Vincent Ramelot – janvier 2008 © Association de la Ville et des Communes de la
Vincent Ramelot – janvier 2008 © Association de la Ville et des Communes de la Région de Bruxelles-Capitale – www.avcb.be 1 LA POLICE ADMINISTRATIVE ET SES CONTRAINTES INTRODUCTION Les incivilités1, et la lutte que les autorités communales entendent leur opposer, constituent, à plusieurs égards, une véritable bouteille à encre. D’abord parce que le Législateur, pour introduire dans la loi des dispositions permettant à la commune de lutter contre les troubles de l’ordre public (nommés, en 1999, des « dérangements publics » puis, quelques années plus tard, des « incivilités »), dut s’y reprendre à plusieurs reprises : une première fois par la loi du 13 mai 1999 relative aux sanctions administratives dans les communes, une deuxième fois par celle du 17 juin 2004 modifiant la nouvelle loi communale (qu’on ne saurait dissocier de la loi du 7 mai 2004 modifiant la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse et la nouvelle loi communale), une troisième fois enfin2 par la loi du 20 juillet 2005 portant des dispositions diverses3. Ensuite parce qu’on ne compte plus les commentaires, pas toujours élogieux4, qui ont accompagné la mise en place de cette réforme5. Enfin parce qu’à chaque modification légale, tel ou tel acteur de la scène politique s’exclamait « Enfin la commune pourra lutter contre les actes de malpropreté… ». La lutte contre les « incivilités » ne constitue cependant qu’un aspect de ce qu’on appelle la police administrative générale, qui constitue depuis toujours une mission essentielle de la commune. Le présent dossier reprend l’essentiel à savoir sur la mise en œuvre de la police administrative générale par les autorités communales. 1 Encore que ce terme relève davantage du langage journalistique que juridique : le lecteur consciencieux serait bien en peine de trouver la moindre loi ou le moindre arrêté consacrant formellement le mot « incivilité ». 2 Mais nous ne pourrions jurer qu’il s’agit de la dernière… 3 Également appelée, de manière fort évocatrice, « loi de réparation » – cf. T. VAN DEN HENDE, « Le champ d’application et la procédure relative aux amendes administratives communales », in Vigiles, 2005/4, p. 112.. 4 L’auteur de la présente avoue d’ailleurs avoir fait partie des critiques les plus acerbes… 5 Nous citerons, parmi les contribution les plus éclairantes : M. BOES, « De Wet Gemeentelijke Administratieve Sancties », in T. Gem., 2000, 2, pp 115-147 ; id., « Gemeentelijke administratieve sancties anno 2005 », Bb&b, 2005, 3, pp. 242-254 ; S. MEIJLAERS (dir.), « Gemeentelijke administratieve sancties. Hoe overlast aanpakken ? », Bruxelles, VVSG/Politeia, 2001, 108 p. ; C. MOLITOR, « La loi du 13 mai 1999 relative aux sanctions administratives dans les communes et les pouvoirs de police des autorités communales », in Rev. Dr. Comm., mars 2001, pp. 150-173 ; A. COENEN & al., Les amendes administratives, Vanden Broele, Bruges, 2006, 239 p. Vincent Ramelot – janvier 2008 © Association de la Ville et des Communes de la Région de Bruxelles-Capitale – www.avcb.be 2 I. DEFINITION DE LA POLICE ADMINISTRATIVE La police administrative est l’ensemble des pouvoirs accordés par ou en vertu de la loi aux autorités administratives et qui permettent à celles-ci d’imposer, en vue d’assurer l’ordre public, des limites aux droits et libertés des individus6. Il s’agit d’une police essentiellement préventive, qui s’exerce : 1° soit par règlements des autorités administratives7, 2° soit par décisions particulières d’interdiction, d’injonction ou d’autorisation (les mesures de police juridiques de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police – en abrégé LFP), 3° soit par la coercition, pour prévenir ou faire cesser un désordre8. Par opposition à cette police administrative que l’on peut qualifier grossièrement de « préventive », existe la police judiciaire, qualifiée de « répressive », puisqu’elle a pour objet, selon l’article 15 de la LFP, « 1° de rechercher les crimes, les délits et les contraventions, d’en rassembler les preuves, d’en donner connaissance aux autorités compétentes (…) ; 2° de rechercher les personnes dont l’arrestation est prévue par la loi (…) ». A. La police administrative générale 1) Définition - La police administrative générale est le maintien (ou le rétablissement) de l’ordre public, défini à l’article 135, § 2, alinéa 1er, de la Nouvelle loi communale (en abrégé NLC) comme se composant de la sécurité publique, la tranquillité publique, la salubrité publique et la propreté publique. L’article 135, § 2, alinéa 2, NLC donne une série de sept « postes » de police, comprenant chacun des exemples. Les quatre9 composantes de l’ordre public sont : - la sécurité publique, c’est-à-dire l’absence de dangers ou d’entraves à la circulation sur la voie publique ; quelques exemples : illumination, enlèvement des encombrements, démolition ou réparation des immeubles menaçant ruine, interdiction de rien exposer aux fenêtres qui puisse nuire par sa chute, maintien du bon ordre dans les endroits où se tiennent des assemblées, tels que foires, marchés, églises et autres lieux publics, etc. ; - la tranquillité publique, c’est-à-dire le caractère paisible et non excessivement bruyant de la voie publique et de ses abords ; quelques exemples : répression des rixes et disputes accompagnées d’ameutement dans les rues, tumulte excité dans les lieux d’assemblée publique, bruits et attroupements nocturnes troublant le repos des habitants, etc. ; - la propreté publique (… mais doit-elle vraiment être définie ?) ; - la salubrité publique, c’est-à-dire l’absence de maladies contagieuses et la lutte contre la mauvaise hygiène des lieux publics ; quelques exemples : prévenir et mettre fin aux fléaux calamiteux tels qu’épidémies et épizooties, etc. 6 J. Dembour, « Droit administratif », cité par M-A. FLAMME, « Droit administratif », t. II, Bruxelles, Bruylant, 1989, p. 1103. 7 Ou de certaines personnes privées, telles que les ordres professionnels. 8 M-A. FLAMME, op. cit., pp. 1103-1105. 9 Bizarrement, l’article 128 de la loi provinciale charge le gouverneur de province du maintien dans sa province de l’ordre public, « à savoir la tranquillité, la sûreté et la salubrité publiques ». Vincent Ramelot – janvier 2008 © Association de la Ville et des Communes de la Région de Bruxelles-Capitale – www.avcb.be 3 Le trouble (ou la menace de trouble) doivent être publics, ce qui ne signifie pas nécessairement qu’ils doivent se produire sur la voie publique ; il suffit qu’ils se concrétisent ou qu’ils aient des conséquences sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public pour que l’action communale trouve un fondement. En revanche, une menace, même très grave, n’ayant aucune incidence sur la voie publique, n’entre pas dans le champ de la police administrative générale. Exemple : un logement malpropre en intérieur d’îlot, qui ne menace que la santé des habitants ou des visiteurs, sans que les causes ou les conséquences de l’insalubrité se répandent à l’extérieur, ne constitue pas un trouble de l’ordre public et ne devrait pas donner lieu à l’intervention du bourgmestre sur la base de l’article 135, § 2, alinéa 2, NLC. Un arrêt relatif au caractère public du trouble : CE, arrêt n° 139.082 du 11 janvier 2005, Desplanques c/ commune et bourgmestre de Brunehaut (suspension) Les faits : - Un propriétaire a aménagé sans permis d’urbanisme une annexe destinée originellement à servir de buanderie et utilisée actuellement comme cuisine et salle de bain ; - Les fumées émanant du poêle à bois utilisé incommodent des voisins, qui portent plainte ; - La commune intervient d’abord comme médiatrice, puis le bourgmestre intervient comme autorité de police pour faire cesser le trouble. La mesure contestée : l’arrêté de police du bourgmestre ordonnant des mesures visant à restaurer la salubrité et la tranquillité publique. Griefs : (entre autres) violation de l’article 135 de la Nouvelle loi communale ,vu l’absence de caractère public du trouble. « S’il s’agit d’un simple litige de voisinage, la commune dépasse manifestement ses compétences en vertu des articles 133 et 135 de la loi communale puisque les litiges de voisinage ressortent (sic) exclusivement de la compétence du juge de paix sur (la) base des articles 591 et suivants du code judiciaire ; […] la cheminée est située dans sa propriété privée et "les rues, lieux et édifices publics ne sont nullement concernés par les fumées émanant de la cheminée litigieuse" » ; Position du Conseil d’État : un litige de voisinage peut aussi revêtir le caractère d’un trouble de l’ordre public si les circonstances sont réunies. Et le lieu d’origine du trouble n’est pas déterminant dans le caractère du trouble, dès lors que ce trouble est ressenti dans le voisinage – ce qui est attesté par des constats de police. Conséquence : rejet de la demande de suspension. Un autre critère d’appréciation du caractère public du trouble pourrait être trouvé dans le nombre de personnes réellement affectées par le comportement dénoncé. Peut-il y avoir un trouble de l’ordre public si une seule personne est effectivement atteinte ? Le Conseil d’État a eu l’occasion de répondre à cette question, et il l’a fait de manière affirmative. Ce n’est pas le nombre de personnes réellement atteintes qui importe, mais l’effet (même uploads/S4/ police-administrative-contraintes.pdf
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- Publié le Jan 31, 2022
- Catégorie Law / Droit
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