intérêt public spécifique5, celle de régner l’ordre public en imposant aux membres de la société des restrictions à leurs libertés publiques pour assurer la discipline qu’exige la vie en société 6. Cet “ordre finalisé, lié à la construction de l’État libéral”7, se caractérise par deux visages ; l’ordre public spécial et l’ordre public général; le premier, en charge de la police administrative spéciale (toujours sous habilitation expresse d’un texte législatif)8, est composé par une pluralité d’éléments qui ne rentrent pas dans le cadre de l’ordre public général. Ce dernier en revanche, selon la définition des professeurs J. Petit et P. Frier, se réfère “au minimum de conditions qui apparaissent indispensables pour garantir l’exercice des libertés et droits fondamentaux”. Ce sont, l’autorité de police et le juge qui doivent rechercher un équilibre entre l’exercice des libertés fondamentales et le maintien de l'ordre public. 1 TRUCHET Didier, Droit administratif, 8 édition, Thémis, 2019 2 CHAPUS René, Droit administratif général, Tome 1, 15 edition, Montchrestien, 2001, p. 702 - 718 3 Cons. Const. n° 82-241 DC du juill. 1989, R.48 4 TRUCHET Didier, Droit administratif, op, cit. 5 BON Pierre, Encyclopédie des collectivités locales, Chapitre 2 (folio n°2220) Police municipale : principes de fond, 2019 6 PETIT Jacques et FRIER Pierre-Laurent, Droit administratif, 12 édition, LGDJ, 2018. 7 PICARD Étienne et DRAGO Roland, La notion de police administrative, LGDJ, 1984. 8 Sous réserve de la jurisprudence sur l'état antérieur de la législation.PETIT Jacques et FRIER Pierre-Laurent, Droit administratif, 12 édition, LGDJ, 2018. Ainsi, traditionnellement, la notion d'ordre public général était composée par trois éléments classiques : sécurité, salubrité et tranquillité, lesquels correspondent à ce qui la doctrine appelait le bon ordre matériel ou simplement ordre public matériel. Cette notion, qui remonte à des lois révolutionnaires9, était l’ancien article 97 de la loi municipale du 5 avril 1884, inspiré du décret du 14 décembre 1789, et qui consacrait cette trilogie pour la première fois. Aujourd'hui cette trilogie classique est consacrée par l’article L-2212-2 du CGCT. Néanmoins, comme l’a souligné la doctrine, l’ordre public ne se réduit pas au maintien de la sécurité, la tranquillité et la salubrité publique; l’intervention de la police administrative générale n’est pas interdite dans d’autres domaines, d’un part, car la loi prévoit que elle est en charge du maintien du “bon ordre” et d’autre part, parce que ça composition est susceptible, par sa nature même, d’avoir des modifications en fonction des conceptions de la société; évidemment les conceptions qui étaient traditionnellement admis par une société à une certaine époque de l'histoire n’auraient pas l'être aujourd'hui. Ainsi, le juge administratif élargit le contenu de l’ordre public général progressivement en ajoutant deux nouvelles missions: autour des années cinquante, la moralité publique fait apparition avec le célèbre arrêt Société Les films Lutetia rendu le 18 décembre 1950 par le Conseil d’État, puis, (exactement 39 années plus tard), le respect de la dignité humaine trouve sa place au sein de l’ordre public avec l’arrêt d'assemblée du Conseil d’État sur le lancer de nains de date 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge. Dont le juge administratif affirme la dimension immatérielle de l’ordre public général. L’adhésion de ces nouveaux buts de la police administrative générale permet de confirmer l’évolution constante de la notion d’ordre public général. Cependant, la transformation d’une notion n’implique toujours son acceptation et on ne peut pas nier que l’avenir aliment les murmures de l’incertitude; bien que l’ordre public immatériel est arrivé pour renforcer le but de la police administrative générale à la défense de toute condition intangible qui pourrait porter atteinte à l'exercice des libertés et droits fondamentaux, une partie de la doctrine n’a pas bien reçu l'intégration de la dimension immatérielle de l'ordre public; en premier lieu, la moralité publique, composant conditionné à l'existence des circonstances locales particulières, a suscité “des craintes de ceux qui voyant là le port ouvert” à la règne de la subjectivité10, en d’autres termes l’imposition des conceptions qui se rattachent plutôt à l’esprit des autorités de police. Tout cela même si aujourd'hui la prise de position jurisprudentielle à l'égard de ces composants est moins nombreuses et leurs termes souvent moins explicites. En second lieu, il semblerait que les craintes suscitées par l’inclusion de la moralité publique en tant que but de la police administrative générale avaient été dissipés, néanmoins très récemment, l'apparition de la dignité humaine a bouleversé cet apaisement. Ce nouveau composant a également été l’objet de plusieurs contestations puisqu’il est dépourvu d’une définition juridique claire. En réalité, le juge n’a pas donné précision à ce qui doit être compris comme une atteinte à la dignité humaine, mais nous pouvons en déduire que la dignité humaine en tant que composant de l’ordre public était une notion propre du droit administratif ; celle qui s’oppose à la notion législative11, 9 TRUCHET Didier, Droit administratif. op, cit. 10 CANEDO-PARIS Marguerite, La dignité humaine en tant que composante de l'ordre public : l'inattendu retour en droit administratif français d'un concept controversé, RFDA, 2008, pag 979 11 Notamment les dispositions du nouveau code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994, dès lors qu'un chapitre est désormais consacré à la répression des atteintes à la dignité de la personne. constitutionnelle12et même internationale13. Désormais, la jurisprudence administrative paraît traduire une mutation de la dignité humaine en érigeant en principe constitutionnel le respect de la dignité humaine comme composant de l’ordre public. C’est pour cela qu’il nous semble intéressant et nécessaire de délimiter le sujet aux seuls éléments immatériels de la notion d’ordre public, puisque, apparemment, au sens de ceux-ci se trouvent certaines problématiques. À la suite des affirmations du juge administratif, certainement l'ordre public immatériel existe. Cependant, nous pouvons nous demander : est-ce que l’ordre public immatériel présent-il des enjeux par rapport à sa mise en œuvre ? Par voie de conséquence, le rôle de la dimension immatérielle de l’ordre public conduit donc à son affirmation, bien que controversée, sans doute indéniable (I), néanmoins la reconnaissance de celle-ci ne traduit pas une mise en œuvre facile par rapport un de ces composants (II) I. L'existence indéniable de la dimension immatérielle de l’ordre public Une interprétation extensive permet d'intégrer deux nouveaux composants à la notion d’ordre public donc le juge écarte la conception strictement matérielle et extérieure14 créé par le célèbre doyen de Toulouse Maurice Hauriou. Le premier élément de cette nouvelle dimension qualifiée comme dimension immatérielle, c’est la moralité publique laquelle est un composant conditionné de l’ordre public c’est-à-dire qu’il est nécessaire la matérialisation de certaines circonstances, et le second élément, c’est la dignité humaine. De son adhésion ces deux nouveaux composants seraient partis de ce que l’on appelle l'ordre public immatériel. Cette intégration, controversée pour certains auteurs (A), est définitivement nécessaire (B). A. L’intégration controversée d’un ordre public immatériel La création d’un ordre public immatériel a suscité une pluralité de commentaires par la doctrine dès lors que cette extension de l’ordre public est liée à l’esprit de la subjectivité. La moralité publique et la dignité humaine font partie des composants de l’ordre public immatériel, ces deux éléments ont été controversables à chaque époque de son intégration, le premier élément est apparu il y a une pluralité d’années (1), et le second est apparu très récemment (2) 1. L’ancienne intégration controversée La protection de la moralité publique est un but de la police administrative. Elle a été admise il y a longtemps par la jurisprudence15, elle a fait l’objet d’une confirmation à la fin des années 1950 par l’arrêt Lutetia, à propos de l’interdiction municipale de la projection de films. Certains auteurs, comme M. le professeur Didier Truchet, considèrent que la moralité publique n’est pas l’une des composantes de l’ordre public, car le fait qu’une activité humaine soit contraire à la moralité ne pose pas des problèmes à l’ordre public. Truchet considère que la moralité publique seulement peut 12 Cons.const. 27 juillet uploads/s1/ dissertation-l-x27-ordre-public.pdf
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- Publié le Oct 21, 2021
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