Cass. Com. 6 nov. 2012, n° 11-24.730 a) Le 6 novembre 2012, la Cour de cassatio
Cass. Com. 6 nov. 2012, n° 11-24.730 a) Le 6 novembre 2012, la Cour de cassation a rendu un arrêt quelque peu controversé en matière de contrats spéciaux, confirmant l’annulation d’un pacte de préférence pour indétermination du prix de cession au moment de sa conclusion. En l’espèce, le pacte de préférence avait été conclu par les actionnaires d’une société exploitant un hypermarché. Il prévoyait notamment que tout projet de cession, de tout ou partie de ses titres par un actionnaire à un tiers non-adhérent de l’association des centres distributeurs en question, devait faire l’objet d’une offre préalable de cession aux autres actionnaires, en particulier les actionnaires minoritaires membres du groupement. Nonobstant le pacte de préférence préalablement conclu, les actionnaires majoritaires ont finalement cédé leurs actions à une société tierce sans les proposer à leurs coactionnaires. L’un d’eux saisit alors le juge pour qu’il prononce la nullité de la cession. Les parties du contrat de vente litigieux, quant à elles, ont considéré que ledit pacte de préférence avait été annulé du fait de l’absence de prédétermination du prix. Statuant sur renvoi après cassation, la Cour d’appel de Nancy accueille ce moyen et confirme donc l’annulation du pacte le 1er juin 2011 au visa des articles 1592 et 1843-4 du code civil. Le coactionnaire minoritaire forme alors un pourvoi en cassation, contestant cette décision. En effet, il argue de la clarté du pacte quant à la fixation du prix de cession, dénaturée selon lui par le jugement de la Cour d’appel, qui conclut à l’impossibilité de déterminer du prix de vente. Il estime, en outre, que la prédétermination de ce prix n’est pas une condition de validité du pacte de préférence. Aussi, la nullité de la clause portant sur cet élément n’affecterait pas la validité du pacte dans son entièreté. Les juges de la Cour de cassation ont ainsi dû spécifier si l’indétermination du prix au moment de la conclusion d’un tel pacte de préférence rendait, effectivement, celui-ci caduc. Ils répondent finalement par l’affirmative le 6 novembre 2012, et rejettent le pourvoi formé par l’actionnaire minoritaire. Précisant que les termes du pacte n’étaient ni clairs ni précis, donc que le prix de vente n’était pas déterminable, ils estiment que la Cour d’appel a bien appliqué le droit en prononçant l’annulation de la convention en son entier. Afin de mieux comprendre les fondements et les enjeux d’une telle décision, nous verrons tout d’abord que les juges ont ici méconnu l’autonomie du pacte de préférence vis-à-vis de l’acte de vente (I), pour ensuite observer la rigidification qu’ils ont induite en estimant que la prédétermination du prix de cession était une condition de validité de ce type de contrat (II). b) En refusant d’annuler l’acte de cession litigieux, les juges de la Cour de cassation méconnaissent complètement l’autonomie du pacte de préférence vis-à-vis de la vente. Plus encore, leur raisonnement semble aller dans le sens d’un alignement sur les exigences d’un contrat de vente. Si le pacte de préférence ne constitue qu’un avant-contrat sans grande conséquence sur la décision finale du promettant, il doit nécessairement, selon la Cour, stipuler les critères de prédétermination du prix de la cession éventuelle. En l’absence de ces précisions, l’acte est frappé de nullité. Une telle considération ouvre finalement la voie à une forme de rigidification du pacte de préférence, altérant ainsi sa souplesse. Par une lecture interprétative de la convention, les juges ont conclu à l’absence de cette condition donc à la nullité de l’acte. On remarque ici une confusion entre les exigences relatives aux promesses ou actes de vente. En effet, ces derniers doivent effectivement stipuler le prix de cession sous peine de nullité. Le pacte de préférence, en revanche, ne doit obligatoirement comporter que le seul objet du contrat, ses modalités étant facultatives. L’argumentaire des juges repose ici sur un calquage des exigences de l’acte de vente, ignorant l’autonomie du pacte par rapport à celui-ci. S’appuyant les dispositions du code civil relatives à la vente, ils dénoncent le manque de clarté de la convention quant à la méthode de fixation des prix. Si cette critique est quelque peu contestable, l’englobement de l’ensemble de l’acte par la clause prétendument viciée l’est encore plus. Une telle décision ôte finalement tout intérêt à la conclusion d’un pacte de préférence, en lui niant ses spécificités vis-à-vis de la promesse de vente. c) Afin de mieux comprendre les fondements et les enjeux d’une telle décision, nous verrons tout d’abord que les juges ont ici méconnu l’autonomie du pacte de préférence vis-à-vis de l’acte de vente (I), pour ensuite observer la rigidification qu’ils ont induite en estimant que la prédétermination du prix de cession était une condition de validité de ce type de contrat (II). I – De l’autonomie du pacte de préférence : la demande bien fondée du bénéficiaire Après avoir brièvement rappelé les spécificités du pacte de préférence (A), nous verrons que les juges ignorent son autonomie en refusant d’annuler la vente qui entre en contradiction avec la convention litigieuse (B). A – La nature peu contraignante du pacte de préférence - Définition de l’article 1123 du code civil : « Le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter. » - Il en ressort pour le promettant une obligation de ne pas faire d’offre à des tiers avant d’en avoir fait une au bénéficiaire. C’est justement ce qui est reproché à l’actionnaire majoritaire cédant ici : le demandeur n’a pas été informé d’une quelconque offre de sa part. - Pour autant, il ne s’agit pas d’une obligation de conclure le contrat de cession avec le bénéficiaire. En principe donc, il n’importe pas d’y préciser les termes de la vente ; seul l’objet de l’éventuel contrat y est nécessairement mentionné autonomie du pacte de préférence par rapport à la promesse ou l’acte de vente. B – Le refus d’annuler la vente discordant avec le pacte - L’article 1123 précise que les conséquences de la violation d’un pacte de préférence lorsqu’un contrat est conclu un tiers : le bénéficiaire peut obtenir réparation du préjudice subi, et lorsque le tiers est de mauvaise foi, donc qu’il connaissait l’existence de la convention, il peut agir en nullité ou demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu. - En l’espèce, le bénéficiaire du pacte a donc demandé l’annulation de la vente du promettant à un tiers. Un tel manquement à ses obligations peut en outre relever de la loyauté des relations contractuelles – de la bonne foi, principe fondamental en matière de droit des contrats. - Pour évincer la nullité de l’acte de vente litigieux, les juges ont finalement prononcé la nullité du pacte de préférence qui en fondait la demande. Pour ce faire, ils érigent la prédétermination du prix de cession comme étant une condition de validité d’un tel pacte, en mettant en avant le défaut de clarté et de précision de l’acte en cause quant à cet élément. « La nullité de la stipulation relative à la fixation du prix affecte la convention en son entier ». II – De la rigidification du pacte : l’exigence de la prédétermination du prix Après avoir exposé les fondements de la nullité du pacte de préférence prononcée par les juges (A), nous examinerons plus attentivement les conséquences juridiques de cette décision en interrogeant ses enjeux et sa portée générale (B). A – La nullité du pacte entraînée par la clause imprécise - Pour appuyer leurs propos, les juges mettent en avant la méthode de fixation de prix convenue par les parties du pacte. Celui-ci n’étant « ni clair ni précis », ils estiment que l’intervention du tiers expert n’était pas possible en raison du manque de critères établis par la convention. - Ils s’appuient ici sur les dispositions du code civil relatives à la vente Article 1591 sur la détermination du prix ; Article 1592 qui dispose qu’il peut être déterminé par un tiers et que, si ce dernier ne veut ou ne peut pas faire cette estimation, la vente ne peut pas avoir lieu. - Un tel fondement peut être contestable compte tenu de l’autonomie du pacte de préférence. En effet, il induit une certaine confusion entre la fonction du pacte et celle de l’acte de vente. Considérant que la clause défaillante, relative à la fixation du prix de cession, entraînait de facto la nullité de la convention, les juges ont finalement altéré la souplesse de ce type d’acte. B – Protection du bénéficiaire et liberté du promettant - Par cet arrêt, les juges de la Cour de cassation ont apporté des spécifications quant au contenu du pacte de préférence. On peut donc supposer que, si le prix avait bel et bien été déterminable aux termes de la convention, ils auraient fait droit à sa demande au regard de l’article 1123. - On peut y voir une volonté de préserver la liberté du promettant car, en effet, les uploads/S4/ commentaire-cass-com-6-novembre-2012-n0-11-24-730 1 .pdf
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- Publié le Oct 27, 2021
- Catégorie Law / Droit
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