Aktualitäten – April 2015 / Bulletin d'actualités – Avril 2015 Rechtsprechung /

Aktualitäten – April 2015 / Bulletin d'actualités – Avril 2015 Rechtsprechung / Jurisprudence Les conséquences d’une résiliation anticipée du contrat d’entreprise sans fixation d’un délai de grâce Le TF confirme sa jurisprudence sur la relation entre la fin du contrat fondée sur l’art. 366 CO et celle prévue à l’art. 377 CO. Pour faire valoir les droits de l’art. 366 CO, le maître d’ouvrage doit avoir préalablement fixé un délai de grâce, sauf dans les hypothèses de l’art. 108 al. 1 CO. Le défaut de fixation de ce délai a pour conséquence de soumettre la résiliation du contrat à l’art. 377 CO et de donner à l’entrepreneur le droit d’être complètement indemnisé. Das BGer bestätigt seine Rechtsprechung zum Verhältnis zwischen einer Vertragsbeendigung nach Art. 366 OR und einer Beendigung nach Art. 377 OR. Um Rechte gestützt auf Art. 366 OR geltend machen zu können, muss der Bauherr vorgängig eine Nachfrist angesetzt haben, die Fälle von Art. 108 Abs. 1 OR vorbehalten. Wird keine solche Nachfrist angesetzt, fällt die Vertragsauflösung unter Art. 377 OR, und der Unternehmer muss vollständig entschädigt werden. Arrêt du Tribunal fédéral du 02.09.2014 (4A_96/2014) Pascal Pichonnaz, docteur en droit, professeur à l’Université de Fribourg Franz Werro, docteur en droit, professeur à l’Université de Fribourg Les faits Un entrepreneur est chargé des travaux de transformation d’un bâtiment. En raison de très nombreux retards et défauts au cours de la construction, le maître d’ouvrage lui demande de retirer avec effet immédiat tous ses ouvriers du chantier et lui réclame la somme totale de 1'050'073 francs. N’ayant pu obtenir le paiement du solde de sa facture, qui s’élève à 269'746 francs, l’entrepreneur, qui conteste sa responsabilité, obtient l’inscription provisoire d’une hypothèque légale au Registre foncier de Genève. L’entrepreneur actionne le maître d’ouvrage en paiement pour obtenir le solde de ses honoraires. Par demande reconventionnelle, le maître d’ouvrage réclame la somme totale de 1'050'073 francs. Le Tribunal de première instance de Genève (TPI) retient l’existence de nombreux défauts dans la construction de l’ouvrage et rejette entièrement la demande. Il condamne l’entrepreneur à verser au maître d’ouvrage un montant de 484'200 francs plus intérêts. Sur appel, la Cour de justice de Genève annule le jugement, condamne le maître d’ouvrage au paiement des honoraires restants et ordonne l’inscription définitive de l’hypothèque légale. Il retient que le maître n’a pas fixé un délai de grâce à l’entrepreneur, de sorte que la résiliation du contrat tombe sous le coup de l’art. 377 CO. Le TF a été saisi de l’affaire. L’arrêt Le TF considère d’abord qu’en demandant à l’intimée de retirer avec effet immédiat tous les ouvriers du chantier, le maître a opté pour une résiliation anticipée du contrat (CO 366 I). Il ressort des faits que l’exécution des travaux a subi de nombreux retards et que l’ouvrage a été « bâclé ». Pourtant, il estime que le maître n’a pas valablement exercé son droit à la résiliation. En effet, pour pouvoir se départir du contrat de manière anticipée, le maître doit d’abord fixer à l’entrepreneur un délai supplémentaire convenable pour s’exécuter, conformément à l’art. 107 al. 1 CO. Les conditions permettant de se passer de la fixation d’un délai de grâce (CO 108) n’étant selon le TF pas remplies en l’espèce, c’est sans violer le droit fédéral que la Cour cantonale a écarté l’application de l’art. 366 al. 1 CO. La résiliation est donc soumise à l’art. 377 CO (consid. 3.2). Le TF analyse ensuite la question de savoir si le maître d’ouvrage peut reprocher à l’entrepreneur un comportement fautif susceptible de réduire l’indemnité auquel il a le droit sur la base de l’art. 377 CO. Le TF rappelle que la mauvaise exécution ou les retards imputables à l’entrepreneur ne constituent pas des motifs permettant de réduire, voire de supprimer l’indemnité prévue par l’art. 377 CO. En effet, ces éventualités tombent sous le coup de l’art. 366 CO. Le maître aurait dû se prévaloir de cette disposition en respectant les incombances imposées par la loi. Le TF confirme ainsi la décision de la Cour de justice et rejette le recours du maître d’ouvrage. Le commentaire Il ne fait pas de doute qu’on doit distinguer la fin du contrat fondée sur l’art. 366 CO de celle prévue à l’art. 377 CO. Tant que l’ouvrage n’est pas terminé, l’art. 377 CO donne au maître le pouvoir absolu de résilier le contrat (WERRO, La distinction entre le pouvoir et le droit, DC 1991, 66). Ce pouvoir n’est pas subordonné à l’existence de justes motifs (BSK OR I-ZINDEL/PULVER, art. 377 N 9 et n’est pas dépendant d’une éventuelle faute du maître d’ouvrage (ATF 117 II 273, c. 4b, JdT 1992 I 290 et ATF 96 II 192, c. 5). L’art. 377 CO prévoit cependant que le maître doit indemniser de manière complète l’entrepreneur en le mettant dans la situation qui aurait été la sienne si le contrat avait été pleinement exécuté. Le montant de l’indemnité trouve toutefois sa limite maximale dans le prix de l’ouvrage (CR CO I-CHAIX, art. 377 N 12 ; GAUCH, N 548). Par ailleurs, le TF admet aujourd’hui que l'entrepreneur peut se voir opposer une réduction ou une suppression de l'indemnité due en vertu de l'art. 377 CO lorsqu’il a, par son comportement fautif, contribué dans une mesure importante à l'événement qui a poussé le maître à se départir du contrat (TF, 4D_8/2008, c. 3.4.1 ; TF, 4C.393/2006, c. 3.3.3). Une réduction est en revanche exclue lorsque le maître avait la possibilité de résilier le contrat sur la base d’une disposition spécifique, mais qu’il ne le fait pas et résilie le contrat conformément à l’art. 377 CO, et ce, quels que soient les justes motifs invoqués (TF, 4D_8/2008, c. 3.4.1 ; TF, 4C.393/2006, c. 3.3.3). Dans l’arrêt ici commenté, le TF confirme sa jurisprudence selon laquelle la résiliation par le maître d’ouvrage qui ne respecte pas les conditions de l’art. 366 CO, alors qu’elles sont réunies, est soumise à la règle de l’art. 377 CO. Le maître doit entièrement indemniser l’entrepreneur, sans pouvoir lui reprocher son exécution tardive ou défectueuse. Dans le même temps, il va toutefois plus loin en considérant que lorsque le maître d’ouvrage met fin au contrat en invoquant les motifs de l’art. 366 CO, mais qu’il omet de fixer un délai de grâce, la fin du contrat est soumise à l’art. 377 CO, et ce, même si le maître ne le voulait pas. Le maître ne peut dès lors ni réclamer des dommages-intérêts ni même réduire l’indemnité auquel il est tenu sur la base de l’art. 377 CO. Au demeurant, la décision du TF n’emporte guère la conviction. Certes, on comprend bien qu’un maître d’ouvrage qui ne respecte pas les conditions d’application de l’art. 366 CO ne puisse pas valablement se prévaloir des droits que lui offre cette disposition. En revanche, il est douteux qu’il faille pour autant toujours assimiler la résiliation qui intervient alors à celle prévue par l’art. 377 CO, et obliger ainsi le maître à indemniser complètement l’entrepreneur. En l’espèce, les conséquences du non-respect du délai paraissent excessives. En effet, avant la résiliation, le maître d’ouvrage avait déjà reproché à de nombreuses reprises à l’entrepreneur un avancement insuffisant du chantier et divers manquements dans l’exécution des travaux ; une expertise judiciaire avait par la suite confirmé l’existence de défauts importants de l’ouvrage en construction. On peine dès lors à croire que la fixation d’un délai de grâce aurait véritablement changé quelque chose et on ne voit pas pourquoi les juges ont écarté l’application de l’art. 108 CO. Quoi qu’il en soit, les juges auraient dû se demander si la résiliation immédiate ne pouvait pas se fonder sur de justes motifs. La jurisprudence et la doctrine admettent que de justes motifs peuvent réduire voire supprimer le droit de l’entrepreneur à une indemnité complète sur la base de l’art. 377 CO, du moins lorsque ceux-ci ne se confondent pas avec ceux de l’art. 366 CO (TF, 4D_8/2008, c. 3.4.1 ; TF, 4C.393/2006, c. 3.3.3 ; GAUCH, op. cit., N 569 ; CR CO I-CHAIX, art. 377 N 18). Pour être convaincant, l’arrêt aurait dû souligner que ces autres motifs n’étaient pas donnés, malgré le cumul des retards, des défauts et de la perte de confiance légitime du maître. Il paraît excessif de rejeter l’existence de justes motifs dans un tel cas et de condamner sans contrepartie le maître de l’ouvrage à payer complètement un entrepreneur dont l’incompétence avérée avait entraîné de graves défauts de l’ouvrage, au seul motif qu’il n’avait finalement pas fixé un délai de grâce. Aus BR/DC 3/15 / Extraits de BR/DC 3/15 Redaktion/Rédaction: Prof. Dr. Jean-Baptiste Zufferey http://www.unifr.ch/baurecht uploads/S4/ jurisprudence-arret-pichonnaz-werro.pdf

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  • Publié le Sep 04, 2022
  • Catégorie Law / Droit
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