LES PARTENARIATS PUBLICS PRIVES Introduction Comment dépenser plus tout en ayan
LES PARTENARIATS PUBLICS PRIVES Introduction Comment dépenser plus tout en ayant moins d’argent ? J’utilise volontairement cette formulation quelque peu triviale car elle a le mérite de vous plonger d’emblée au cœur du problème qui va nous occuper aujourd’hui. L’Etat français, comme d’autres Etats d’ailleurs, est confronté à un dilemme. D’une part, il y a raréfaction des deniers publics, tout particulièrement en période de restriction budgétaire. Le non respect par la France et l’Allemagne des critères posés par le Pacte de stabilité et de croissance, qui a fait l’objet de tant de débats récemment, en est l’illustration la plus flagrante. Mais d’autre part, les besoins ne cessent de s’accroître, et ce dans tous les domaines, qu’il s’agisse de santé, d’éducation, ou encore de sécurité, pour ne citer qu’eux. C’est précisément à cet enjeu crucial que vise à répondre le partenariat public-privé (PPP) : l’association du public et du privé doit permettre, entre autres, de dégager de nouvelles sources de financement. Cette expression, reprise de la terminologie anglo-saxonne de « public-private partnership », est un concept aux frontières particulièrement larges et mouvantes, recouvrant des situations juridiques très diversifiées. Pour définir le PPP, je reprendrai M. Lignières qui, dans son ouvrage sur le sujet1, propose deux définitions : • Dans une acception large, « le PPP peut se définir comme toutes les formes de collaboration entre, d’une part, les pouvoirs publics et, d’autre part, les entreprises privées », qu’il s’agisse des interventions publiques en faveur du développement du secteur privé, comme les aides d’Etat par exemple, ou des cas où ce sont les entreprises privées qui apportent leur concours à l’Etat dans la réalisation de ses missions, dans le cadre de structures d’économie mixte par exemple. • Dans une acception plus étroite, qui est celle sur laquelle nous nous concentrerons, « le PPP peut se définir comme la collaboration, autour de projets communs, de l’Etat ou de ses démembrements, d’une part, et des entreprises privées, d’autre part. Il s’agit alors uniquement des hypothèses dans lesquelles les entreprises concourent à la réalisation 1 Voir bibliographie. 1 par l’Etat de ses projets avec une plus grande efficacité ». Ce type de PPP est essentiellement mis en œuvre par le biais d’instruments de nature contractuelle. Bien que le terme de PPP ne soit à la mode que depuis quelques années, il recouvre des formes contractuelles de notre système juridique parfois très anciennes, telle la concession. De plus, il est très important de souligner que le PPP regroupe un très large panel de formes contractuelles organisant cette collaboration entre partenaires public et privé : délégations de services publics, marchés publics, conventions d’occupation domaniale telles que les baux emphytéotiques administratifs, ou encore crédit-bail ou vente en l’état futur d’achèvement. L’objet de cet exposé ne sera pas de faire un catalogue de toutes les formes de PPP existantes en droit français, mais plutôt de se concentrer sur l’actualité de cette notion, à savoir l’élaboration en cours par le Gouvernement d’une ordonnance relative aux PPP, dans le cadre de la loi l’habilitant à simplifier le droit, du 2 juillet 2003 (Loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003, habilitant le Gouvernement à simplifier le droit). Qu’est-ce qui a amené à vouloir se doter de nouveaux instruments contractuels de partenariat public-privé ? Quels sont précisément ces nouveaux outils ? Dans un premier temps, nous étudierons ce qui a conduit à cette remise en question du droit français des contrats publics, c’est-à-dire d’une part sa propre rigidification et, d’autre part, la concurrence très forte venue de Grande-Bretagne. Dans un second temps, je tâcherai de vous présenter les nouvelles formules contractuelles élaborées dans une démarche sectorielle tout d’abord, puis dans une perspective globale. 2 I. Une remise en question du droit français des contrats publics A. La complexification et la rigidification du droit français 1. Les frontières entre catégories de contrats : une source d’insécurité juridique Ces frontières sont source d’insécurité pour deux raisons : parce qu’elle sont imprécises et parce qu’elles manquent de souplesse. Les critères permettant de distinguer les deux principales catégories de contrats que sont les délégations de service public (DSP) et les marchés publics (MP) n’ont été précisés que progressivement par la jurisprudence, et cela a alimenté de très nombreux débats doctrinaux. Fondamentalement, il s’agit de savoir ce qui permet de qualifier un contrat de DSP ou de MP, dans la mesure où les procédures de passation ne sont pas les mêmes dans chaque cas. L’éventuelle requalification par le juge d’un MP en DSP, ou inversement, peut conduire, d’une part, à l’annulation de la passation, et contribue, d’autre part, à fragiliser considérablement l’économie du contrat, et par là le partenariat noué entre collectivité publique et entreprise. Pour ne retracer que les principales étapes de ce problème de qualification, je citerai la jurisprudence « Préfet des Bouches du Rhône » de 1996. A l’occasion de cet arrêt (CE, 15 avril 1996, Préfet des Bouches du Rhône, req n° 168325), le Conseil d’Etat a retenu comme critère essentiel de définition d’une DSP le fait que la rémunération du cocontractant soit substantiellement assurée par les résultats de l’exploitation. La loi MURCEF du 11 décembre 2001 (Loi portant mesures d’urgence à caractère économique et financier, JO du 12 déc. 2001, p. 19703) a entériné cette jurisprudence en définissant la DSP comme « un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service ». Ainsi, ce qui permet de qualifier un contrat de DSP est la notion de risque, celui-ci devant peser sur le cocontractant et non sur la collectivité publique. L’appréciation du risque repose essentiellement sur l’évaluation de la part variable de la rémunération du délégataire, qui elle-même réside généralement dans le prix payé par les usagers. A 3 contrario, les MP sont définis à l’article 1 du CMP comme « des contrats conclus à titre onéreux avec des personnes publiques ou privées par les personnes morales de droit public mentionnées à l’article 2, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services ». Le cocontractant est cette fois rémunéré par un prix payé par la collectivité, ne pouvant faire l’objet de fluctuations, si le marché se déroule bien dans les conditions prévues. Ce remodelage de la DSP a conduit notamment à qualifier de MP, et non de DSP, ce qui avait été admis jusqu’alors, les contrats de gérance (CE, Cne de Guilherand-Granges, req. n° 156008). En revanche, les contrats de régie intéressée semblent relever quant à eux de la catégorie des DSP (CE, SMITOM Centre-Ouest-Seine-et-Marnais, req. n° 198147). Toutefois, la notion d’exploitation aux risques et périls du cocontractant est imprécise et difficile à évaluer a priori. Elle relève plutôt d’une appréciation en l’espèce de chaque contrat. Cette incertitude quant à la qualification de tel ou tel contrat n’est évidemment pas de nature à encourager les investisseurs privés. A cette imprécision s’ajoute une rigidification de chacune de ces deux catégories. A l’heure actuelle, on ne peut pas mêler, dans un même contrat, des caractéristiques relevant à la fois des MP et des DSP. En effet, les DSP présentent des limites inhérentes à leur définition même, qui implique de déléguer la gestion d’un service public et non seulement celle d’un bâtiment ou d’un équipement, qui ne sont qu’un moyen de fonctionnement du service public. De plus, il apparaît que la rémunération du délégataire doit être assurée par les usagers et non par la collectivité. Ainsi, cette catégorie paraît inadaptée pour mettre en œuvre certains projets, tels que, par exemple, les shadow tolls. Ce mécanisme de péage virtuel, initié au Royaume-Uni au début des années 1990, consiste à faire concevoir, construire, financer, et exploiter des infrastructures routières et à faire acquitter le péage non par l’usager mais par l’Etat et les collectivités locales. Ce péage est toutefois versé en fonction du trafic réel, grâce à des systèmes de comptage, afin d’y intéresser l’entreprise. 4 Pour ce qui est des MP, ils semblent également peu adaptés au financement privé d’ouvrages publics, du fait essentiellement de deux dispositions du CMP. D’une part, l’article 94 interdit les clauses de paiement différé. Or, c’est précisément ce mode de paiement qui est privilégié dans de nombreux contrats de PPP. D’autre part, l’article 10 du CMP oblige à allotir les MP ayant à la fois pour objet la construction et l’exploitation ou la maintenance. De plus, l’article 10 de la loi MOP (Loi n° 85-704 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée) prévoit que pour la réalisation d’un ouvrage, la mission de maîtrise d’œuvre doit être distincte de celle d’entrepreneur, ce qui empêche un même contrat de porter à la fois sur la conception et sur la construction d’un équipement. Le cas des marchés d’entreprise de travaux publics, tentative avortée d’introduire plus de souplesse en dépassant la rigidité des catégories précédentes, illustre parfaitement cet ensemble « d’incompatibilités ». 2. uploads/S4/ expos-ppp.pdf
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- Publié le Jui 14, 2021
- Catégorie Law / Droit
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