CET OUVRAGE EST PUBLIÉ DANS LA COLLECTION « LA COULEUR DES IDÉES » ISBN 978-2-0
CET OUVRAGE EST PUBLIÉ DANS LA COLLECTION « LA COULEUR DES IDÉES » ISBN 978-2-02-122016-2 © Éditions du Seuil, janvier 2015 Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. www.seuil.com Remerciements Ce livre est le fruit d’une enquête menée dans le nord de la Californie durant l’année universitaire 2011-2012. Il doit avant tout aux hackers de la Bay Area qui m’ont accordé confiance, temps et disponibilité. Je les remercie toutes et tous. Cet ouvrage a aussi pu voir le jour grâce à l’accueil dont j’ai pu bénéficier, au titre de professeur invité, au sein du département de sociologie de l’université de Californie à Berkeley et au sein de l’Institute for Research on Labor and Employment de l’université de Californie à Los Angeles. Je remercie Michael Burawoy, Chris Tilly ainsi que la commission Fulbright, sans lesquels ce séjour de recherche n’aurait pas été possible. À Berkeley, Jonah Levy m’a accompagné, conseillé, reçu et dépanné à plusieurs reprises. Alex Barnard m’a servi de guide pour faire connaissance avec le monde touffu des organisations libertaires et anarchistes de l’East Bay. Je les remercie chaleureusement, ainsi que toutes les personnes qui, à un titre ou à un autre, m’ont permis de préciser des intuitions, rectifier des erreurs, explorer de nouvelles pistes et finaliser mon projet. Je pense notamment à mes collègues du Lise (CNRS-Cnam), à Isabelle Berrebi- Hoffmann et Marie-Christine Bureau tout particulièrement avec lesquelles je poursuis l’enquête et la réflexion sur le mouvement faire en France et en Europe. Il va de soi que je porte entièrement la responsabilité des limites du présent travail. Merci aussi à Katy Lafleur pour son aide matérielle tout à fait précieuse. Merci encore à Anne Sastourné pour sa lecture minutieuse de la première version du manuscrit et pour les multiples améliorations dont je lui suis redevable. Merci enfin à Corinne, Sofiane, Justine et Célestin pour leur soutien indéfectible, leurs conseils et pour leur accompagnement outre- Atlantique. « Une société ne peut ni se créer ni se recréer sans, du même coup, créer de l’idéal. Cette création n’est pas pour elle une sorte d’acte surérogatoire par lequel elle se compléterait, une fois formée ; c’est l’acte par lequel elle se fait et se refait périodiquement. Aussi, quand on oppose la société idéale à la société réelle comme deux antagonistes qui nous entraîneraient en des sens contraires, on réalise et on oppose des abstractions. La société idéale n’est pas en dehors de la société réelle ; elle en fait partie. » Émile Durkheim, Les Formes élémentaires de la vie religieuse, Paris, Alcan, 1912, p. 603-604. INTRODUCTION Depuis le milieu de la décennie 2000, une vague déferle sur les États-Unis et sur le reste du monde. Elle emporte avec elle un ensemble multiforme d’individus et de groupes qui se reconnaissent dans une philosophie du travail, celle du « faire » (make), caractérisée par un enthousiasme collectif pour le bidouillage, les activités artisanales, le bricolage… Bien loin du taylorisme d’antan comme de ses succédanés plus récents, elle bouscule nos conceptions habituelles, toujours dominées par la conviction que, au sein de nos sociétés modernes, la pratique productive perd de sa matérialité, crée sans cesse davantage de souffrance, accuse un déficit de valorisation sociale… Ce début de siècle incite à réviser nos jugements. L ’envie de faire est en effet porteuse de nombreuses exigences susceptibles à terme de transformer les pratiques et de reconfigurer notre rapport collectif au travail. L ’entrain ne se réduit pas à une simple revalorisation de l’intelligence dont savent faire preuve les travailleurs de la main1. En découvrant ou en redécouvrant les joies du Do it yourself2, nombreux sont celles et ceux qui, dans la dynamique du mouvement faire, recherchent avant tout des moyens et des espaces d’activité où le travail est à lui-même sa propre fin, sans que quiconque n’impose d’objectifs, de délais, de contraintes… Juste l’envie de faire pour soi. DES HACKERS AUX HACKERSPACES Cette conception du faire doit beaucoup à l’éthique hacker ainsi qu’à l’esprit qui anime les défenseurs du logiciel libre, autrement dit à la volonté de créer et de partager en se défaisant des contraintes imposées par le marché, la rentabilité, le droit de propriété… Loin de se réduire à des pratiques de nature informatique, le faire concerne aujourd’hui toutes sortes d’activités, à l’instar de celles qu’exercent les membres des hackerspaces, espaces collaboratifs auxquels est consacré le présent ouvrage. Incarnation de ce que certains analystes ont pu nommer un « communisme scientifique »3, les hackerspaces proposent à leurs membres un lieu de travail, des formations variées ainsi que du matériel. Les outils mis à disposition vont de la râpe à bois au micro-ordinateur en passant par les imprimantes trois dimensions (3D), les fraiseuses ou les machines à couper au laser. Dans ces communautés de travail innovantes, chacun bénéficie des ressources utiles pour donner libre cours à ses projets, qu’il s’agisse de confectionner de menus objets en plastique ou des robots sophistiqués, de pratiquer la métallurgie artisanale ou de se lancer dans l’électronique de pointe, de programmer à l’aide d’un langage informatique ésotérique, ou encore d’apprendre la cuisine. Pour comprendre ce phénomène nouveau, il faut d’abord noter l’ambiguïté du terme « hacker », substantif qui est trop souvent et trop exclusivement associé aux pirates de la programmation qui agissent dans l’illégalité la plus complète pour pénétrer des réseaux privés, piller des informations ou mettre à sac des systèmes informatiques. L ’examen de quelques faits marquants montre que, même en se restreignant à la population des spécialistes du codage, le hacking n’est en réalité ni un fait social marginal ni une pratique qui appelle nécessairement l’opprobre que, à la hâte, certains sont régulièrement tentés de lui jeter. La preuve en est donnée par le Chaos Computer Club (CCC4), hackerspace le plus renommé à l’échelle de la planète. Regroupement historique de jeunes gens passionnés d’informatique, le CCC voit le jour à Berlin le 12 septembre 1981, dans les locaux du quotidien Tageszeitung pour être tout à fait exact. Trois ans plus tard, le groupe gagne en reconnaissance avec la publication de son magazine Die Datenschleuder et l’organisation du premier Chaos Communication Congress. Depuis 1995, le CCC anime également une émission de radio de deux heures tous les derniers jeudis soir de chaque mois (Chaosradio Postcast). En 2011, le CCC, qui a statut d’association, rassemble plus de trois mille cinq cents personnes et son magazine compte près de mille lecteurs5. Deux ans plus tard, le nombre d’adhérents dépasse la barre des quatre mille cinq cents, toutes organisations locales du CCC confondues (Berlin, Hambourg, Munich, Cologne, Darmstadt… soit vingt-six clubs au total). Le CCC se fait connaître du grand public dès le début des années 1980. En 1984, en manipulant le Bildschirmtext (l’équivalent allemand du Minitel français), plusieurs membres du hackerspace s’insinuent dans le système informatique de la caisse d’épargne de Hambourg et mettent à mal le réseau BTX que ses responsables vantaient pour sa fiabilité absolue. Pour donner de l’éclat à leur action, les hackers prélèvent 134 000 Deutsche Marks qu’ils s’empressent de rendre le lendemain. En une période où, en Allemagne, on discute des techniques de recensement, la population est particulièrement sensible aux risques d’intrusion des autorités politiques dans la vie privée de chacun. L ’action du CCC ne pouvait manquer en conséquence de marquer les esprits et de faire prendre conscience de la fragilité des réseaux d’informations. Les hackers allemands occupent à nouveau le devant de la scène médiatique à de nombreuses reprises. À la fin des années 1980, par exemple, certains d’entre eux défraient la chronique en brouillant, à coup de cyberespionnage, le jeu des relations complexes entre les États-Unis et l’Union soviétique. Trois décennies plus tard, qu’ils soient d’Allemagne ou d’ailleurs, les hackers sont plus présents que jamais. Pleinement acteurs de leur époque, ils épousent des causes aux rayonnements internationaux. À l’occasion du « Printemps arabe », certains mettent leurs compétences au service des révolutions qui renversent les vieux régimes autoritaires. Ils sont aussi en première ligne pour contester la fermeture de sites d’échange d’informations comme Megaupload, ou encore pour lutter contre des lois qu’ils jugent liberticides. Les hackers font ainsi plier la Chambre américaine des représentants qui souhaitait, grâce au projet de loi « Sopa » (Stop Online Piracy Act), réguler plus étroitement les usages d’Internet. Un an plus tard à peine, en 2012, Edward Snowden acquiert une célébrité comparable à celle de Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, en révélant publiquement les pratiques de surveillance et d’espionnage dont se rend coupable la National Security Agency (NSA), l’agence nationale de sécurité américaine. Ces faits d’arme, que l’on peut attribuer à des héros solitaires, à des réseaux aux frontières mouvantes ou à des groupes à peine plus institutionnalisés (Anonymous, Telecomix…), n’ont pas uploads/Geographie/ lage-du-faire-by-michel-lallement.pdf
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- Publié le Mar 23, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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