COUR DU QUÉBEC CANADA PROVINCE DE QUÉBEC DISTRICT DE MONTRÉAL « Chambre crimine
COUR DU QUÉBEC CANADA PROVINCE DE QUÉBEC DISTRICT DE MONTRÉAL « Chambre criminelle et pénale. » N° : 500-01-205651-208 500-01-213049-205 Date : 18 juillet 2022 _____________________________________________________________________________ SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE PIERRE E. LABELLE, j.c.Q. _____________________________________________________________________________ SA MAJESTÉ LA REINE Poursuivante c. ANDRÉ BOISCLAIR Délinquant DÉCISION QUANT À LA PEINE EN VERTU DE L’ARTICLE 486.4 DU CODE CRIMINEL, LE TRIBUNAL PRONONCE UNE ORDONNANCE INTERDISANT DE PUBLIER OU DE DIFFUSER DE QUELQUE FAÇON QUE CE SOIT TOUT RENSEIGNEMENT QUI PERMETTRAIT D’IDENTIFIER LES VICTIMES. JL 3975 500-01-205651-208; 500-01-213049-205 PAGE : 2 SURVOL [1] M. Boisclair, (le délinquant), a enregistré des plaidoyers de culpabilité au sujet de deux accusations de nature sexuelle. L’une vise une agression de groupe et lors de la seconde, il est le seul agresseur. [2] Lors de l’enregistrement des plaidoyers, de façon commune, les parties ont soumis qu’une peine totale d’incarcération de 2 ans moins un jour serait appropriée, à savoir 18 mois pour le premier dossier et 6 mois moins un jour, pour le second. Cette peine devant être purgée de façon consécutive à la première. LES FAITS [3] Les premières accusations remontent à 2014. La victime F.B. fait la rencontre de M. Boisclair par l’entremise des réseaux sociaux. Ils échangent quelques conversations ou il y sera question d’activités sexuelles, ce à quoi la victime indique qu’elle ne désire pas de sexe anal. [4] Un rendez-vous est fixé chez M. Boisclair le 8 janvier 2014. Lors de son arrivée, la victime remarque la présence d’autres individus dont l’un quitte. Il en demeure deux autres. Pendant la conversation, le délinquant parlera de sodomie et, après avoir consommé des stupéfiants, il ordonne aux deux individus de sodomiser la victime. Celle-ci est saisie de force et retenue par l’une des personnes. Pendant ce temps, la deuxième personne tente, effectivement, de la sodomiser. [5] La victime se débat tant bien que mal et, au bout d’un moment, elle est relâchée sans qu’il y ait eu pénétration. F.B. quittera ensuite l’appartement à la demande du délinquant. [6] En 2015, la victime D.N. fait aussi connaissance de M. Boisclair par l’entremise des réseaux sociaux. Ici également, il y a un rendez-vous fixé chez le délinquant. D.N. se rend à l’adresse mais, après un moment, il désire quitter l'appartement. Il croit que le délinquant l’a embrassé. Par la suite, ce dernier lui fait une fellation et D. N. dit ‘je ne crois pas’. La fellation se termine alors. [7] D.N. est amené vers le lit où il est couché sur le ventre et ses pantalons sont baissés. Le délinquant lui lèche l’anus et il y aura une pénétration digitale. D.N. dit au délinquant d’arrêter ce qu’il fait. D.N. quittera par la suite. LES DÉCLARATIONS DES VICTIMES [8] F. B. a lu une déclaration. Il indique que depuis les évènements en 2014, sa vie a pris un tournant duquel il ne réussit pas à sortir. Il vit avec de l’anxiété, de la colère, de la douleur et un mal de vivre. Il a subi des périodes de dépression et, à certains moments, il a eu des idées noires. 500-01-205651-208; 500-01-213049-205 PAGE : 3 [9] Il a fait des thérapies dont les succès apparaissent pour le moins mitigés. Il a dû prendre de la médication disant vivre avec de grandes peurs. Tout cela a des répercussions dans sa vie. Il a vécu des échecs scolaires le conduisant à l’abandon de ses études. Alors qu’il était impliqué en politique, il vit maintenant avec une aversion pour les politiciens. Il ne peut plus s’impliquer socialement. Puisqu'il est isolé, il ressent un manque d’affection. [10] Il indique que ses plans d’avenir ont dû être mis au rancart et qu’il vit avec un sentiment d’échec. [11] D. N. a également lu une déclaration. Il explique qu’au moment des évènements, il venait de faire son « coming out » seulement quelques mois auparavant et il commençait tout juste à s’épanouir. Les gestes posés par le délinquant ont causé une grande blessure qui n’est toujours pas guérie. Il indique que depuis l’évènement, il n’est pas capable de lâcher prise. Il tient le délinquant responsable de ses déboires. [12] Les gestes posés l’ont pris de cours et il s’est dit paralysé. LES PRINCIPES [13] Toute décision quant à la détermination d’une peine juste et appropriée doit nécessairement tenir compte des principes et objectifs énumérés aux articles 718 à 718.3 du Code criminel, incluant la dénonciation et la dissuasion. La prise de conscience et la réhabilitation doivent aussi faire partie de l’équation. La peine doit correspondre à la responsabilité du délinquant, à sa situation et elle doit, dans la mesure du possible, s’apparenter aux peines prononcées en semblable matière. [14] L’ensemble des facteurs aggravants et atténuants doit aussi être soupesé. Cette évaluation déterminera plus précisément à quel endroit se situe cette peine à l’intérieur de la fourchette qui sera établie plus avant. Les fourchettes demeurent des guides pour les juges et, lorsque les circonstances le justifient, il est possible d’imposer une peine se situant à l’extérieur de cette dernière, que ce soit vers le haut ou vers le bas. [15] Quant au principe de globalité de la peine, il doit aussi être examiné afin que l’ensemble des peines, si le Tribunal décide d’imposer des peines à être purgées de façon consécutive, ne soit pas excessif en dépassant la responsabilité criminelle du délinquant. [16] Au final, un exercice tenant compte de l’ensemble des principes, objectifs et facteurs ainsi que de leurs importances relatives devrait amener le Tribunal à imposer une peine juste, proportionnée et personnalisée. LA RECOMMANDATION COMMUNE SUR LA PEINE [17] Quelques remarques sont nécessaires sur la portée d’une recommandation commune et le rôle du juge qui la reçoit. Tout d’abord, le juge est la seule personne responsable de déterminer une peine. Cependant, il ne peut rejeter du revers de la main 500-01-205651-208; 500-01-213049-205 PAGE : 4 une suggestion qu’il croit trop ou non suffisamment sévère1. Le juge peut intervenir s’il est convaincu que ce qui est proposé est contraire à l’intérêt public, ce qui représente un fardeau élevé2. [18] Si le juge arrive à une telle conclusion, il doit offrir aux parties la possibilité d’expliciter leurs positions quant à cette recommandation. Si ces explications ne changent pas l’avis du juge, ce dernier peut permettre au délinquant de retirer son plaidoyer ou imposer la peine qu’il estime appropriée, c’est l’état du droit canadien. [19] Il faut cependant garder en tête, les propos de la Cour suprême sur l’importance et la valeur des recommandations communes, tel que mentionnées dans l’arrêt Nixon3 : « Compte tenu de cette nécessité pratique, l’effet obligatoire des ententes sur le plaidoyer est une question d’importance capitale en ce qui a trait à l’administration de la justice. Il va sans dire que c’est par le biais de telles ententes que l’on règle la grande majorité des affaires pénales au Canada, et qu’elles contribuent donc à rendre le système de justice pénale équitable et efficace. » [20] Les avantages sont certains pour chacune des parties. Il n’y a pas de certitude en droit criminel. Personne ne peut prévoir le déroulement des procédures, que ce soit lors de l’enquête préliminaire et particulièrement lors du procès. Considérant le lourd fardeau qui incombe au ministère public de démontrer, hors de tout doute raisonnable, la culpabilité d’un accusé sur tous les éléments constitutifs d’une infraction. De plus, la reconnaissance de la culpabilité d’un accusé, par son plaidoyer, peut aussi être un facteur important pour les victimes. [21] Pour un accusé, il y a aussi des avantages. Sa reconnaissance de culpabilité entraine, habituellement, la recommandation d’une peine plus clémente que celle qu’il pourrait recevoir suite à un procès4. [22] Cet allègement de peine trouve sa source dans la reconnaissance de culpabilité, qui elle se traduit par un début de réhabilitation chez l’accusé, puisqu’il reconnait ses torts et, aussi, en économisant des ressources judiciaires qui sont, pour notre district, dans un état critique. De plus, les victimes n’ont pas à témoigner. Tout cela doit être reconnu et pris en compte dans l’exercice qui m’occupe. LA SITUATION DU DÉLINQUANT [23] M. Boisclair est âgé de 56 ans. Il a occupé de nombreux postes publiques. En 2013, il a vécu une situation professionnelle difficile et a dû entamer des procédures civiles. Cela l’amène à consommer des médicaments, il consommait également des stupéfiants. 1 R. c. Blondeau, QCCA 2018, paragr. 50. 2 R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43. 3 R. c. Nixon, 2011 CSC 34, paragr. 47. 4 R. c. Anthony-Cook, supra, paragr. 36. 500-01-205651-208; 500-01-213049-205 PAGE : 5 [24] Au moment de sa première arrestation en 2020, il abandonne ses fonctions professionnelles et consacre son temps à se refaire une santé. Il a entrepris une thérapie pour la consommation de stupéfiants incluant des tests de dépistage qui se sont tous avérés négatifs. [25] Il a aussi amorcé un suivi psychologique et a partagé les rapports d’étapes, par l’entremise de son procureur avec le représentant de la poursuivante. Incidemment, ce dernier se dit pleinement satisfait des progrès du délinquant. [26] Puisque le uploads/S4/ decision-quant-a-la-peine-d-x27-andre-boisclair.pdf
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Licence et utilisation
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- Publié le Apv 10, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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