COMMENTAIRE D’ARRET SEANCE 4, DOCUMENT 4 Cass. ch. mixte, 26 mai 2006, Bull. mi

COMMENTAIRE D’ARRET SEANCE 4, DOCUMENT 4 Cass. ch. mixte, 26 mai 2006, Bull. mixt. n° 4 ; D. 2006. 1681, note D. Mainguy ; RTD Civ. 2006. 550, note J. Mestre et B. Fages ; RDC 2006. 1080, note D. Mazeaud ; .1131, note Ph. Collart Dutilleul ; JCP 2006, II, 10142, note L. Leveneur. La nature des avant-contrats évolue avec le temps : platonique à sa formation, tant que le vendeur demeurait dans l’attente, il prend corps en devenant exigible aussitôt que ce dernier s’est décidé à vendre. Un « avant-contrat » ou « contrat préparatoire » est une convention par laquelle les signataires arrêtent les règles par lesquelles ils entendent ultérieurement s’engager. Parmi les avant contrats, il y a la promesse unilatérale, la promesse synallagmatique, le pacte de préférence. Il conviendra ici de s’intéresser au pacte de préférence. Défini par l’article 1123 du code civil, celui-ci est un contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter. Toute la difficulté est néanmoins de déterminer les limites de ce pacte ainsi que les sanctions dues à la substitution du bénéficiaire du pacte. Tel était l’enjeu en l’espèce dans l’arrêt rendu le 26 mai 2006 par chambre mixte de la Cour de cassation, c’est un arrêt qui a été publié au bulletin. Concernant les faits, à la suite d’une donation-partage dressée le 18 décembre 1957 un bien immobilier est attribué à un particulier (madame A). Un acte de donation-partage : est à la fois une donation et un partage, et permet de transmettre et de répartir de son vivant, les biens d’une future succession, celle-ci se fait par acte notarié. Cette donation partage contient un pacte de préférence sur le bien au bénéfice de Madame X (la bénéficiaire) Cependant, le 7 aout 1985 une parcelle dépendant de ce bien a été transmise à un tiers (M.Ruini) par une nouvelle donation-partage. Cette même donation-partage contenait quant à elle une mention rappelant l’existence du pacte de préférence (à l’attention de Mme X). Ayant pour autant connaissance de ce pacte de préférence ce tiers a cédé par un acte de vente notarié le 3 décembre 88 celle-ci, donc la parcelle, à une SCI, sans le proposer à la bénéficiaire Mme X. Par conséquent en 1992, Mme X, la bénéficiaire, demande la substitution, pour un point de définition, dans les droits de l’acquéreur (la substitution est l’effet d’une convention par laquelle une personne est investie des droits et des obligations d’une autre.) et des dommages et intérêts. Concernant la procédure, à la suite d’une première instance dont nous ne connaissons pas la teneur, un appel est interjeté. C’est par un arrêt du 13 février 2003 que la Cour d’appel de Papeete déboute la bénéficiaire de son action. S’estimant lésée, elle forme alors un pourvoi en cassation. Néanmoins le 25 septembre 2003 Madame X décède et ce sont les consorts X qui reprennent l’instance introduite par Madame X en leur qualité d’héritier. Ils forment donc un pourvoir en cassation par un moyen pris en 3 branches : Par un unique moyen ; À l’occasion de la première branche, Les demandeurs au pourvoi soutiennent que la cour d’appel aurait violé l’article 1142 du code civil qui dispose que « Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommage en intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur ». Puisqu’en l’espèce, l’exécution en nature était possible. A l’occasion de la seconde branche, Les demandeurs au pourvoi soutiennent que la cour d’appel aurait violé les articles 1134 (Les con- ventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.Elles ne peuvent être ré- voquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.Elles doivent être exécutées de bonne foi.) ,1138 (« Le dol est également constitué s'il émane du représentant, gérant d'affaires, préposé ou porte-fort du contractant. Il l'est encore lorsqu'il émane d'un tiers de connivence ») et 1147 (« Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et in- térêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. ») et ce, au motif que le pacte préfé- rence s’analysant en une obligation de donner, sa violation doit obligatoirement entrainé l’ineffi- cacité de la vente. A l’occasion de la troisième branche, Les demandeurs au pourvoi soutiennent que la cour d’appel aurait violé les articles 28,30 et 37 du décret du 4 janvier 1955 (porte sur la réforme de la publicité foncière). Il conviendra donc de traiter notre sujet en répondant à la question suivante : L’inexécution du pacte de préférence peut-elle être sanctionné par l’annulation de la vente et la substitution du bénéficiaire au tiers acquéreur et sous quelles conditions ? Se posait d’abord celle du type de sanction, et plus précisément celle de l’admission de la substitution du bénéficiaire du pacte au tiers acquéreur. Ensuite, quelle que soit la sanction choisie, celle de ses conditions d’application. Par un arrêt du 26 mai 2006, la chambre mixte de la Cour de cassation répond par la positive et rejette le pourvoi ainsi formé. Elle affirme que la substitution du bénéficiaire à la vente est en effet possible sous réserve de deux conditions : - La connaissance par l’acheteur d’un pacte de préférence, - Et connaissance de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir. Les conditions tant de l'annulation que de la substitution demeurent inchangées, et c'est ce que rappelle la Chambre mixte : « Mais attendu que si le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'exiger l'annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d'obtenir sa substitution à l'acquéreur, c'est à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir ; qu'ayant retenu qu'il n'était pas démontré que la société E. savait que Mme X avait l'intention de se prévaloir de son droit de préférence, la Cour d'appel a exactement déduit de ce seul motif que la réalisation de la vente ne pouvait être ordonnée au profit de la bénéficiaire du pacte ». En ce sens, la substitution à l’acquéreur uniquement à condition que le tiers ait eu connaissance lorsqu’il a contracté, du pacte de préférence et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, si l’on pouvait juste apporter une remarque sur ce point. Or, la Cour a considéré que rien n’avait été démontré, qu’en tout cas la société Emeraude avait démontré que Madame X avait l’intention de se prévaloir de son droit de préférence. Donc la Cour de cassation est d’accord avec la cour d’appel dans son arrêt rendu le 13 février 2003. La Cour de cassation considère donc que le contrat de vente conclu en fraude des droits du bénéficiaire du pacte de préférence peut être annulé. Elle en déduit, que cette sanction peut s’accompagner d’une substitution du bénéficiaire à l’acquéreur. Cette sanction peut alors s’analyser en une exécution forcée du pacte de préférence (I). Néanmoins, il convient de nuancer le propos. En effet, la Cour de cassation subordonne cette sanction à la mauvaise foi du tiers bénéficiaire (II) qui nécessite qu’il ait connaissance de l’existence du pacte de préférence et de sa volonté de s’en prévaloir. I/ L’affirmation d’une double sanction A) La nullité de la vente conclue en violation du pacte ▪ Une sanction classique En principe, si un contrat est conclu avec un tiers en violation du pacte de préférence le bénéficiaire ne peut obtenir que des dommages intérêts. Cependant, Ce n’est que s’il démontre que le tiers avait connaissance de l’existence du pacte et qu’il avait l’intention de s’en prévaloir qu’il pourra solliciter la substitution dans les droits du tiers et/ou l’annulation du contrat conclu avec le tiers. ▪ Une sanction justifiée En l’espèce, à travers notre arrêt, cela constitue un revirement jurisprudentiel. En effet, la Cour de cassation a fait un pas très significatif vers la revalorisation des contrats préparatoires à la vente. On pourrait dire qu'elle remet un peu d'ordre dans le régime juridique très perturbé du pacte de préférence. La remise en ordre vient de la substitution du bénéficiaire du pacte à l'acquéreur évincé, qui s'ajoute ainsi à l'annulation de la vente frauduleuse. Dans cet arrêt, la Cour de cassation affirme que le bénéficiaire d’un pacte de préférence est en droit d’exiger l’annulation du contrat passé avec un tiers en reconnaissance de ses droits et d’obtenir sa substitution à l’acquéreur. (Substitution et annulation ont été prévus pour Madame X, via ses consorts puisqu’elle est morte. Choix de raison et de logique) B) La substitution forcée du bénéficiaire au tiers On situe la question sur le terrain de la violation d'une obligation de faire, le bénéficiaire peut cette fois espérer le maximum, à uploads/S4/ commentaire-d-x27-arret-m1-dia-seance-4.pdf

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  • Publié le Fev 01, 2022
  • Catégorie Law / Droit
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