Droit des obligations Séance n° 5 2009-2010 E. Naudin L’objet TD L2 S3 Corrigé

Droit des obligations Séance n° 5 2009-2010 E. Naudin L’objet TD L2 S3 Corrigé TD N° 5 : L’OBJET CORRIGÉ DU CAS PRATIQUE Énoncé : M. Schmurtz, patron d’un petit troquet bien connu des strasbourgeois, est de mauvaise humeur. Il vient de recevoir la facture de son fournisseur en bière, la brasserie « La Belle Mousse », facture qu’il estime excessivement élevée par rapport aux précédentes. En effet, si le contrat qu’il a conclu avec la société détaille avec précision la qualité de la bière et le nombre de fûts à livrer, il prévoit en revanche la fixation ultérieure par la brasserie, du prix à payer par le débitant. Et la brasserie justifie la hausse du montant dû pour la dernière facture par l’augmentation de 30 % du prix de l’orge. Comme si cette mauvaise nouvelle ne suffisait pas à gâcher sa journée, sa femme lui confie la lourde tâche de trouver un cadeau pour les 18 ans de leur fils. Accaparée par la comptabilité du débit de boisson, elle n’aura pas le temps de s’en occuper. Qu’il se débrouille. A court d’idée, M. Schmurtz se souvient qu’une vieille connaissance, M. Félon, gère une société de vente de matériel informatique. Il ne l’a pas revu depuis que l’année dernière, celui-ci l’avait sorti d’une mauvaise passe financière en lui achetant un local inutilisé dans le centre ville de Metz. Invité à visiter le local transformé en boutique de vente de matériel informatique, M. Schmurtz n’avait pas encore trouvé le temps d’honorer l’invitation. Qui sait, peut-être y trouvera-t-il ce maudit cadeau d’anniversaire. Bonne pioche ! Séduit par les produits présentés par M. Félon, M. Schmurtz réalise deux achats : un ordinateur portable pour son fils et un logiciel pour faciliter le travail de son épouse dans la gestion des stocks du débit de boisson. Il ne peut cependant repartir qu’avec le logiciel, M. Félon étant en rupture de stock pour l’ordinateur choisi. Mais pas de panique, il doit être approvisionné le lendemain et le cadeau arrivera à temps pour l’anniversaire. De retour à Strasbourg, M. Schmurtz entreprend l’installation du nouveau logiciel. En vain, son ordinateur affichant à chaque essai un message d’erreur. Contrarié, il contacte son vendeur pour l’informer du dysfonctionnement du logiciel et de son souhait de se le faire remplacer. M. Félon lui rétorque sèchement qu’il a dû mal effectuer l’opération et que quoiqu’il arrive, il ne remplacera pas le logiciel. Une clause figurant au contrat de vente stipule en effet qu’« en cas de défectuosité du produit fourni, le client ne peut obtenir ni échange, ni remboursement, ni indemnité ». M. Schmurtz ne se laisse pas abattre et appelle à la rescousse un ami informaticien pour tenter de faire fonctionner le logiciel. Ce dernier lui apprend que l’échec n’est pas étonnant, puisqu’il s’agit d’une copie piratée. La déception de M. Schmurtz ne va pas s’arrêter là. Si l’ordinateur est arrivé à temps pour la soirée d’anniversaire de son fils, il s’aperçoit avec horreur lorsque celui-ci déballe le colis, qu’il ne contient pas le modèle choisi. Certes l’ordinateur livré semble plus performant, mais il est rose à pois jaune ! Le verdict de son fils est sans appel : il est hors de question qu’il se rende à la fac avec un ordinateur si grotesque. Bien décidé à ne pas conserver cet achat, M. Schmurtz entreprend la relecture du contrat conclu. Il y remarque une clause réservant au vendeur la faculté de modifier unilatéralement les caractéristiques du produit dès lors que ces modifications sont liées à l’évolution technique. Intrigué, il recontacte M. Félon qui, plus agressif que jamais, lui répond qu’il était parfaitement en droit de changer le modèle, et que de toute façon il devrait s’estimer content puisqu’il lui a envoyé un ordinateur dernière génération sans lui imposer d’augmentation du prix. Désemparé par l’attitude de M. Félon, M. Schmurtz se confie à son épouse. Celle-ci, scandalisée, décide de lui révéler une information qu’elle avait jusqu’à présent cachée à son mari, pour lui épargner davantage de contrariété. Elle a appris par le cousin de sa meilleure amie, promoteur immobilier, que le local qu’il avait vendu le 15 décembre 2008 à M. Félon pour la modique somme de 45 000 € en valait au bas mot 120 000. Peut-être, lui dit-elle, est-il possible d’obtenir de l’acquéreur une revalorisation du prix. Enfin décidé à ne plus se laisser marcher sur les pieds, M. Schmurtz vient vous consulter. Conseillez-le utilement quant aux quatre contrats conclus. 1 Droit des obligations Séance n° 5 2009-2010 E. Naudin L’objet TD L2 S3 Corrigé Introduction : … I – Le contrat de bière M. Schmurtz a conclu avec la brasserie « La Belle Mousse » un contrat de bière. Ce contrat précise la qualité de la bière et le nombre de fûts à livrer mais non le prix à payer par le débitant, celui-ci étant fixé ultérieurement par la brasserie. Or, la dernière facture est excessivement élevée par rapport aux précédentes. Juridiquement, nous sommes en présence d’un contrat – cadre1. L’objet est une des conditions de validité des conventions (art. 1108). Pour être valable, l’objet doit présenter trois caractères : - il doit exister et être possible - il doit être déterminé ou du moins déterminable - il doit être licite M. Schmurtz peut-il remettre en cause la validité du contrat conclu pour indétermination de l’objet et particulièrement du prix ? A.La détermination de l’objet des obligations respectives des parties Art. 1129 : « Il faut que l’obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce. La quotité de la chose peut être incertaine, pourvu qu’elle puisse être déterminée ». 1). L’objet de l’obligation de la brasserie : applicabilité de l’art. 1129 C.civ. L’obligation de la brasserie est une obligation en nature (transférer la propriété d’une chose). Elle porte sur une chose de genre (la bière). L’art. 1129 précise que la chose doit être déterminée dans son espèce et dans sa quotité. 1 Définition : « Accord de base destiné à gouverner globalement pendant une période donnée les relations de ceux qui les concluent en déterminant les conditions essentielles de contrats à intervenir entre eux, relativement à un objet, de telle sorte que ceux-ci sont, dans le cadre ainsi fixé, des applications de l'accord originaire. » Vocabulaire juridique H. Capitant 2 Droit des obligations Séance n° 5 2009-2010 E. Naudin L’objet TD L2 S3 Corrigé En l’espèce, le contrat précise la qualité de la bière et le nombre de fûts à livrer. L’objet de l’obligation de la brasserie est donc bien déterminé. 2). L’objet de l’obligation de M. Schmurtz : inapplicabilité de l’art. 1129 C.civ. L’obligation de M. Schmurtz est une obligation pécuniaire (payer une somme d’argent). Le contrat de bière ne précise pas le prix à payer mais prévoit sa fixation ultérieure et unilatérale par la brasserie. Or la jurisprudence, depuis les arrêts rendus par l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation le 1er décembre 1995 (arrêts reproduits dans la fiche Doc n° 2) considère que l’article 1129 n’est pas applicable à la détermination du prix. Elle précise que « lorsqu’une convention prévoit la conclusion de contrats ultérieurs, l’indétermination du prix de ces contrats dans la convention initiale n’affecte pas […] la validité de celle-ci, l’abus dans la fixation du prix ne donnant lieu qu’à résiliation ou indemnisation ». Dès lors, la détermination du prix n’est plus une condition de validité des contrats (sauf si elle est exigée par des textes spéciaux, tels ceux relatifs à la vente, en dehors de tout contrat - cadre : art. 1583 et 1591 C.civ.), seul l’abus d’un contractant étant sanctionné au stade de l’exécution du contrat. Ainsi, le seul fait que le prix soit fixé postérieurement à la conclusion du contrat – cadre et unilatéralement par une des parties n’est pas une cause de nullité de la convention. Par conséquent, les relations contractuelles entre M. Schmurtz et la brasserie ne sont pas viciées. Le contrat de bière ne pourra être remis en cause qu’en cas d’abus dans la fixation du prix par la brasserie. Si tel devait être le cas, M. Schmurtz pourrait demander non pas la nullité du contrat, mais sa résiliation et/ou une indemnisation du préjudice subi du fait de l’abus. B.Le contrôle de l’abus dans la fixation du prix. Difficulté de savoir ce qu’est entendu par la notion d’abus dans la fixation du prix. Il s’agirait, en tirant exagérément parti d'un rapport d'exclusivité ou d'un état de dépendance économique de son cocontractant, de fixer un prix nettement plus élevé que ceux qui sont habituellement 3 Droit des obligations Séance n° 5 2009-2010 E. Naudin L’objet TD L2 S3 Corrigé pratiqués, ou encore un prix permettant de retirer un profit illégitime 2. Il faut que le prix fixé puisse être assumé par le contractant sans mise en péril de son activité. C’est l’abus dans la fixation du prix et non le prix excessif qui est condamné : l’accent est mis sur le devoir de loyauté qui pèse sur celui auquel il revient de uploads/S4/ droit-des-obligations-corrige-cas-pratique-l-x27-objet.pdf

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  • Publié le Sep 18, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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