1 2 Maroc Le cadre juridique relatif à la condition des étrangers au regard de

1 2 Maroc Le cadre juridique relatif à la condition des étrangers au regard de l’interprétation du juge judiciaire et de l’application du pouvoir exécutif Etude réalisée de septembre à décembre 2008 par : Nadia Khrouz, Adila Ouardi et Hicham Rachidi Avec la précieuse collaboration de Maître El Kalkha Mourad Avec le soutien de : La Cimade, Echanges et partenariats, le Fonds pour les droits humains mondiaux et le Gisti Table des matières PRESENTATION DU CADRE DE L’ETUDE .................................... 4 QUELQUES RAPPELS UTILES.................................................. 5 A. Quelques définitions............................................................................................. 5 B. Quelques notions relatives au système judiciaire marocain ............................................. 7 C. Quelques dates clés de la migration internationale du, et vers le Maroc............................. 8 I. CADRE LEGISLATIF ET REGLEMENTAIRE, EVOLUTION ET LACUNES11 A. Les textes abrogés ..............................................................................................11 B. Les dispositions relatives à la condition des étrangers dans la législation en vigueur. ............12 C. La loi 02-03 : une naissance dans la douleur et sous pression..........................................17 1. Contexte national et politique de voisinage .................................................................................................. 17 2. Dispositions et contenu .............................................................................................................................. 20 3. Des décrets d’application en préparation, cinq ans après la promulgation de la loi.......................................... 24 II. L’APPLICATION DE LA LEGISLATION RELATIVE AUX ETRANGERS PAR LE JUGE ...................................................................26 A. Une jurisprudence difficile à se mettre en place ........................................................26 1. Un chemin vers les juridictions spécialisées long et semé d’obstacles ............................................................ 26 2. Des droits de la défense difficilement respectés ........................................................................................... 26 3. Un arsenal de sanctions administratives mais quel contrôle du juge ?............................................................ 28 4. L’accès à l’information, un obstacle majeur devant l’application de la loi ........................................................ 30 B. Des garanties procédurales limitées .........................................................................31 1. Des délais courts et pas toujours suspensifs ................................................................................................ 31 2. Des procès verbaux souvent bâclés............................................................................................................. 32 3. Le juge des juridictions inférieures …. ......................................................................................................... 33 entre le pire et le meilleur............................................................................................................................... 33 CONCLUSION ...................................................................35 4 Présentation du cadre de l’étude L’idée de mener la présente étude juridique est venue d’un questionnement qui semblerait, de prime abord, simple : étant donné que la loi sur l’entrée et le séjour des étrangers au Maroc, l’immigration et l’émigration irrégulières, dite loi 02/03, est en vigueur depuis le 11 novembre 2003, est-elle appliquée par les tribunaux marocains ? Et si la réponse est positive, quelle interprétation fait le juge des dispositions de cette loi en l’absence de décrets d’application ? Décrets, rappelons-le, supposés uniformiser la lecture et la compréhension de la loi par des juges travaillant dans des juridictions différentes et géographiquement éloignées. Cette étude met le focus, de manière générale, sur la condition des étrangers au Maroc, mais s’arrête tout particulièrement sur celle des migrants d’origine subsaharienne bloqués ou installés au Maroc. En effet, ces dernières années plusieurs ONG ont alerté l’opinion publique nationale et internationale sur les violations des droits des migrants subsahariens en transit ou installés au Maroc, comme conséquence des politiques «de gestion des flux migratoires ». Nous avons voulu analyser, sous l’angle juridique, les mécanismes législatifs, réglementaires et judiciaires mis à la disposition des personnes concernées afin de les prémunir contre les abus de pouvoir d’une administration omnipotente et contre les violations de leurs droits fondamentaux ; droits garantis aussi bien par les textes internationaux que par la loi marocaine. Nous abordons ainsi le cadre juridique relatif à la condition des étrangers (travail, liberté de mouvement et de circulation, protection sociale, code de la nationalité, état civil, statut personnel, commerce, fonction publique et profession libérale, les libertés publiques et les dispositions pénales) avant d’évaluer la pratique devant les juridictions nationales, l’application des dispositions en vigueur par les autorités relevant du pouvoir exécutif et l’appréciation faite par le juge marocain à travers une analyse de la jurisprudence développée par les tribunaux et certains documents officiels émanant des autorités intervenant, de manière directe ou indirecte, dans «la gestion des flux migratoires » au Maroc. Afin de donner au lecteur quelques clés pour une meilleure compréhension du contexte général dans lequel se déroulent l’organisation et la réglementation du séjour des étrangers en général et des migrants subsahariens au Maroc, il nous paraît opportun de revenir sur certaines définitions et sur quelques dates importantes qui ont ponctué le développement des politiques migratoires au Maroc. 5 Quelques rappels utiles A. Quelques définitions Etranger : se dit d'une personne qui ne possède pas la nationalité du pays d’installation. Cet état peut changer au cours de la vie d'un individu puisqu'il peut obtenir la nationalité du pays d’installation. La notion d'étranger ne recouvre pas forcément celle d'immigré puisque l'on peut être étranger sans jamais avoir migré (c'est le cas par exemple des personnes qui sont nées et vivent au Maroc mais qui n'ont pas la nationalité marocaine) ou à l'inverse avoir immigré mais ne pas être étranger (c'est le cas par exemple des personnes qui ont immigré au Maroc puis ont obtenu la nationalité marocaine). La loi 02/03 donne la définition suivante : « On entend par étrangers, au sens de la présente loi, les personnes n’ayant pas la nationalité marocaine, n’ayant pas de nationalité connue, ou dont la nationalité n’a pas pu être déterminée » []]. Migrant : se dit d'une personne qui quitte son pays d'origine pour s'installer dans un pays dont elle n'a pas la nationalité. Le terme « immigré » favorise le point de vue du pays d'accueil, c'est-à-dire le fait de s’installer dans un pays d’accueil tandis que le terme « émigré », le fait de quitter son pays d'origine. Le vocable « migrant » prend en compte l'ensemble du processus migratoire. L'immigration désigne l'entrée, dans un pays, de personnes étrangères qui y viennent pour y séjourner et y travailler. Le mot immigration vient du latin immigrare qui signifie «pénétrer dans ». L'immigration est une migration vue du côté du pays de destination. L’émigration correspond au point de vue du pays de départ, c'est-à-dire le fait de quitter son pays. Elle peut avoir une ou plusieurs raisons : professionnelle et études, politique (réfugié fuyant les persécutions), sécuritaire (réfugié fuyant la guerre), économique (personnes cherchant un meilleur niveau de vie), personnelle (volonté de s'installer dans un pays par goût, par exemple si l'on se reconnaît dans ses valeurs), familiale (volonté de rejoindre le conjoint, l'enfant déjà installé), fiscale (l'installation dans un pays offrant un niveau d'imposition moins élevé), etc. La Déclaration universelle des droits de l’Homme reconnaît dans son article 13 à toute personne « le droit de quitter tout pays, y compris le sien ». L'immigration « illégale » est le fait d'entrer sur un territoire national sans posséder les documents autorisant la venue dans le pays ou lorsque la personne se trouve déjà sur le territoire, de n'avoir pas obtenu de renouvellement de titre de séjour ou d'être sous le coup d'une interdiction de territoire. Un étranger en situation irrégulière (parfois communément surnommé «sans-papier » ou «clandestin ») est une personne présente sur le territoire national d’un autre Etat, tout en étant dépourvu de documents de séjour en règle. Cette situation peut intervenir soit après être entré de manière « irrégulière » sur le territoire, soit en étant resté sur le territoire après expiration de la durée de validité du titre de séjour. Cette situation entraîne, la plupart du temps, l’impossibilité, de droit ou de fait, pour l’étranger de jouir de la plupart des droits économiques, sociaux et culturels, notamment le droit de travailler. 6 L’émigration dite « illégale », bien qu’illégitime au regard du droit international[1], cette notion a fait son apparition dans la législation marocaine, avec l’article 50 de la loi 02/03[2] relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l’émigration et l’immigration irrégulières. « Sans-papiers » : se dit communément d'une personne étrangère qui vit dans un pays sans en avoir obtenu le droit. Cette appellation indique qu'elle n'a pas de papiers l'autorisant à vivre dans ce pays (titre de séjour), mais cela ne signifie pas qu'elle soit dépourvue de papiers d'identité (carte d'identité ou passeport, par exemple). Un « sans-papiers » n'est pas forcément arrivé clandestinement dans le pays d’installation : il peut avoir été autorisé à entrer sur le territoire, mais ne pas avoir obtenu l'autorisation d'y rester. « Clandestin » : se dit d'une personne qui enfreint les règles relatives au droit de séjourner dans un pays dont elle n’a pas la nationalité et se soustrait à la surveillance de l'administration. Très souvent, les sans-papiers ne sont pas clandestins car leur situation est connue de celle-ci (administration). Réfugié : se dit d'une personne à qui un pays accorde une protection internationale, en raison des risques de persécution qu'elle encourt dans son pays d'origine du fait de son appartenance à un groupe ethnique ou social, de sa religion, de sa nationalité ou de ses opinions politiques. Débouté : se dit d'une personne dont la demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée. Elle devient alors un sans-papiers. [1] A lire, Migreurop, « Emigration illégale : une notion à bannir », http://www.migreurop.org/ [2] Article 50 : « Est punie d'une amende de 3000 à 10.000 dirhams et d'un emprisonnement de un mois à six mois, ou de uploads/S4/etude-gadem-janv2009.pdf

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  • Publié le Fev 04, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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