Cassirersemio2001complet.doc 1 / 14 Professeur Wolfgang Wildgen STAND : 25.05.2

Cassirersemio2001complet.doc 1 / 14 Professeur Wolfgang Wildgen STAND : 25.05.2001 Université de Brême Cassirersemio2001.doc La « philosophie des formes symboliques » de Cassirer1 et le plan d’une sémiotique générale et différentielle Congrès Sémio 2001 à Limoges, France 4 — 7 avril 2001 1. Qu’est-ce qu’une sémiotique générale ? Si nous prenons l’œuvre de Peirce comme le prototype d’une sémiotique générale vers 1900, donc avant le développement d’une discipline « sémiotique » au sens stricte, nous pouvons distinguer un nombre de critères indispensables pour une sémiotique générale. L’ordre de la liste n’implique aucunement une priorité : a) La sémiotique générale va au delà des signes linguistiques, c’est-à-dire que les signes visuels (gestes, mimique, signes corporels en général, images, sculptures ...), les signes transmis par l’odeur, le goût, le toucher, la percussion, la chaleur et les formes composées de la chanson (texte, musique), du théâtre (texte, action), de l’opéra etc. sont à considérer. b) La sémiotique générale n’est pas restreinte au domaine humain ; elle traite aussi les étapes de l’évolution sémiotique qui ont précédé l’avènement de l’homme et qui l’accompagnent (la zoosémiotique). c) À l’intérieur du domaine des signes linguistiques (humains) elle considère les formes et principes de formation sous-jacents à la diversité des langues et elle 1 Je remercie Jacques Fontanille et Isabelle Klock-Fontanille pour leur hospitalité à Limoges. Cette version fut élaborée à des discussions lors du Congrès Sémio à Limoges. Cassirersemio2001complet.doc 2 / 14 esquisse une théorie des universaux linguistiques au delà de la typologie et des études comparatives. d) Les métalangages et les langues formelles ont un intérêt double pour la sémiotique générale. D’une part elles sont un objet de la sémiotique en tant que systèmes de signes, d’autre part elles peuvent servir (de base) à la constitution du langage théorique de la sémiotique elle même. Ceci implique une autoréflexion et le danger d’un cercle vicieux car les langages formelles peuvent à la rigueur être en même temps l’objet de la sémiotique et un métalangage sémiotique. e) La représentation, le renvoi à autre chose en dehors du signe implique au moins deux problématiques : celle de l’ontologie (générale ou régionale) présupposée ou constituée par le système des signes et celle de l’épistémologie présupposée ou constituée par le système des signes. f) L’histoire intellectuelle de l’homme et plus spécialement l’histoire de la sémiotique (ou des questions sémiotiques) déploie les chances et les obstacles d’une sémiotique générale et elle doit servir de contrôle et de critique à tout projet théorique contemporain. g) Enfin Peirce a porté son ambition théorique au delà de l’évolution de l’homme ; il a considéré la cosmologie comme point de départ ultime d’une sémiotique générale. Entre la sémiotique générale de Peirce (formée depuis 1867 et complétée vers 1900) et celle de Cassirer (né en 1874 donc une génération après Peirce) il y a le développement des mathématiques et de la physique au début du 20e siècle; la « philosophie des formes symboliques » que Cassirer développe après 1920 se place dans le contexte de la phénoménologie de Husserl (Merleau-Pointy), de l’empirisme logique (Carnap), de l’existentialisme (Heidegger) et des théories de l’art (cercle de Warburg). Il y a pourtant une base commune qui fait que, même en l’absence d’une influence directe, Peirce et Cassirer poursuivent le même but et partent d’une base commune. Pour Peirce et pour Cassirer l’œuvre de Kant constitue la base de leur épistémologie. Comme le dit Apel (1975 : 70) le pragmatisme de Peirce trouve une réponse critique à Kant qui « mène sans le détour par l'idéalisme spéculatif et le néo- Cassirersemio2001complet.doc 3 / 14 kantianisme dans la philosophie moderne ». Cassirer, élève des philosophes du cercle néo-kantien de Marburg, a déjà cherché sa propre voie dans l’œuvre « Substanzbegriff und Funktionsbegriff » (1910). Dans la série de ses volumes « Philosophie der symbolischen Formen » (vol. 1, 1923) il place le symbole au centre de sa philosophie et par ce fait se rapproche de la métacritique de Herder contre Kant à la fin du 18e siècle. Un deuxième trait rapproche Cassirer de Peirce : tous les deux considèrent que la logique et les mathématiques transportent au delà de leur cohérence interne un contenu synthétique très général, un potentiel d’innovation au sens de la « Logica inventionis » de Leibniz.2 La logique des graphes existentiels de Peirce, sa classification des relations monadiques, dyadiques et triadiques (voir : Wildgen, 1999 : 12-18) et sa théorie de la valence rhématique poursuivent un but comparable. En même temps Cassirer se sépare du mouvement formaliste du cercle de Vienne lorsque il se tourne vers les sciences humaines, l’anthropologie et la philosophie de l’art. Il quitte l’idéologie de la philosophie scientifique qui dominera la philosophie analytique et par le détour des États-Unis l’épistémologie moderne.3 2. La formation symboliques au delà du langage : le mythe et l’art Si dans le signe linguistique la séparation du signifiant et du signifié est un fait accompli il faut chercher le point de transition, la bifurcation primaire qui sépare la forme du signe et son contenu et qui produit comme Cassirer le montre dans le troisième volume de sa philosophie des formes symboliques l’illusion de la dualité de l’esprit et du corps (le res cogitans et le res extensa des Cartésiens). La région critique de cette séparation primaire renvoie au phénomène de l’expression (« Ausdruck »), donc au corps qui est considéré comme signe de l’âme (dans la tradition de la physiognomonie depuis l’antiquité). Dans l’évolution culturelle le mythe correspond à ce stade de la bifurcation, quoique il soit dès les débuts de la culture en coexistence avec le langage. Le mythe et le langage sont au stade de la pensée primitive comme des « jumeaux » (voir Cassirer, 1990 : 172). Le mythe a pourtant 2 Voir Cassirer, 1964: 452. 3 Il n’abandonne pourtant guère ses ambitions d’intégrer les mathématiques et les courants de la physique moderne, comme le montre son article « The Concept of Group ... » de 1944. On pourrait penser que Cassirer fait le parcours de Kant dans ses critiques consécutives tout en essayant de placer ces diverses entreprises dans un cadre commun. Cassirersemio2001complet.doc 4 / 14 une dynamique et une direction de formation opposée (ou complémentaire) à celle du langage. Il présuppose et élabore une « sympathie » profonde entre l’homme et le monde et son règne n’est que partiel, c’est-à-dire au delà des explications mythiques, des opérations rituelles et magiques, au delà du sacré il existe toujours un domaine pratique, contrôlé par des routines fonctionnelles, si l’on veut dire logiques, le profane. Le mythe régit la sphère que les routines pratiques ne savent pas contrôler et cette sphère change avec l’expansion des techniques et routines sociales et avec leur efficacité. Pour Cassirer le langage est (en partie) un moyen d’organiser le microcosme symbolique dans la deixis, la description, l’apprentissage des routines quotidiennes. En vue de ses valeurs émotionnelles et suggestives le langage peut en même temps soutenir le mythe, les rites, la magie, la religion, il est donc polyfonctionel à ce point. La force de l’activité symbolique est d’une part collective, holistique, elle fonctionne par sympathie, organise une dynamique émotionnelle, d’autre part elle catégorise, « objective » l’espace, le temps, la multitude des objets, relations et actions. En ce sens le langage organise la réalité sous l’aspect profane, sous le régime des actions sur le monde et en fonction du succès de ces actions. Le mythe organise une interprétation totale du monde qui enveloppe l’homme et sa société.4 Les religions surtout après le stade mythique (disons après Homère pour la civilisation grecque) sont des stades de la réduction du mythique au philosophique (p.ex. la reconstruction de la théologie chrétienne à la base de l’aristotélisme chez St. Thomas). Une autre forme symbolique, l’art, ne peut (selon Cassirer) guère être subsumée sous le langage (comme le fait Benedetto Croce dans « Estetica come scienza dell’espressione e linguistica generale ») ni sous le mythe, comme forme symbolique. L’art partage pourtant avec les deux formes du symbolique la force de la symbolisation, donc une type d’objectivation, de mise en formes « objectives » de l’expérience humaine. « The sphere of art is a sphere of pure forms. It is not a world of mere colors, sounds, tactile qualities — but of shapes and designs, of melodies 4 Dans un séminaire à Yale (voir Cassirer, 1979: 166-195) Cassirer précise que le mythe est aussi un mode d’objectivation: „In myth man objectifies his own deepest emotions; he looks at them as if they had an outward existence.“ Il appelle cette objectivation „a physiognomical interpretation“ (ibidem: 172 f.). Cassirersemio2001complet.doc 5 / 14 and rhythms. [...] It is not a language of verbal symbols, but of intuitive symbols. He who does not understand these intuitive symbols, who can not feel the life of colors, of shapes, of spatial forms and patterns, harmony and melody, is secluded from the work of art — and by this he is not only deprived of aesthetic pleasure, but he loses the approach to one of uploads/s3/ philosophie-des-formes-symboliques.pdf

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