INTRODUCTION Le principe d’impartialité est l’une des clés de voûte du système
INTRODUCTION Le principe d’impartialité est l’une des clés de voûte du système pénal1. Ainsi l’exige l’idéal de justice. Ainsi le réclame la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme dont l’article 6, &1 dispose dans son premier alinéa que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi… ». Cette exigence est également édictée à l’article 14, &1 du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques2. En droit interne c’est l’article préliminaire du Code de procédure pénale introduit par la loi du 15 juin 2000 qui l’évoque au travers du droit à un procès équitable. Tout justiciable a le droit à être jugé sans partialité ; il s’agit là d’un droit primordial qui est une condition sine qua non du système judiciaire tout entier. La Cour européenne des droits de l’homme considère que l’impartialité des juges est la condition même de « la confiance que les tribunaux se doivent d’inspirer aux justiciables dans une société démocratique »3. Il n’est pas surprenant, dès lors, que, dans l’enquête de satisfaction auprès des usagers de la justice, effectuée en 2001 par la Mission française de recherche Droit et Justice4, l’impartialité soit citée comme la principale qualité attendue d’un juge, avant même la compétence et l’honnêteté. L’impartialité est une notion difficile à définir ; elle vise une attitude humaine qui concerne directement l’action du juge au cours du procès qui ne doit pas se montrer partial. Est partial « celui qui prend parti pour ou contre une personne, une chose, un groupe, sans souci de justice ni de vérité, celui qui fait preuve de parti pris ». L’impartialité peut donc être définie comme étant la qualité de celui qui apprécie ou juge une personne, une chose, une idée sans parti pris favorable ou défavorable. Cette notion d’impartialité est étroitement liée à celle d’indépendance ; elles sont rarement évoquées l’une sans l’autre mais nous verrons au cours de nos développements en quoi elles se distinguent. 1 D. ROETS, préface de J. PRADEL, impartialité et justice pénale, Ed Cujas, 1997 2 « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil. » 3 CEDH, 26 octobre 1984, Cubber c/ Belgique et CEDH 1er octobre 1982, Piersack 4 et l’Institut Louis Harris Cette notion fuyante de l’impartialité a donné lieu à une jurisprudence abondante en droit européen, dont une synthèse permet d’approcher le contenu de cette garantie accordée aux justiciables. Il convient de noter d’emblée, que la Cour européenne attache une grande importance à cette garantie : « une interprétation restrictive de l’article 6, &1, notamment quant au respect du principe fondamental de l’impartialité du juge, ne cadrerait pas avec l’objet et le but de cette disposition, vu la place éminente que le droit à un procès équitable occupe dans une société démocratique au sens de la Convention »5. Le principe d’impartialité peut s’apprécier de deux manières et la Cour européenne en a poser les limites dans l’arrêt Piersack c/ Belgique du 1er octobre 1982 (je cite) : « si l’impartialité se définit d’ordinaire par l’absence de préjugé ou de parti pris, elle peut, notamment sous l’angle de l’article 6, &1 de la Convention, s’apprécier de diverses manières. On peut distinguer entre une démarche subjective, essayant de déterminer ce que tel juge pensait en son for intérieur en telle circonstance, et une démarche objective amenant à rechercher s’il offrait des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime ». La Cour européenne adopte donc une terminologie qui n’est pas sans poser de problèmes. L’impartialité objective s’attache aux fonctions exercées par le juge c’est-à-dire au préjugement alors que l’impartialité subjective concerne les éventuels préjugés que pourrait avoir le juge dans une affaire. Si le principe de l’impartialité est un principe général de procédure, applicable à un grand nombre de matière, telles que disciplinaires, civiles… nous nous intéresserons au cours de cet exposé exclusivement à la matière pénale et aux implications que peut avoir un tel principe eu égard à cette matière; sachant qu’il est d’ores et déjà utile de préciser que celui-ci ne bénéficie pas d’un champ d’application absolu en matière pénale, puisqu’il est par exemple exclu pour certains juges, tels que les juges pour enfants ou encore pour le parquet. La procédure pénale française nie en effet toute obligation d’impartialité fonctionnelle et personnelle à l‘égard du parquet. Cette négation se matérialise tout d’abord par la non application à ce dernier du principe de séparation des fonctions. Ainsi, par le possible cumul des fonctions judiciaires, la chambre criminelle a, dans un arrêt du 28 novembre 1945, autorisé qu’un membre du parquet 5 CEDH, 26 octobre 1984, Cubber c/ Belgique & 30 puisse représenté le ministère public à l’audience, alors même qu’il aurait connu de cette affaire en tant que juge d’instruction. De cette absence d’application du principe de séparation des fonctions, en découle également une négation de l’impartialité fonctionnelle en matière de poursuite. En effet, la chambre criminelle considère qu‘en tant qu’autorité de poursuite, le parquet n’est pas tenu par le respect du principe d’impartialité; « il a même nécessairement une idée de la culpabilité de celui qu’il poursuit ». La Cour de Cassation l’a d’ailleurs rappelé, notamment dans un arrêt du 10 décembre 1986 que « le ministère public ne décidant pas du bien fondé de l’accusation en matière pénale, le moyen pris de la partialité éventuelle de ce magistrat est inopérant », puis, toujours dans le même esprit, mais de manière plus marquée, dans un arrêt du 6 décembre 1996 où elle énonce que « la garantie du droit à un tribunal indépendant et impartial ne vise que les juges et non pas le représentant de l’accusation… ». Cette position, en matière d’impartialité fonctionnelle, s’inscrit en totale contradiction avec la CEDH qui a, à plusieurs reprises rappelé que le principe de séparation des fonctions est applicable au parquet. Ainsi, elle a pu imposé le respect de ce principe en refusant, contrairement à la chambre criminelle, la qualité de magistrat à un membre du parquet pour le contrôle de la légalité d’une arrestation ou d’une détention au motif qu’il est susceptible d’exercer des poursuites contre la personne en question. La CEDH prône également le respect par les membres du ministère public de l’impartialité personnelle, prenant ainsi en considération « l’image que la justice est susceptible de renvoyer » d’elle-même. La chambre criminelle considère quant à elle que le parquet n’est tenu à aucune obligation de respecter cette impartialité personnelle, au motif que « le tribunal » entendu au sens de l’article 6 CEDH n’inclus pas le parquet qui est partie au procès. Elle a ainsi validé la participation d’un membre du ministère public au jugement de son filleul dans un arrêt du 6 janvier 1998. Le principe d’impartialité trouve donc essentiellement à s’appliquer à l’égard des juges, sauf exception comme précédemment évoquée. Ceux-ci se voient donc appliquer un certain nombres de règles telles que le principe de séparation des fonctions de poursuite, d’instruction et de jugement, le principe de la collégialité… et de « sanctions » telles que le renvoi, la récusation… visant à garantir le respect de ce principe. On a donc tout un arsenal juridique préventif et répressif tendant au respect de l’application de l’impartialité. Pour autant, lorsque l’on se penche sur l’étude de la jurisprudence française, on s’aperçoit qu’en dépit de cette forte valeur et protection que lui consacre notre droit, la chambre criminelle de la Cour de cassation, par son interprétation particulière des principes, entend en faire une application plus nuancée. A tel point qu’il est aujourd’hui permis de se demander si cette valeur et protection accordée à l’impartialité par notre droit n’est pas finalement que théorique, donnant ainsi en pratique une toute autre mesure et valeur à ce principe, nous conduisant à un moindre respect et corrélativement à un affaiblissement de celui-ci. S’il est vrai qu’une application stricte de ce principe est susceptible de porter atteinte à d’autres principes tels que le droit à être jugé dans un délai raisonnable ou s’avère tout simplement impossible ou tout du moins difficile à mettre en œuvre en France eu égard à un manque de moyens essentiellement humains, il n’en demeure pas moins que la chambre criminelle s’inscrit la plupart du temps en contradiction avec la CEDH qui, après avoir assouplie sa jurisprudence en la matière, reste tout de même beaucoup plus exigeante que la Cour de Cassation. Nous nous attacherons donc à démontrer tout au long de cet exposé qu’en dépit de l’importance tant quantitative que qualitative des principes susceptibles d’assurer le respect de l’impartialité, celle-ci n’a, en droit français, finalement qu’une valeur moindre. Après avoir rappelé et analysé la portée de l’essentiel des règles et « sanctions » uploads/S4/expose-impartialite-juge-penal.pdf
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- Publié le Aoû 23, 2021
- Catégorie Law / Droit
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