TROISIÈME SECTION AFFAIRE DOS SANTOS CALADO ET AUTRES c. PORTUGAL (Requête no 5

TROISIÈME SECTION AFFAIRE DOS SANTOS CALADO ET AUTRES c. PORTUGAL (Requête no 55997/14 et 3 autres – voir liste en annexe) ARRÊT Art 35 § 1 • Épuisement des voies de recours internes • Nécessité d’introduire un recours devant le Tribunal constitutionnel dans toute affaire soulevant une question tirée d’une inconstitutionnalité ou interprétation normative • Recours constitutionnel ne soulevant aucune question d’inconstitutionnalité sans pertinence pour le calcul du délai de six mois • Nécessité de former une opposition devant un comité de trois juges du Tribunal constitutionnel contre la décision sommaire d’irrecevabilité d’un recours constitutionnel, rendue par un juge unique Art 6 § 1 • Accès à un tribunal • Tribunal constitutionnel ayant fait preuve d’un formalisme excessif en déclarant irrecevables des recours constitutionnels pour non-respect des conditions légales • Irrecevabilité d’un recours, faute pour le requérant d’avoir soulevé une inconstitutionnalité tirée d’une interprétation normative, ne portant pas atteinte à la substance du droit d’accès à un tribunal Art 6 § 1 • Tribunal impartial • Présence du juge ayant rendu la décision d’irrecevabilité attaquée, dans la composition du comité de trois juges du Tribunal constitutionnel • Inapplicabilité des principes de l’impartialité objective, le comité de trois juges n’étant pas une entité à part entière et autonome STRASBOURG 31 mars 2020 Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme. ARRÊT DOS SANTOS CALADO ET AUTRES c. PORTUGAL 1 En l’affaire Dos Santos Calado et autres c. Portugal, La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une Chambre composée de : Paul Lemmens, président, Georgios A. Serghides, Paulo Pinto de Albuquerque, Alena Poláčková, María Elósegui, Gilberto Felici, Erik Wennerström, juges, et de Milan Blaško, greffier de section, Vu : les requêtes (nos 55997/14, 68143/16, 78841/16 et 3706/17) dirigées contre la République portugaise et dont dix-neuf ressortissants de cet État, identifiés à l’annexe au présent arrêt, (« les requérants ») ont saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») aux dates indiquées dans le tableau annexé, les observations des parties, Notant que le 29 mai 2018, les griefs concernant le défaut d’accès au Tribunal constitutionnel et le manque d’impartialité du comité de trois juges du Tribunal constitutionnel ont été communiqués au Gouvernement (concernant les requêtes nos 55997/14 et 68143/16) et les requêtes nos 68143/16, 78841/16 et 3706/17 ont été déclarées irrecevables pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du règlement de la Cour, Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 10 mars 2020, Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date : INTRODUCTION Les requêtes concernent toutes l’irrecevabilité de recours introduits par les requérants devant le Tribunal constitutionnel. Les requêtes nos 55997/14 et 68143/16 concernent aussi un défaut allégué d’impartialité du comité de trois juges du Tribunal constitutionnel. Les requérants se plaignent d’une atteinte à leur droit d’accès à un tribunal garanti par l’article 6 § 1 de la Convention et, s’agissant des requérants des requêtes nos 55997/14 et 68143/16, de leur droit à un procès équitable. EN FAIT 1. La liste des requérants et de leurs représentants se trouve dans le tableau en annexe. 2. Le gouvernement portugais (« le Gouvernement ») a été représenté par son agente, Mme M.F. da Graça Carvalho, procureure générale adjointe. ARRÊT DOS SANTOS CALADO ET AUTRES c. PORTUGAL 2 I. REQUÊTE No 55997/14 (DOS SANTOS CALADO) 3. Par une ordonnance du 26 février 2008, les services de sécurité sociale (« Segurança Social ») firent droit à la demande de retraite anticipée de la requérante de la requête no 55997/14, fixant le montant de sa pension à 4 074,11 euros (EUR) conformément à l’article 101 du décret-loi no 187/2007 du 10 mai 2007 (« le décret-loi no 187/2007 ») prévoyant les limites des pensions de retraite. 4. La requérante contesta le montant de sa pension devant les juridictions administratives, mais elle fut déboutée de ses prétentions par un jugement du tribunal administratif de Lisbonne du 4 mai 2012 confirmé par un arrêt du tribunal central administratif du Sud rendu le 24 janvier 2013. Elle saisit alors la Cour suprême administrative d’un pourvoi en cassation (« revista ») mais celui-ci fut déclaré irrecevable par un arrêt du 12 septembre 2013. A. La décision sommaire du Tribunal constitutionnel du 10 décembre 2013 5. Le 25 septembre 2013, la requérante forma un recours devant le Tribunal constitutionnel. Invoquant l’article 70 § 1 b) de la loi organique sur le Tribunal constitutionnel (« la LOTC »), régie par la loi no 28/82 du 15 novembre 1982 (paragraphe 44 ci-dessous), la requérante sollicitait l’appréciation par le Tribunal constitutionnel de la conformité de l’article 101 du décret-loi no 187/2007 avec les articles 2, 18 §§ 2 et 3 et 112 § 3 de la Constitution (paragraphe 41 ci-dessous) et avec l’article 66 § 2 b) de la loi no 4/2007 du 16 janvier 2007 régissant les bases générales du système de la sécurité sociale (« la LSS ») (paragraphe 55 ci-dessous). Elle indiquait avoir soulevé ces deux questions dans son mémoire introductif d’instance ainsi que dans son mémoire en recours devant le tribunal central administratif du Sud. 6. Par une décision sommaire du 10 décembre 2013, statuant en formation de juge unique, le Tribunal constitutionnel déclara le recours formé par la requérante irrecevable. En ce qui concerne la demande de l’intéressée portant sur la conformité de l’article 101 du décret-loi no 187/2007 avec l’article 66 § 2 b) de la LSS, le Tribunal constitutionnel estima que celle-ci avait fondé son moyen sur l’alinéa b) de l’article 70 § 1 de la LOTC alors qu’elle aurait dû se fonder sur l’alinéa f) de cet article. Les parties pertinentes en l’espèce de la décision sommaire étaient ainsi libellées : « (...) S’agissant de la question de la légalité, l’appelante a fondé son recours uniquement sur la compétence prévue à l’alinéa b) du no 1 de l’article 70, alors que c’est l’alinéa f) du même article qui donne compétence au Tribunal constitutionnel pour connaître de ARRÊT DOS SANTOS CALADO ET AUTRES c. PORTUGAL 3 recours [relatifs à des] décisions ayant appliqué une norme dont l’illégalité a été soulevée parce qu’elle contrarie une décision ayant une valeur renforcée (« valor reforçado ») ; (...) » Quant à la partie du recours relative à la compatibilité de l’article 101 du décret-loi no 187/2007 avec la Constitution, le Tribunal constitutionnel, se référant à un arrêt par lequel il s’était déjà prononcé sur la question, indiqua que cette disposition était bien conforme à la Constitution. Cette décision sommaire fut rendue par le juge rapporteur J.C.M. B. L’arrêt du 12 février 2014 du comité de trois juges du Tribunal constitutionnel 7. Le 6 janvier 2014, la requérante forma une opposition (« reclamação ») contre cette décision devant le comité de trois juges du Tribunal constitutionnel (« conferência »). Dénonçant un excès de formalisme, elle argua qu’elle avait bien précisé dans son mémoire en recours qu’elle souhaitait une appréciation non seulement du caractère conforme ou non à la Constitution de l’article 101 du décret-loi no 187/2007 mais aussi du caractère légal ou non de cette même disposition au regard de la loi fixant les bases de la LSS, laquelle présentait selon elle une valeur renforcée. Elle ajouta avoir indiqué par erreur que cette partie de son recours s’inscrivait dans le cadre de l’alinéa b) de l’article 70 § 1 de la LOTC. Elle estime qu’elle aurait dû être invitée à corriger cette erreur, comme le prévoit selon elle l’article 75-A § 5 de la LOTC. 8. Par un arrêt du 12 février 2014, un comité de trois juges du Tribunal constitutionnel, composé entre autres du juge J.C.M., rejeta la réclamation de la requérante. S’agissant de la partie du recours portant sur le contrôle de la conformité de l’article 101 du décret-loi no 187/2007 avec l’article 66 § 2 b) de la LSS, il considéra que la demande de la requérante était dénuée de fondement étant donné qu’elle avait invoqué l’alinéa b) de l’article 70 § 1 de la LOTC tant pour son moyen tiré du défaut de légalité que pour celui tiré de l’inconstitutionnalité de l’article 101 du décret-loi no 187/2007. Le comité de trois juges estima que, en l’absence d’une omission à proprement parler de la part de la requérante, il n’y avait donc pas lieu d’appliquer l’article 75 § 5 de la LOTC. 9. Le 27 février 2014, la requérante déposa une demande de rectification (« reforma ») de l’arrêt du 12 février 2014, répétant que le fait de ne pas avoir mentionné l’alinéa f) de l’article 70 § 1 de la LOTC était une erreur de frappe au sens de l’article 249 du code civil (paragraphe 54 ci-dessous) et que, selon elle, le fondement du recours portant sur l’illégalité supposée ressortait clairement de son recours. Par conséquent, la requérante considérait que son erreur devait être qualifiée d’omission et que, uploads/S4/affaire-dos-santos-calado-et-autres-c-portugal.pdf

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  • Publié le Fev 07, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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