04 — Introduction HASSAN BOURKIA, “AU NOM DES MIENS” Hicham Daoudi 16 - 24 - 40
04 — Introduction HASSAN BOURKIA, “AU NOM DES MIENS” Hicham Daoudi 16 - 24 - 40 - 52 — EXTRAITS Reda Zaireg 08 — HASSAN BOURKIA : DES MOTS ET DES CHOSES Alexandre Colliex 62 - 70 - 92 — LETTRE À MOI-MÊME : BIOGRAPHIE D’UNE OEUVRE Hassan Bourkia Traduction Farid Zahi COMMISSARIAT D’EXPOSITION Imane Barakat DIRECTION ARTISTIQUE ET MISE EN PAGE Chayma Ejjakhch, Mohamed Abitar PHOTOS Benoit Bost C’est avec un grand bonheur que le Comptoir des Mines accueille l’exposition maintes fois reportée de Hassan Bourkia, « Au Nom des miens », en ce début du mois de décembre. Cette exposition que nous préparions depuis 2018 trouve aujourd’hui une forte résonance, suite aux moments d’incertitude que nous avons traversé ces derniers mois. Le confinement a, pour beaucoup d’entre nous, altéré notre faculté de mémoire, ensevelissant parfois nos souvenirs et nos pratiques quotidiennes sous un voile d’oubli. Ce voile est souvent commun à ceux qui ne jurent que par l’avenir et qui fuient pour certaines raisons leur passé. Hassan Bourkia a beaucoup attendu avant de dévoiler un drame intime qui a fait de lui l’artiste et l’homme qu’il est aujourd’hui. Souvent suggérée dans ses précédentes œuvres, il a longtemps esquissé les pourtours de cette genèse sans en donner toutes les clefs. La cendre, les brûlures et les débris calcinés n’ont jamais été des matériaux innocents au service de l’œuvre d’art. Ils peuplent l’univers de Hassan car ils font partie intégrante de sa propre histoire. Les cicatrices lisibles sur ses œuvres sont d’abord les siennes, inscrites dans sa mémoire, et l’oxydation apparente de certains matériaux est avant tout la métaphore qu’il utilise pour aborder l’altération de ses propres souvenirs. La révolte de Hassan Bourkia s’exprime avant tout dans ses différentes pratiques artistiques pour combattre l’oubli qu’il redoute. Se souvenir, ne rien oublier, ne rien gâcher, l’invitent à travailler sans relâche à « l’amplification des mémoires », concept qu’il développe depuis plusieurs années. Accumulateur d’objets, il aime dénicher ceux qui portent l’altérité du temps et les fragments des âmes de leurs anciens propriétaires, pour constituer des « archives du sensible » ouvertes sur l’histoire et les sociétés. « Il n’y a pas de plus difficiles constats que ceux subis dans sa propre chair comme une injustice du destin, et c’est dans le creux du corps que naît la révolte », aime dire Hassan. Introduction Hicham Daoudi 04 Il m’a fallu plusieurs années pour comprendre les passerelles qu’il établissait subtilement entre son histoire personnelle et celle du monde telle que compilée dans sa bibliothèque. Lors de ses récents projets à Buenos Aires, au Brésil et en France, cette dimension tendait à émerger de plus en plus, au point de devenir une direction à part entière dans ses recherches. Notant dans son journal tous les détails de ses rencontres, de ses voyages, il enrichit quotidiennement « son archive » pour ne rien oublier de la force de chaque instant. Là est son sentiment de plénitude, dans la conservation et la transcription. 05 Introduction Hicham Daoudi Ses livres occupent une place prépondérante dans cet univers qu’il bâtit. Ils n’échappent pas à son obsession de récolte de témoignages et de philosophies d’auteurs très divers, qu’il s’agisse de poésie amoureuse ou des drames du monde. Sa bibliothèque en est d’ailleurs le reflet. Riche de plusieurs milliers d’ouvrages, elle projette l’artiste dans le récit des autres, ou fait naître chez lui un profond sentiment de communion avec leurs auteurs. Ses lectures l’entraînent de façon incessante vers les guerres de décolonisation, les camps de la mort, l’Irak et la Palestine, mais aussi les courants philosophiques, les expressions artistiques, les voyages et la poésie arabe. Entre ces extrêmes oscille le désir et le devoir de Hassan. Edmond Amran El Maleh et Juan Goytisolo occupent une place à part dans sa vie et « son archive du sensible » : ils l’ont tous deux aidé à forger son engagement créatif. Écrire lui est vital. Il ne cesse de noter, de griffonner à la main toutes sortes de choses qu’il aime saisir sur le vif, et il entretient avec ses amis écrivains et artistes de par le monde de longues correspondances aux sujets très étendus. C’est le souffle de cette résistance qui a poussé Hassan Bourkia à devenir ce formidable assembleur qui, pour façonner son langage visuel, associe des matériaux « habités » aux écritures dans ses œuvres. Le travail de Hassan Bourkia se nourrit de son proche environnement d’abord, pour s’étendre et embrasser des contextes plus larges. Hassan Bourkia ne redoute plus la main du destin. Il a appris à être son scribe et son archiviste pour embrasser et célébrer la vie qui s’offre à lui. Si cette philosophie est également très présente dans l’art contemporain occidental, Hassan, lui, l’a dépouillée du remords et du sentiment de la culpabilité. « Au nom des miens » aborde la force et la capacité profonde de Hassan Bourkia à intégrer toutes ses rencontres, ses souvenirs, ses lectures et ses échanges dans sa personnalité et sa création. N’abandonnant aucune des phases de sa vie à l’oubli, il nous indique comment continuer à avancer malgré la main du destin car, « pour pardonner véritablement, il faut se souvenir toujours » Eugène Marbeau . Exposition “ Au nom des miens ” LA MÉMOIRE DES INDÉSIRABLES, 2020 IInstallation 180 x 400 x 20 cm Exposition « Distance Ardente », Musée Régional d’Art Contemporain d’Occitanie Saison Africa 2020 Page suivante ≥ Hassan Bourkia : des mots et des choses HASSAN BOURKIA PRÉSENTANT SON INSTALLATION À LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE, BIENALSUR, BUENOS AIRES, 2019 Photo : Alexandre Colliex Alexandre Colliex 08 L’exposition est pour tout artiste comme un rendez-vous pris de longue date. L’exposition vous contraint à plonger dans l’atelier, à rouvrir les tiroirs de la mémoire. Des séries ressurgissent nées d’un voyage, d’une rencontre, d’une lecture. Et l’œuvre que l’on rêvait parfaitement cohérente révèle ses embardées fortuites, ses failles. Rien d’aussi insupportable soudain pour un artiste que de mettre un point final à une série, un travail en cours. L’exposition attise l’urgence de poursuivre, de prolonger une œuvre qui a tant dire encore. Cette exposition d’Hassan Bourkia, c’est peu dire qu’elle était attendue à Marrakech, la ville où l’artiste a son atelier. Le projet du Comptoir des Mines trouve son origine dans les visites à l’atelier d’Hassan, bureau-bibliothèque organisé autour de la vis de l’escalier jusqu’au laboratoire sur les toits. Une vie d’artiste s’y cache qui se confond avec la vie du pays. Au Comptoir des Mines se déploie l’autobiographie en objets et en images de l’artiste. Mais bien loin de ranger soigneusement l’œuvre sur étagères, l’exposition révèle comme par inadvertance des blessures de toujours et des colères à vif. Attention donc à ne pas prendre au pied de la lettre cet artiste érudit : son autobiographie est collective. Elle avoue les blessures intimes certes mais interroge aussi les désordres du monde. DES MOTS ET DES CHOSES Les mots d’abord qui sont peut-être le matériau premier, la matière invisible autant qu’omniprésente de l’œuvre. Est-ce un hasard si l’atelier de l’artiste est d’abord sa bibliothèque ? Lecteur et traducteur, Hassan Bourkia puise plus que son inspiration du moment dans les livres qui envahissent son espace de vie et de travail en fragiles empilements. Nietzsche, Dickinson, Pessoa, Pavese, Borges par-dessus tout, figure tutélaire dont la métaphore du monde comme bibliothèque est peut-être une des clefs pour approcher le travail d’Hassan. Pour la Biennale de Buenos Aires, l’artiste avait longtemps travaillé sur une œuvre-bibliothèque, hommage au grand écrivain argentin, qui aurait trouvé sa place naturellement dans la bibliothèque nationale. Bien plus qu’une métaphore, les œuvres des dernières années se donnent à voir justement comme des étagères sur lesquelles prennent place les fragments de la grande histoire faite de bruit de et de fureur. Une œuvre comme le contrepoint dans les arts plastique des Fictions du grand bibliothécaire argentin. Œuvre de 2016, Quand le mot est sans espérance est un polyptique Hassan Bourkia : « L’oubli est la seule vengeance, le seul pardon ». Borges Des mots et des choses Exposition “ Au nom des miens ” Hassan Bourkia : des mots et des choses Alexandre Colliex 09 Alexandre Colliex Hassan Bourkia : des mots et des choses composé de 4 ensembles de 12 casiers-étagères chacun : une bibliothèque qui ne conserve que quelques rares photographies d’identité et quelques mots à moitié effacés par la rouille de l’oubli. Mais, de manière plus essentielle encore, les œuvres d’Hassan Bourkia, toiles, assemblages, photographies ou collages sont bien le repaire des mots. Des mots imprimés bien sûr, des mots découpés dans le journal qui importent dans l’œuvre les nouvelles du jour ou d’hier, retrouvant les gestes des pionniers du cubisme, de Picasso et Braque quand le morceau de toile cirée, le ticket, le papier journal faisaient irruption dans la peinture à l’orée du siècle dernier. Dans Nostalgie, œuvre de 2018, le sourire éclatant, et le nom de la cantatrice Jessye Norman sont collés à la surface de l’œuvre, article nécrologique arraché dans le journal dont les bords uploads/s3/ hassan-bourkia-catalogue-digital-bd-compressed 1 .pdf
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- Publié le Apv 08, 2021
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