UNIVERSITÉ PANTHEON ASSAS (PARIS II) Année universitaire 2021-2022 TRAVAUX DIRI

UNIVERSITÉ PANTHEON ASSAS (PARIS II) Année universitaire 2021-2022 TRAVAUX DIRIGÉS – 1re année Licence en droit DROIT CIVIL – 2nd semestre Cours de Monsieur le Professeur Laurent LEVENEUR ONZIÈME SEANCE : L’EXISTENCE DE LA PERSONNE PHYSIQUE I- Étude des documents Document n°1 : Cass. Ass. plén. 29 juin 2001 : Bull.civ. I, n° 165 ; D. 2001.2917, note Y. Mayaud ; JCP 2001, II, 10659, note M-L Rassat. Un homme a heurté un véhicule conduit par une femme, enceinte de six mois. Blessée, cette dernière a perdu, à la suite de l’accident, le fœtus qu’elle portait. Le conducteur du véhicule ayant causé le choc a été condamné par la cour d’appel de Metz du chef de blessures involontaires sur la personne de la femme enceinte et a été relaxé du chef d’atteinte involontaire à la vie de l’enfant à naitre. La mère et le procureur général ont formé un pourvoi en cassation. En son premier moyen, le pourvoi soutenait que dans la mesure où l’article 221-6 du Code pénal, qui réprime l’homicide involontaire défini comme le fait de causer par maladresse « la mort d’autrui », n’exclut pas de son champ d’application « l’enfant à naître et viable », la Cour d’appel, en procédant à cette exclusion, a ajouté une condition à la loi. Le second moyen du pourvoi prétendait que la seule condition de la viabilité de l’enfant à naître lors de l’accident suffisait à le faire entrer dans le champ de l’homicide involontaire. Dès lors, les demandeurs au pourvoi déduisaient du fait le fœtus était viable au moment de l’accident un défaut de motivation de l’arrêt d’appel. Il s’agissait donc de savoir si l’article 221-6 du code pénal, réprimant l’homicide involontaire, était applicable au cas de l’enfant à naître. La chambre criminelle rejette le pourvoi, confirmant l’arrêt de la cour d’appel de Metz. Elle refuse de qualifier d’homicide involontaire le décès de l’enfant à naître causé par un tiers, en se fondant sur le principe d’interprétation stricte des délits et des peines et donc sur l’interprétation stricte de l’article 221-6 du code pénal. Elle en déduit que l’enfant doit être né vivant et viable pour bénéficier de la protection pénale, même s’il était viable au moment des faits (position déjà adoptée dans Crim. 30 juin 1999). Apport : cet arrêt d’assemblée plénière, rendu à propos d’un accident de la circulation, fixe la position de principe de la Haute juridiction : le principe de légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, s’oppose à ce que l’incrimination prévue par l’article 221-6 soit étendue au cas de l’enfant à naître (dont le régime juridique relève de textes particuliers relatifs à l’embryon et au fœtus). La solution a été réitérée par la Cour de cassation en 2002 (Crim. 25 juin 2002, n° 00-81.359, Bull. Crim n°144 p.531). Document n°2 : Cass. crim. 2 déc. 2003, n° 03-82.344 Une femme enceinte de huit mois a été victime d’un accident de la circulation. Le jour même, elle donnait naissance à un enfant. Celui-ci décédait une heure après sa naissance des suites du choc causé par l’accident. La conductrice à l’origine de l’accident a été condamnée en première instance puis par la cour d’appel de Versailles du chef d’homicide involontaire sur la personne de l’enfant. Le procureur général près la Cour de cassation formait un pourvoi fondé sur la violation de l’article 221-6 du code pénal, siège de l’incrimination de l’homicide involontaire, par la cour d’appel. Se posait donc la question suivante : le délit d’homicide involontaire peut-il être commis sur une personne née vivante alors que la cause du décès réside dans le choc subi in utero ? La chambre criminelle de la Cour de cassation répond par l’affirmative : la cour d’appel a relevé tous les éléments nécessaires à la caractérisation du délit d’homicide involontaire, peu important que les lésions ayant entraîné la mort aient été subi avant la naissance. Le pourvoi formé par le parquet général est donc rejeté. Apport : cet arrêt apporte une précision à la solution adoptée par l’assemblée plénière de la Cour de cassation le 29 juin 2001 au sujet de la protection pénale de l’enfant à naître. En effet, il se déduit de la comparaison des deux arrêts que la protection pénale de l’enfant à naître est conditionnée à la naissance de l’enfant vivant : - les faits ayant donné lieu à l’arrêt d’assemblée plénière concernaient un enfant ayant subi les lésions mortelles in utero et décédé au moment de sa naissance ; - les faits ayant donné lieu au second arrêt concernaient un enfant qui, comme le premier, avait subi les lésions in utero mais était né vivant. L’arrêt du 2 décembre 2003 ne vient donc pas contredire l’arrêt d’assemblée plénière mais permet de comprendre la logique de la construction jurisprudentielle concernant le fœtus : le terme « autrui » auquel fait référence l’article 221-6 du code pénal ne peut concerner qu’une personne physique, laquelle doit naître vivante pour exister. Le fait que les lésions ayant entraîné la mort aient été subies in utero est indifférent (il n’empêche pas l’enfant de bénéficier de la protection pénale, à condition de naître vivant). Cette construction prétorienne a le mérite de dégager un critère logique : nul ne peut faire l’objet d’un homicide s’il n’est pas né vivant. La comparaison des deux arrêts laisse toutefois apparaître une faiblesse dans la construction. La mise en jeu de la responsabilité pénale est conditionnée à la naissance d’un enfant vivant, ce qui implique que le résultat de l’infraction est tributaire de circonstances extérieures (possibilité d’une intervention rapide des secours). Dès lors, la mise en jeu de la responsabilité pénale pour homicide involontaire paraît difficilement prévisible au moment où la faute est commise. Cette critique peut être tempérée : ce déficit de prévisibilité paraît compatible avec la nature involontaire du délit en question. Document n°3 : Cass. 1re civ., 10 déc. 1985 : D. 1987, p.449, note G. Paire Un contrat d’assurance-vie a été souscrit. Celui-ci garantit le paiement d’un capital en cas de décès, majoré en fonction du nombre d’enfants à charge vivant au foyer de l’assuré. L’épouse de l’assuré et ses enfants sont désignés bénéficiaires. L’assuré décède et un peu plus de deux mois plus tard, l’épouse bénéficiaire accouche de jumeaux. L’́épouse perçoit le capital mais l’assureur refuse de tenir compte des deux enfants, dans le calcul du montant du capital, puisqu’ils n’étaient pas nés au moment de la réalisation du risque (le décès de l’assuré). L’épouse a alors assigné l’assureur. La cour d'appel rejette la demande de l’́épouse aux motifs qu’elle était la seule bénéficiaire contractuellement désignée et que les enfants simplement conçus ne vivaient pas au foyer de l’assuré. Les enfants nés postérieurement au décès de leur père peuvent-ils bénéficier de l’assurance décès de ce dernier alors mêmes qu’ils n’́étaient que simplement conçus au moment du décès ? La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, affirmant que la détermination des enfants à charge vivant au foyer doit être faite conformément aux principes généraux du droit spécialement celui selon lequel l’enfant conçu est réputé né chaque fois qu’il y va de son intérêt. Or, en l’espèce, la majoration du capital-décès est destiné à faciliter l’entretien des enfants. Apport : la Haute juridiction fait application de l’adage Infans conceptus pro jam nato habetur quoties de commodis ajus agitur, lequel constitue une fiction juridique consistant à faire rétroagir la personnalité juridique au jour de la conception. Pour en bénéficier, l’enfant doit être ń vivant et viable et le report de la personnalité doit bénéficier à l’enfant, ce qui signifie que l’enfant doit acquérir des droits et non de simples obligations (ce qui est le cas en l’espèce, car consistait en l’octroi d’un capital-décès). Document n°4 : Articles L. 2151-2 et s. du code de la santé publique Ces articles portent sur les embryons humains. Ils témoignent d’une évolution de la législation, notamment issue de la loi 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (dite « Loi Touraine » ou « Loi santé »). Alors qu’initialement le principe était celui de l’interdiction de la recherche sur l'embryon humain, les cellules souches embryonnaires et les lignes de cellules souches, la loi l’autorise désormais si les conditions suivantes sont réunies : - « 1° La pertinence scientifique de la recherche est établie ; - 2° La recherche, fondamentale ou appliquée, s'inscrit dans une finalité médicale ; - 3° En l’état des connaissances scientifiques, cette recherche ne peut être menée sans recourir à ces embryons ou ces cellules souches embryonnaires ; - 4° Le projet et les conditions de mise en œuvre du protocole respectent les principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires ». Si la loi du 2 août 2021 s’inscrit dans cette même tendance qui vise à élargir les hypothèses d’études sur les embryons, en prévoyant notamment que les recherches peuvent désormais porter sur les causes de l'infertilité (Art., L.2151-5 V. du CSP), on notera néanmoins qu’un uploads/S4/ 2022-02-18-corrige-td-11.pdf

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  • Publié le Oct 28, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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