Angleterre, 1815 Contraint d'assurer sa descendance, le marquis d'Englemere, co

Angleterre, 1815 Contraint d'assurer sa descendance, le marquis d'Englemere, coqueluche de ces dames, se résigne a prendre femme et jette son dévolu sur la délicieuse et Frivole Clarissa, une richissime débutante. Les fiançailles sont scellées et, lors d'une visite chez sa promise, le marquis rencontre la meilleure amie de celle-ci, Sarah, avec laquelle il noue très vite une relation d'amitié dénuée d'arrière-pensées. Du moins le croit-il - jusqu'à ce que l'annonce du mariage imminent de Sarah l'affecte plus qu'il n'eût fallu. Pourtant, refusant d'admettre l'évidence, il se persuade de n'éprouver pour elle que de l'affection et s'emploie, pour son bonheur affirme-t-il, à la convaincre de renoncer à ses projets matrimoniaux. Hasard ou fatalité, c'est aussi le moment que choisit Clarissa pour rompre... De nouveau libre, le marquis offre alors à Sarah une union de convenance en lui faisant miroiter les avantages d'une fraternelle complicité. La jeune femme accepte contre toute attente - et dès lors, le marquis se retrouve pris à son propre piège. Car comment réussir un mariage de raison avec une femme dont on est, sans vouloir le reconnaître, déraisonnablement épris? LES HISTORIQUES Cet ouvrage a été publié en langue anglaise sous le titre : THE WEDDING GAMBLE Traduction française de CHARLES DUBERNAT A cette époqué... A son insu, le marquis d'Englemere, héros de ce roman, s'éprend de Sarah, une jeune femme érudite et discrète, à l'opposé de sa fiancée Clarissa, frivole et capricieuse. Toutefois, à la décharge de Clarissa, il faut avouer que l'époque — 1815 — n'était guère propice à l'épanouissement des jeunes filles, cantonnées le plus souvent au rôle de bibelot précieux! En témoigne cet article, paru dans Le journal de la famille au XIXe siècle et affirmant "qu'une jeune fille n'a point à participer à la conversation puisqu'elle est à l'âge on l'on a tout à apprendre et rien à enseigner. Donc, puisque son rôle est nul, et nulle son importance, il est souhaitable qu'elle n'ait pas de carte de visite personnelle et inscrive son nom au crayon sur celle de sa mère". Prologue — Ce n'est pas parce qu'une danseuse d'opéra t'a mis le grappin dessus qu'il faut en conclure que toutes les femmes se font entretenir! s'exclama Edmund Stanhope, duc d'Englemere, en posant son panier de pêche sur son épaule. — Ce que tu peux être naïf! répliqua Nicholas en regardant son frère d'un air apitoyé. — Et toi, tu n'es qu'un cynique ! Edmund referma la porte d'un coup de pied et s'élança sur la pelouse saturée de pluie. — C'est possible, marmonna Nicholas en lui emboîtant le pas. Mais j'ai de bonnes raisons. Le soleil perçait les nuages, et changeait en perles les gouttes de pluie suspendues aux branches des arbres. Les deux hommes atteignirent le bord de la pelouse et, tournant le dos à la masse imposante d'Englemere Hall, s'engagèrent dans un sentier tortueux à travers bois. Nicholas marchait avec précaution, enjambant les branches qui jonchaient le sol, souvenir de la violente tempête qui avait fait rage la nuit précédente. — En ce qui concerne cette fille, dit-il, tâche au moins de ne pas la payer plus que ce qu'elle ne vaut quand elle te laissera tomber. — Ce n'est pas son genre, et je te prierai de ne pas lui manquer de respect ! Surpris par la véhémence d'Edmund, Nicholas rattrapa son frère et le dévisagea, vaguement préoccupé. — C'est donc une aristocrate qui t'a tapé dans l'œil? — Oui, et c'est une créature de rêve, Nicholas ! Elle est blonde, elle a les yeux bleus et la pureté d'un ange. Son visage enthousiaste s'assombrit soudain. — Le seul ennui, c'est que son père est entouré d'escrocs. Il passe son temps à jouer, sans jamais gagner. Il sera bientôt sur la paille, et je le soupçonne de vouloir marier Angela au plus offrant. Je vais peut- être devoir l'enlever et m'enfuir avec elle. — Ah? Tu as donc l'intention de l'épouser? — Oui. Figure-toi qu'Angela n'a rien à voir avec ta Lydia. — Quand j'ai connu Lydia, répondit Nicholas, je lui aurais donné le bon Dieu sans confession, moi aussi. Crois-moi, Edmund, tu ne sauras jamais ce qui se trame derrière ce minois enchanteur ! Pardonne-moi, mais tu es encore bien jeune, et tu ne connais pas grand-chose du monde. — J'en ai vu assez pour savoir ce que je veux, répliqua calmement Edmund. Et songe bien que, si je me marie et que j'ai des enfants, tu seras bien soulagé toi aussi ! — Ne va surtout pas te sacrifier pour me sauver la mise ! s'exclama Nicholas avec un sourire un peu forcé. C'est vrai ! Depuis la mort de Lydia, je t'ai laissé t'occuper de la succession. Mais ce n'est pas une raison pour donner dans le panneau la tête la première ! — Il n'en est pas question, protesta Edmund. J'ai longuement réfléchi. Et puis, je suis sûr que tu n'es pas tranquille de savoir qu'il n'y a que moi entre ton titre et le cousin Archibald. — Ne me parle pas de cette canaille ! dit Nicholas en frissonnant. La dernière fois que je l'ai vu, il sentait la lavande à plein nez. Par- dessus le marché, il a essayé de me soutirer de l'argent. J'avoue que je serais bien content d'avoir quelques neveux pour faire reculer Archibald dans l'ordre de succession, même s'ils doivent massacrer ma plus belle paire de bottes avec leurs pieds crottés ! Avant même d'arriver au bout du chemin, ils entendirent le bruit furieux de la Wey gonflée par l'orage. Parvenus sur la berge, ils virent que l'eau blanchie d'écume charriait d'énormes branches et des troncs arrachés en amont. — Mieux vaut ne pas pêcher sur le promontoire, prévint Nicholas en forçant la voix pour dominer le vacarme du fleuve. L'eau a pratiquement déraciné la vieille souche. — Tu deviens prudent avec l'âge ! lança Edmund avec un air de défi. Moi, je ne connais pas de meilleur endroit ! — Comme tu voudras, mais ne m'en veux pas si tu mouilles ta belle culotte ! Nicholas regarda d'un œil moqueur son jeune frère ajuster la hotte d'osier sur ses épaules, et s'approcher prudemment d'une souche déchiquetée qui surplombait le torrent boueux. Après s'y être juché, il se retourna vers son compagnon avec un air de triomphe. A ce moment, un pan entier de la berge s'effondra, emporté par les eaux. Avant même que Nicholas ait pu prévenir son frère, la souche glissa dans le courant, entraînant Edmund avec lui dans l'eau brunâtre. Pendant un moment, le malheureux lutta pour trouver une prise sur le bois visqueux. Il parvint à se débarrasser de son panier, essaya de retrouver son équilibre, mais en vain. La souche chavira, et le projeta au milieu de la rivière. Dès lors, tout alla très vite. Nicholas vit la tête de son jeune frère heurter violemment un rocher qui affleurait à la surface. Le sang jaillit, et Edmund disparut. Pris de panique, Nicholas jeta son attirail de pêche et se précipita vers la berge, enlevant sa veste tout en courant dans la vase glissante. Il commença à ôter ses bottes péniblement l'une après l'autre et jeta un coup d'œil sur la rivière. Edmund n'avait toujours pas refait surface. Soudain, il vit sa tête ensanglantée surgir, puis plonger de nouveau, une vingtaine de mètres en aval. Il arracha sa deuxième botte d'un geste frénétique, et plongea. Au bout de quelques secondes, il émergea, la bouche pleine d'herbes folles, les yeux brouillés par l'eau opaque. Le courant l'entraînait irrésistiblement, le ballottait de pierre en pierre, tandis qu'il luttait désespérément pour rattraper son frère. Enfin, il le vit, presque à portée de main. Mais à ce moment un tourbillon l'emporta dans un mélange de débris, dont il parvint à se dégager au prix d'un effort surhumain. D'une main, il saisit Edmund par les cheveux, et lui tira la tête hors de l'eau. Il laissa le courant les porter jusqu'à une étendue d'eau calme abritée par les rochers, et tira le corps inanimé sur la berge. Epuisé, les poumons envahis par une odeur de fange et de végétation trempée, il tourna la tête d'Edmund sur le côté, et appuya, avec ce qui lui restait d'énergie, sur ses poumons. Un filet d'eau brune s'écoula entre les lèvres d'Edmund. — Allez, Edmund, supplia-t-il, encore un effort ! Inlassablement, il répéta l'opération, pressant la poitrine de son frère, soufflant dans sa bouche pour le ramener à la vie. Il savait déjà que c'était fini, qu'il n'y avait plus d'espoir. Mais il essaya encore, jusqu'à ce que ses mains n'en puissent plus, et que les larmes ne lui montrent plus de son frère qu'un visage boursouflé aux lèvres violacées, souillé par la boue de la rivière. Au bout d'un moment, il se redressa, hébété. Les rayons dorés du soleil faisaient des auréoles au sommet des grands arbres. Il hissa le corps sans vie de son frère sur ses épaules, et l'emporta en titubant vers les tours d'Englemere Hall. Une bourrasque de vent uploads/Geographie/ julia-justiss-un-coeur-en-jeu.pdf

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