du Greffier de la Cour CEDH 041 (2020) 30.01.2020 Les autorités françaises doiv

du Greffier de la Cour CEDH 041 (2020) 30.01.2020 Les autorités françaises doivent mettre fin au problème de surpopulation dans les prisons et aux conditions de détention dégradantes Dans son arrêt de chambre1, rendu ce jour dans l’affaire J.M.B. et autres c. France (requête no 9671/15 et 31 autres), la Cour européenne des droits de l’homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu : violation de l’article 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des droits de l’homme, et violation de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), Les trente-deux affaires concernent les mauvaises conditions de détention dans les centres pénitentiaires de Ducos (Martinique), Faa’a Nuutania (Polynésie française), Baie-Mahault (Guadeloupe) ainsi que dans les maisons d’arrêt de Nîmes, Nice et Fresnes, prisons surpeuplées et l’effectivité des recours préventifs permettant aux détenus concernés d’y remédier. La Cour estime que les requérants ont, pour la majorité d’entre eux, disposé d’un espace personnel inférieur à la norme minimale requise de 3 m² pendant l’intégralité de leur détention, situation aggravée par l’absence d’intimité dans l’utilisation des toilettes. Pour les requérants qui ont disposé de plus de 3 m2 d’espace personnel, la Cour considère que les établissements dans lesquels ils ont été ou sont détenus n’offrent pas, de manière générale, des conditions de détention décentes ni une liberté de circulation et des activités hors des cellules suffisantes. La Cour a jugé en outre que les recours préventifs – le référé-liberté et le référé mesures utiles – sont ineffectifs en pratique. La Cour considère que le pouvoir d’injonction du juge administratif a une portée limitée. Malgré une évolution favorable de la jurisprudence, la surpopulation carcérale et la vétusté de certains établissements font obstacle à la possibilité, au moyen de ces recours offerts aux personnes détenues, de faire cesser pleinement et immédiatement des atteintes graves aux droits fondamentaux. Sous l’angle de l’article 46, la Cour constate que les taux d’occupation des prisons concernées révèlent l’existence d’un problème structurel. La Cour recommande à l’État défendeur d’envisager l’adoption de mesures générales visant à supprimer le surpeuplement et à améliorer les conditions matérielles de détention, et établir un recours préventif effectif. Principaux faits Les trente-deux requérants dans cette affaire sont 29 ressortissants français, un ressortissant cap verdien, un ressortissant polonais et un ressortissant marocain nés entre 1945 et 1995. Le Centre pénitentiaire de Ducos, situé à quatorze kilomètres de Fort de France, est le seul établissement pénitentiaire de la Martinique. Au 1er janvier 2015, le taux d’occupation de cet établissement était de 213,7 % en quartier maison d’arrêt et de 124,6 % en quartier centre de détention. Au 1er janvier 2019, il était de 134 % en maison d’arrêt et de 86,1 % en centre de détention. Une première phase de travaux a conduit à la réhabilitation et l’extension de certaines 1 Conformément aux dispositions des articles 43 et 44 de la Convention, cet arrêt de chambre n’est pas définitif. Dans un délai de trois mois à compter de la date de son prononcé, toute partie peut demander le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre de la Cour. En pareil cas, un collège de cinq juges détermine si l’affaire mérite plus ample examen. Si tel est le cas, la Grande Chambre se saisira de l’affaire et rendra un arrêt définitif. Si la demande de renvoi est rejetée, l’arrêt de chambre deviendra définitif à la date de ce rejet. Dès qu’un arrêt devient définitif, il est transmis au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe qui en surveille l’exécution. Des renseignements supplémentaires sur le processus d’exécution sont consultables à l’adresse suivante : http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/execution. 2 zones et à la construction d’un nouveau bâtiment. La capacité d’hébergement du centre a été accrue de 60 %. Une réorganisation des unités sanitaires est prévue. Les requérants se plaignent d’un manque d’espace personnel, celui-ci se réduisant en moyenne à moins de 3 m² par personne. Tous se plaignent de la proximité de la table à manger avec les toilettes, séparées du reste de la cellule par un rideau. Ils dénoncent l’insalubrité des cellules, infestées de rats, cafards, souris et fourmis, de la saleté des toilettes, du manque d’hygiène et d’aération. Certains requérants se plaignent d’un manque de lumière. D’autres craignent un climat de violence. Certains se plaignent de l’absence de soins ou de leur insuffisance. Tous affirment être enfermés entre quinze heures et vingt-deux heures par jour. En juillet 2014, les requérants (à l’exception de deux d’entre eux) saisirent le tribunal administratif de la Martinique d’une action en responsabilité de l’Etat pour obtenir réparation du préjudice subi. Le tribunal administratif retint que les conditions de détention étaient dégradantes au sens de l’article 3 de la Convention et constitutives d’une faute. L’Etat fut condamné à verser aux plaignants des sommes comprises entre 2 880 euros (EUR) et 7 300 EUR en réparation. Le centre de Faa’a-Nuutania en Polynésie française, d’une capacité d’accueil de 119 places, a été construit en 1970 sur l’île de Tahiti. Au 1er septembre 2016, trois mois après que les requérants eurent saisi la Cour, le taux d’occupation du quartier maison d’arrêt était de 143 % et celui du centre de détention de 185,7 %. La construction d’un nouveau centre de détention a été achevée en mars 2017, pour accueillir 410 détenus et désengorger le centre de Faa’a-Nuutania, surpeuplé et matériellement très dégradé. Au moment de l’introduction de leur requête, les requérants partageaient des cellules de 8 à 12 m² avec trois codétenus, sanitaires et ameublement compris. En conséquence, chacun disposait d’un espace personnel de 2 à 3 m² par personne. Tous les requérants dénoncent la présence d’animaux nuisibles dans les cellules et les parties communes du centre. Tous se plaignent de la vétusté des locaux communs et des installations sanitaires, du manque d’hygiène à l’intérieur des cellules, des odeurs, de l’absence d’eau chaude et d’eau potable, des rations insuffisantes de nourriture. Ils dénoncent un climat de tension et de violence. Plusieurs affirment que les délais pour obtenir des soins médicaux sont déraisonnables. Un requérant se plaint que son courrier soit ouvert. Le Gouvernement indique que de nombreuses rénovations ont été mises en œuvre à l’intérieur du centre depuis 2013. Le centre pénitentiaire de Baie-Mahault, dans la périphérie de Pointe-à-Pitre, a été construit en 1996. Sa capacité théorique est de 503 places. En mars 2017, le taux de surpopulation était de 150 %. En janvier 2019, le taux d’occupation de la maison d’arrêt était de 189 % et celui du centre de détention de 89 %. Des travaux sont prévus pour l’année 2020. Le requérant indique qu’il partage sa cellule avec deux codétenus et qu’il dort sur un matelas posé à même le sol, à 80 cm des toilettes. Il dénonce le climat de tension et de violence et se plaint d’avoir été plusieurs fois agressé. La maison d’arrêt de Nîmes, d’une capacité de 192 places, mise en service en 1974, est l’unique établissement pénitentiaire du Gard. Le taux de surpopulation y était de 215 % en février 2015. L’Observatoire international des prisons (OIP) et l’ordre des avocats au barreau de Nîmes initièrent en 2015, un recours en référé-liberté afin de faire cesser les atteintes graves aux libertés fondamentales des détenus. En janvier 2019, le taux de surpopulation était de 205 %. Les requérants se plaignent de la vétusté des cellules qu’ils doivent parfois partager avec des détenus très âgés dont ils doivent s’occuper. Ils se plaignent du bruit et des odeurs, de l’absence de ventilation et d’isolation thermique et du défaut d’hygiène. La maison d’arrêt de Nice a été construite à la fin du XIXe siècle. Le taux de surpopulation y est très élevé et la situation du quartier des femmes a été qualifiée à maintes reprises d’intolérable. Cette maison d’arrêt fait partie du programme immobilier pénitentiaire 2022-2027. Enfin, la maison d’arrêt de Fresnes, d’une capacité de 1320 places, est intégrée au centre pénitentiaire de Fresnes ; elle a été construite en 1898 à la périphérie de Paris dans le Val-de-Marne. Le 1er novembre 2017, son taux de surpopulation était de 195,6 % et au 1er janvier 2019, de 197 %. 3 Le 3 octobre 2016, l’OIP initia devant le tribunal administratif de Melun un recours en référé-liberté afin que soient notamment mises en place des mesures pour stopper la prolifération des nuisibles dans les bâtiments. Les requérants se plaignent d’avoir disposé dans leurs cellules d’un espace personnel inférieur à 3 m² jusqu’à 4 m². Ils indiquent être enfermés dans leurs cellules vingt-deux heures par jour. Ils se plaignent de la médiocrité des repas, du manque d’hygiène dans les cellules infestées de punaises de lit et de cafards et de la présence de rats dans les parties communes. Dénonçant un climat de tension et de violence, tous se plaignent de fouille à nu systématique à l’issue de chaque parloir. Griefs, procédure et composition de la Cour Invoquant les articles 3 (interdiction des traitements inhumains et dégradants), 8 (droit à la vie privée et familiale) et 13 (droit à un recours effectif), les requérants allèguent que leurs conditions de uploads/S4/arret-j-m-b-et-autres-c-france-surpopulation-et-conditions-de-detention-inhumaines-et-degradantes-dans-les-prisons.pdf

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  • Publié le Mar 01, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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