Répertoire de droit pénal et de procédure pénale Section 1re - Mécanisme de rép
Répertoire de droit pénal et de procédure pénale Section 1re - Mécanisme de répartition de la charge de la preuve 13. Innocence et présomption d'innocence. - Comme la doctrine a pu le souligner, il ne faut pas confondre innocence et présomption d'innocence : « L'innocence présumée n'est pas l'innocence » (CONTE, Pour en finir avec une présentation caricaturale de la présomption d'innocence, Gaz. Pal. 1995. 1. Doctr. 22. – V. aussi CONTE et MAISTRE du CHAMBON, Procédure pénale, 4e éd., 2002, Armand Colin, nos 37 s.). En effet, l'innocent n'est soupçonné de rien et n'a donc pas évidemment besoin de se voir octroyer ce statut procédural réglant la charge de la preuve. En revanche, le présumé innocent bénéficie de cette protection parce que, justement, il existe un risque qu'il ne le soit pas (BUREAU, La présomption d'innocence devant le juge civil. Cinq ans d'application de l'article 9-1 du code civil, JCP 1998. I. 166, no 11). 14. Charges pesant sur la personne poursuivie lors des différentes étapes du procès. - La procédure s'étale en deux ou trois étapes selon qu'il existe ou non une phase d'instruction entre l'enquête policière et le jugement. Le passage d'une phase à une autre est justifiée par le fait que des preuves se sont accumulées et rendent vraisemblable la participation de l'individu aux faits dont le juge est saisi. 15. En effet, la garde à vue présuppose l'existence d'« une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner [que la personne] a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement » (C. pr. pén., art. 62-2 , al. 1er. – L. no 2011-392 du 14 avr. 2011) ; la mise en examen par le juge d'instruction suppose l'existence d'« indices graves ou concordants rendant vraisemblable [que les personnes] aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions » (C. pr. pén., art. 80-1 , al. 1er, mod. par L. du 15 juin 2000, art. 19 , préc. [supra, no 6]) ; le juge d'instruction procède, une fois que l'information lui semble terminée, au renvoi de la personne mise en examen devant la juridiction de jugement s'il existe « des charges constitutives d'infraction » (C. pr. pén., art. 176 ). Ces trois étapes marquent bien la fictivité croissante de l'innocence présumée. Mais, ces conclusions factuelles sont sans incidence sur la force de la présomption d'innocence. Il importe peu que les charges pesant sur la personne poursuivie soient de plus en plus lourdes tout au long de la procédure. La présomption d'innocence demeure toujours protégée de la même façon. 16. Il est donc impossible d'affirmer que la présomption d'innocence puisse perdre de sa vigueur au fur et à mesure de l'accumulation des charges à l'encontre de la personne mise en examen puisque cela reviendrait à affirmer que la présomption d'innocence est autre chose qu'une règle probatoire. En effet, peu importe l'accumulation des preuves : si la présomption d'innocence est une règle de répartition de la charge de la preuve et si cette preuve incombe à l'accusation, alors ce principe doit être toujours appliqué, qu'importe la tournure que le procès prend pour la personne poursuivie. 17. Le principe voudrait que la charge de la preuve repose toujours sur le ministère public (V. infra, nos 18 s.), et que celui-ci ait alors la tâche de prouver la réalisation des éléments constitutifs de l'infraction (V. infra, nos 35 s.). Pourtant ce n'est pas toujours le cas : il existe encore aujourd'hui, dans le droit français, des présomptions de culpabilité établies au détriment de la personne poursuivie (V. infra, nos 55 s.). Art. 1er - Principe : preuve à la charge du ministère public 18. La doctrine s'est beaucoup interrogée sur la nature et la spécificité de la présomption d'innocence. En effet, cette règle est propre au procès pénal ou tout du moins à la matière pénale. Elle développe des conséquences qui sont par essence inconnues des procès civil et administratif. La particularité de la présomption d'innocence vient de la répartition différente de la charge de la preuve. En dépit des affirmations très contemporaines sur l'égalité des armes et l'équilibre des droits des parties, la présomption d'innocence rétablit une balance très largement en faveur du ministère public. La personne poursuivie ne sera jamais l'égale de l'accusation. Il est donc nécessaire, au nom de la protection des libertés individuelles et de la garantie des droits fondamentaux des individus, de mettre toutes les preuves à la charge du ministère public. Tel est le principe théorique. Il n'est pas nécessairement parfaitement respecté. 19. Comprendre la présomption d'innocence suppose donc au préalable une connaissance, fût-elle succincte, des spécificités de la procédure pénale au regard du droit processuel (V. infra, nos 20 s.). Il permet par la suite de mieux comprendre les règles relatives à la répartition de la charge de la preuve concrètement réalisées par la loi et la jurisprudence (V. infra, nos 35 s.). § 1er - Spécificité de la procédure pénale 20. Procédure civile. - En procédure civile, l'article 9 du code de procédure civile dispose que chaque partie doit prouver les faits nécessaires au succès de ses prétentions, et se traduit par deux adages : tout d'abord actori incumbit probatio qui prévoit que la preuve incombe au demandeur, et ensuite reus in excipiendo fit actor qui met à la charge du défendeur la preuve de ses moyens de défense (PONSARD, Rapport français, in « La vérité et le droit », Travaux de l'association Henri-Capitant [journées canadiennes], t. XXXVIII, 1987, Economica, p. 673 s.). 21. Contentieux administratif. - En revanche, la procédure administrative est totalement différente, et la question de la charge de la preuve a parfois été posée. Le procès administratif fonctionne en deux temps, et le second temps reconnaîtrait plutôt une « présomption de culpabilité » de l'administration, presque toujours défenderesse. Dans un premier temps, le requérant doit faire naître un doute dans l'esprit du juge, afin que ce dernier puisse penser que la décision de l'administration n'est peut-être pas justifiée. Si ce doute est né, le juge va user de ses pouvoirs d'instruction pour connaître la vérité, détenue par l'administration. C'est là que cette « présomption de culpabilité » de l'administration peut être remarquée. En effet, l'administration pourrait se contenter de dénier les allégations du requérant et exiger de lui qu'il remplisse la preuve ; or c'est elle qui la détient. Le juge, pour compenser le déséquilibre entre les parties, impose la production forcée des éléments retenus par l'administration. Le juge va exiger de l'administration la preuve, en quelque sorte, « de son innocence » quant aux faits qui lui sont imputés. Dans ce but, il va exiger d'elle une participation à la recherche de la vérité, à défaut de quoi les prétentions du requérant seront considérées comme établies. Que l'administration ne veuille ou ne puisse pas participer à la recherche de la vérité matérielle est sans importance : dans les deux cas, elle succombera. 22. Particularité du procès pénal. - La procédure pénale est dominée par trois principes régissant la question : actori incumbit probatio (V. supra, no 20), in dubio pro reo (le doute profite à l'accusé) et la présomption d'innocence. Peuvent-ils être considérés comme ayant chacun une spécificité et traitent-ils tous trois de difficultés différentes ? Ou bien, au contraire, peut-on considérer que la présomption d'innocence fait doublon tant avec la règle in dubio pro reo qu'avec le principe actori incumbit probatio dont elle ne serait que l'expression pénale réitérée ? Si la présomption d'innocence revient à attribuer la charge de la preuve à l'accusation, autrement dit au demandeur, il est impossible de relever une spécificité pénale. La règle est alors celle connue sous l'adage actori incumbit probatio. La présomption d'innocence serait alors inutile. Quant à la règle in dubio pro reo, elle ne paraît pas être spécifique à la matière pénale. Si le juge civil a le moindre doute quant à l'existence, par exemple, de la créance invoquée par le demandeur, il ne tranchera pas en défaveur de la personne assignée en justice et désignée comme étant le débiteur de l'obligation. Il paraît évident que, là aussi, ce qui peut être traduit comme « le doute profite au défendeur » s'applique à l'instance civile, tout comme il profite à l'accusé dans le procès pénal. 23. Si la présomption d'innocence n'est pas synonyme de la règle actori incumbit probatio et corrélativement du principe in dubio pro reo, comment peut-elle être traduite ? Qu'apporte donc la présomption d'innocence qui ne soit déjà connu sous la forme des deux principes précédemment exposés ? La spécificité tient au fait que la personne n'a pas à prouver son innocence, c'est-à-dire n'a pas à prouver la thèse qu'elle avance. Il convient alors de rejeter hors du prétoire pénal la règle reus in excipiendo fit actor. 24. Place de la règle « reus in excipiendo fit actor » dans le procès pénal. - La doctrine s'est interrogée sur la question de savoir si la règle reus in excipiendo fit actor (V. supra, no 20), applicable uploads/S4/document-20200818-061847.pdf
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- Publié le Aoû 02, 2022
- Catégorie Law / Droit
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