Pratiques Linguistique, littérature, didactique 157-158 | 2013 Théories et prat

Pratiques Linguistique, littérature, didactique 157-158 | 2013 Théories et pratiques des genres L’approche par genres discursifs dans l’enseignement du français langue étrangère et langue de scolarisation Jean-Claude Beacco Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/pratiques/3838 DOI : 10.4000/pratiques.3838 ISSN : 2425-2042 Éditeur Centre de recherche sur les médiations (CREM) Édition imprimée Date de publication : 1 juin 2013 Pagination : 189-200 Référence électronique Jean-Claude Beacco, « L’approche par genres discursifs dans l’enseignement du français langue étrangère et langue de scolarisation », Pratiques [En ligne], 157-158 | 2013, mis en ligne le 18 décembre 2017, consulté le 24 décembre 2017. URL : http://journals.openedition.org/pratiques/3838 ; DOI : 10.4000/pratiques.3838 © Tous droits réservés La didactique des langues doit à D. Hymes le concept fondateur de compé- tence de communication et celui de communauté de communication (« une com- munauté possédant en commun des règles régissant le déroulement et l’interpré- tation de la parole, et des règles régissant l’interprétation d’au moins une variété linguistique » (1972 : 133). Mais elle lui doit aussi (1), comme le soulignent Coste, de Pietro et Moore (2012 :113), celui de genre de discours, qui n’est pour- tant que l’une des 16 composantes (la dernière, d’ailleurs) du modèle SPEAKING, mais qui a été au cœur d’une « opérationalisation didactique de la compétence de communication » en Suisse. Au-delà du contexte Suisse, nous décrirons la place stratégique du concept de genre de discours en didactique des langues étrangères, en particulier dans celle de l’enseignement du français comme langue étrangère mais aussi en didactique de l’enseignement du français langue première/des langues de scolarisation, comme matière spécifique et surtout comme vecteur de la transmission des con- naissances dans les autres matières scolaires (par ex. mathématiques, géogra- phie, sciences de la vie et de la terre…). Ces deux approches de la structuration des enseignements par objectifs définis en termes de genres de discours sont cer- tes distinctes, mais elles relèvent bien d’un principe commun, qu’il nous a déjà été donné d’exposer, pour ce qui concerne le français langue étrangère (par exemple, Beacco, 1991) et, plus récemment, pour ce qui est des langues de scola- risation (par exemple, Beacco, 2009). Nous reviendrons ici sur certaines formes de sa mise en œuvre dans la constitution des programmes d’enseignement. 189 PRATIQUES N° 157/158, Juin 2013 L’approche par genres discursifs dans l’enseignement du français langue étrangère et langue de scolarisation Jean-Claude Beacco GRAC-DILTEC, EA 2288. Université Paris III (1) Même si d’autres origines sont aussi envisageables. 1. Genre de discours et répertoire de genres individuel Au préalable, il importe de préciser les caractéristiques de ce concept que nous considérons comme définitoires, car celui-ci peut être construit selon dif- férents points de vue épistémologiques, par exemple, au niveau des signifiants, sous l’angle de ses régularités de composition (la dispositio de la rhétorique an- tique) ou des caractéristiques formelles des textes produits ou encore, au niveau linguistique englobant, en termes d’ancrage social ou de forme de communica- tion (d’après Charaudeau, 2002 : 280). Pour le présent propos, nous retiendrons en premier lieu (d’après Beacco, 2004) que tout locuteur se définit par son répertoire discursif (ou répertoire de genres/générique), c’est-à-dire par les genres de la communication verbale dont il dispose. Ce répertoire discursif peut être réalisé dans plusieurs langues, tant et si bien que répertoire discursif est alors coextensif à répertoire plurilingue (Coste, Moore et Zarate, 2009), comme ensemble des langues différentes con- nues de chacun et des formes discursives maîtrisées dans ces langues ; ce réper- toire est constitué des genres de discours pour lesquels un locuteur a acquis des compétences différentes, à des niveaux de maîtrise eux-mêmes différents. On pose ensuite que la notion de genre de discours (ou genre discursif) est une représentation métalinguistique des formes de la communication propres à une communauté de communication donnée (2). Les dénominations des genres dis- cursifs constituent les filtres à travers lesquels les locuteurs appréhendent la communication verbale. Ils sont en mesure d’en comprendre et d’en produire certains, mais tous les genres de discours n’entrent pas dans la composition des répertoires individuels. Ceux-ci sont éminemment variables, même si l’on peut considérer qu’une forme minimale commune de répertoire est constituée par la maîtrise de genres oraux interactifs (conversations de service, dispute, conver- sation à bâtons rompus…) ou non interactifs (anecdote), de certains genres écrits (lettres et messages personnels) et de genres surtout reconnus, car fré- quentés dans les médias écrits (faits divers) ou audiovisuels (journal télévisé, in- terview). « Toute situation quotidienne stable comporte un auditoire organisé d’une certaine façon, et par conséquent un certain répertoire de petits genres quotidiens » (Bakhtine M., 1929, cité par Todorov T., 1981 : 127). Cette expé- rience générique est largement partagée dans une même communauté de com- munication, mais celle-ci comporte aussi des communautés restreintes de type professionnel, économique, religieux, sportif, politique, scientifique…, qui ont été décrites au moyen du terme de topologie discursive (Beacco, 1999 : 13-16). Les genres propres à ces communautés « spécialisées » doivent être appris, alors que tous ne sont pas tous enseignés explicitement. On est ainsi amené à considé- rer que tout enseignement constitue un élargissement du répertoire de genres mi- nimal commun ou une forme d’élargissement de l’expérience générique anté- rieure. Enfin, on soulignera que les genres discursif peuvent recevoir des formes lin- guistiques dont le degré de spécificité est variable. Il convient alors de ne pas 190 (2) A l’exclusion des genres littéraires à considérer comme savants (épopée, tragédie, son- net…). confondre la variabilité des textes selon leur degré de conformité au genre dont ils relèvent avec la variabilité des genres entre eux : « les formes des régularités génériques sont elles-mêmes diverses, non dans leurs contenus mais dans les modes dont elles informent chaque genre. Ainsi, certains sont très marqués par les objets de discours qu'ils construisent (par exemple, les faits divers), mais d'autres présentent une gamme ouverte d'objets de discours (conversation entre amis). Les constantes de linéarité (succession régulière et pré- visible d'éléments discursifs) sont très évidentes pour certains (constats, rapports de police, articles scientifiques des sciences exactes), mais quasi nulles pour d'au- tres (articles de divulgation scientifique dans la presse quotidienne). Les uns sont formulaires, donnent prise à l'analyse automatique et permettent de produire de nouveaux textes par substitution lexicale (petites annonces, faire-part, vœux…), d'autres ne sont ni codifiés ni répétitifs mais pourtant apparentés. Les structures syntaxiques des phrases peuvent caractériser certains (écrits techniques, horosco- pes, dictionnaires), alors que peu de régularités de cette nature sont décelables dans les homélies ou les journaux intimes. D. Maingueneau (2002 : 322-323) propose une nouvelle classification des genres discursifs précisément à partir du niveau d'intensité des contraintes qui informent leurs réalisations verbales : il distingue, dans l'ordre décroissant de conditionnement du modèle générique sur les textes, les genres formulaires ou à faible variation (construits à partir de formules et de sché- mas), ceux commandés par des scripts, ceux qui mettent en jeu des scénographies dont le choix revient à l'énonciateur, ceux qui impliquent de la créativité (comme la publicité) et ceux pour lesquels il n'existe pas de format préétablis, mais unique- ment des zones génériques déterminées. » (Beacco 2004 : 115) Maîtriser un nouveau genre discursif (en réception ou en production) signifie être capable de produire (ou de reconnaître) des textes conformes aux caractéris- tiques de celui-ci (lesquelles sont très probablement distinctes des caractéristi- ques des genres déjà connus) et de le faire en ayant conscience du degré et des formes de variation admissibles, propres à chaque genre. On retiendra de ces spécifications que : — la notion de genre de discours est constitutive de l’expérience communi- cative de tout locuteur ; — chaque locuteur dispose d’un répertoire de genres et de langues que l’édu- cation a pour responsabilité de valoriser et d’élargir ; — bien des genres ne relèvent pas de l’expérience ordinaire des échanges verbaux mais supposent une forme d’acquisition qui permette de les com- prendre et de les produire. Ainsi apprendre une langue étrangère revient à s’approprier une langue incon- nue par de nouveaux genres et accéder aux connaissances à l'École revient à ac- céder à de nouveaux genres dans une même langue, l’« identité » présumée de cette langue pouvant tendre à masquer la diversité des formes discursives. 2. L’approche de l’enseignement des langues par genres de discours Si l’on replace la question des genres de discours dans le contexte actuel rela- tif à la réflexion sur les méthodologies d’enseignement des langues, on ne peut 191 pas éviter de convoquer le Cadre européen commun de référence pour les lan- gues (Conseil de l’Europe, 2001 ; désormais le Cadre). 2.1. Les genres de discours et le Cadre Cet instrument indique clairement qu’il ne privilégie aucune méthodologie d’enseignement particulière (3) mais la spécification de la compétence à commu- niquer langagièrement qu’il utilise en compétence relative aux genres de dis- cours est permise par ce texte. Dans le Cadre, on a effectivement préféré le con- cept de compétence pragmatique et celui de texte à celui de genre de discours, pour caractériser la compétence proprement communicationnelle et langagière uploads/s3/ approches-en-fle-jean-c-beacco.pdf

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