Moheb Chanesaz, Ella Dardaillon et Jean-Claude David (dir.) L’artisanat du méta

Moheb Chanesaz, Ella Dardaillon et Jean-Claude David (dir.) L’artisanat du métal à Alep Héritage et postérité Presses de l’Ifpo CHAPITRE V. La fonderie « moderne » de fonte et de fer Ateliers E1, E2 DOI : 10.4000/books.ifpo.11368 Éditeur : Presses de l’Ifpo, UNESCO Lieu d'édition : Beyrouth Année d'édition : 2018 Date de mise en ligne : 23 juillet 2018 Collection : Co-éditions ISBN électronique : 9782351595435 http://books.openedition.org Édition imprimée Date de publication : 5 mai 2018 Référence électronique CHAPITRE V. La fonderie « moderne » de fonte et de fer : Ateliers E1, E2 In : L’artisanat du métal à Alep : Héritage et postérité [en ligne]. Beyrouth : Presses de l’Ifpo, 2018 (généré le 26 mai 2020). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/ifpo/11368>. ISBN : 9782351595435. DOI : https://doi.org/ 10.4000/books.ifpo.11368. 135 CHAPITRE V La fonderie « moderne » de fonte et de fer Ateliers E1, E2 136 Deux ateliers de métallurgie moyenne semi-industrialisée C ette activité est-elle l’héritière de la précédente ? Du point de vue du mode opératoire, la principale différence est dans les dimensions plus importantes des ateliers et des moyens de production : les fours utilisés sont aussi beaucoup plus performants et produisent plus de métal fondu. Les produits fabriqués sont généralement de plus grande dimension, pour une utilisation plus sophistiquée, destinés généralement à faire partie de montages mécaniques, dans des pompes ou d’autres machines. La différence visible essentielle est l’utilisation d’un autre métal, fer, acier ou fonte, pour fabriquer des produits différents de ceux obtenus par le moulage du bronze ou de l’aluminium. En fait, au- delà des parentés et des ressemblances, du point de vue de notre étude, ces ateliers appartiennent à un système urbain qui n’est plus celui du souk. Chacun des deux ateliers décrits appartient aussi à un système urbain différent qui correspond à une époque de la ville, avec évidemment des passages de l’un à l’autre. Dans les deux ateliers présentés, la technologie de la fusion est différente de celle des fondeurs du souk : les fours de fusion du bronze ne modifient pas la nature du métal mais seulement son état, alors que le cubilot et les fours électriques peuvent transformer des ferrailles de récupération en fonte ou en acier. Dans le cubilot, le coke sert à la fois de combustible pour la montée en température, et d’élément modifiant la nature du métal par apport de carbone. Le four à induction fonctionne à l’énergie électrique : les éventuels ajouts de charbon (coke) y sont destinés à transformer la ferraille en fonte ou en acier en modifiant la teneur en carbone. Dans les deux ateliers, le métal produit est coulé dans des moules pour produire des pièces techniques et dans l’atelier aux fours électriques pour produire aussi des lingots (gueuses de fer ou d’acier), matière première intermédiaire destinée à être transformée à nouveau. Une différence fonctionnelle réside dans l’organisation du déplacement des matières dans l’atelier et de la distribution du métal en fusion. Le cubilot est installé tout près de l’entrée de l’atelier, là où les ferrailles à recycler sont livrées, et une organisation simple et efficace facilite le chargement du cubilot par en haut depuis une mezzanine. Dans l’autre atelier, les fours électriques sont au fond, mais le pont roulant permet d’apporter à proximité les ferrailles livrées à l’entrée, éloignée, en passant par-dessus les moules et les lingotières. 137 Figure 187 (E1.36) L’environnement urbain de l’atelier. Figure 224 Cartes de visites de deux ateliers de fonderie semi-industrielle à Cheikh Khodr collectées en 2005. 138 Fonderie de fonte au cubilot avec moules au sable de Muhammad Zubaydi atelier E1 Zone industrielle illégale du quartier informel de Cheikh Khodr au nord de la ville L a fonte est produite ici à partir de matériaux recyclés (fonte et ferraille, kherba). Les pièces moulées sont de taille moyenne, souvent des pièces rotatives pour des pompes d’irrigation ou d’autres moteurs ou machines 1. L’atelier est situé dans le quartier de Cheikh Khodr, au nord-nord-est d’Alep au cœur de quartiers populaires illégaux. L’atelier dans le quartier L’atelier est au milieu du quartier informel de Cheikh Khodr qui a été légalisé et remis à niveau par la Municipalité, et où coexistent habitat et ateliers. Il est situé au nord de la ville et au nord-est des quartiers arméniens (et de la mécanique automobile) plus anciens, dans une zone en cours d’urbanisation depuis une quarantaine d’années. Le quartier est connu pour le grand nombre d’ateliers de fonderie et plus généralement de métallurgie qui s’y trouvent. Comme dans le quartier industriel de Kallasé au sud-ouest de la vieille ville, plus ancien, spécialisé dans le textile, le maillage est celui d’un quartier d’habitation. 1 Les pompes à moteur diesel importées surtout depuis le mandat français et avec le boom du coton irrigué après la seconde guerre mondiale, ont assez vite nécessité un entretien sur place (à Alep) et le remplacement de pièces qui ont cessé d’être importées pour être reproduites par des artisans locaux (souvent arméniens à l’origine), tourneurs, fondeurs, mécaniciens. C’est sans doute une des origines du développement de cette métallurgie à Alep (avec la réparation des véhicules automobiles) Enquête et photos, 13 et 14 avril 2007 Mais alors qu’à Kallasé les bâtiments « industriels » ont plusieurs étages et une typologie d’immeubles d’habitation, dans le quartier de Cheikh Khodr ce sont plutôt des constructions basses sur de petites parcelles. La parcelle de l’atelier étudié, dépassant 130 m2, est trop vaste pour une parcelle de maison populaire illégale. Les photos d’extérieur prises devant l’atelier montrent la forme caractéristique de ce tissu : voies régulières non asphaltées, maillage orthogonal ; les trottoirs qui existent parfois sont construits par les propriétaires des ateliers et des maisons ; d’importantes flaques d’eau au milieu de la rue sont dues aux fuites dans le réseau d’eau potable d’origine illégale (fig. 187). L’architecture rap- pelle aussi celle de maisons, avec un rez-de-chaussée parfois aménagé pour des boutiques et un étage souvent équipé d’un balcon avec un palan. Les rez-de-chaussée sont en général utilisés comme ateliers et l’existence de palans à l’étage montre qu’il peut s’agir aussi d’ateliers (la cohabitation d’ateliers et d’habitat dans le même immeuble semble exister). La rue et les trottoirs peuvent servir d’annexes aux ateliers. L’atelier étudié ici a été manifestement construit pour cette fonction industrielle, avec plus de hauteur sous plafond et un vaste volume sans subdivisions. Il existe dans le quartier des concentrations de grands ateliers occupant des parcelles plus grandes que celles des immeubles d’habitation, regroupant sans doute plusieurs parcelles domestiques. Le quartier semblait 139 Figure 152 (E1.1) Plan : secteur 1 : stockage de matière première sur la mezzanine ; secteur 2 : préparation de la poche et réserve de sable ; secteur 3 : cubilot ; secteur 4 : zone de coulée ; secteur 5 : préparation des moules et réserve de sable ; secteur 6 : stockage des moules. 140 Figure 153 (E1.2) Coupe b‑b’ : chargement du cubilot par le gueulard. c‑c’ : base du four et lieu de la combustion appelé béten‑nar. Le four est allumé avec un morceau de bois et un petit ajout de mazout. Puis l’artisan verse le charbon “coke”. La combustion est accélérée par l’air pulsé par le ventilateur. Les chiffres des dessins renvoient aux secteurs du plan, fig. 152, p. 139. 141 Figure 154 (E1.3) Coupe A‑A’ : débouchage des tuyères (« oreilles ») pendant fusion ; les flèches indiquent le trajet de l’air introduit dans les « oreilles » et pulsé par le ventilateur. 142 Figure 155 (E1.4) Coupe A‑A’ : ouverture à l’aide de palans de la “cheminée“ du cubilot et des poulies au plafond pour permettre l’accès au corps du cubilot. 143 Figure 156 (E1.5) Coupe B‑B’ : bascule vers l’avant de la partie supérieure du corps du cubilot pour procéder à sa réfection (briques réfractaires). 144 correctement desservi en électricité avant 2011, malgré son origine illégale. Les fours à induction de l’atelier al-Ittihad, que nous étudierons ensuite, gros consommateurs d’énergie, sont situés dans une zone industrielle officielle et légale. Les photos montrant la circulation dans la rue d’une poche en tôle (boda‘et saj) remplie de métal en fusion et portée, à l’aide d’une pougnée (chayyal) par deux ouvriers accompagnés d’un troisième (fig. 186), qui semblent se diriger vers un autre atelier à une certaine distance, suggère des collaborations ou l’existence d’annexes ou de systèmes d’association dans le quartier. L’atelier Le nombre de travailleurs semble être supérieur à une demi-douzaine (six ou sept présents avec le patron ?). Ils ne paraissent pas spécialisés de façon précise et semblent pouvoir intervenir lors de la coulée ou pour fabriquer les moules au sable, ou encore par exemple pour la réfection des poches de coulée, mais certains d’entre eux paraissent n’être que de simples manoeuvres. L’atelier mesure 12m x 11m, soit 132 m2. C’est un quadrilatère de structure poteaux-poutres et terrasse en béton armé. Les murs sont en moellons de pierre dégrossie (suivant l’habitude alépine). Quatre piliers soutiennent la couverture et définissent une structure en trois travées de quatre uploads/s3/ ifpo-11368.pdf

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