Maisonneuve & Larose Écriture et commerce dans le Sahara précolonial Author(s):
Maisonneuve & Larose Écriture et commerce dans le Sahara précolonial Author(s): Houari Touati Source: Studia Islamica, Vol. 107, No. 1 (2012), pp. 122-131 Published by: Maisonneuve & Larose Stable URL: http://www.jstor.org/stable/43577516 Accessed: 30-05-2016 17:57 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://about.jstor.org/terms JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Brill, Maisonneuve & Larose are collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Studia Islamica This content downloaded from 41.141.116.151 on Mon, 30 May 2016 17:57:53 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms iii '«i» BRILL Studia Islamica 10/ (2012 ) 122-131 brill.com/si Débats, Notes et Commentaires/ Debates, Notes and Commentaries Écriture et commerce dans le Sahara précolonial Houari Touati EHESS, Paris, France Ainsi que l'indique le titre de son ouvrage1, Ghislaine Lydon embrasse dans son analyse trois domaines ďétude relevant de spécialités différentes : l'his- toire économique, l'histoire juridique et l'histoire culturelle. La caravane se prête à cette triple articulation dans la mesure où elle opère non seulement comme une institution économique mais aussi comme une institution sociale - c'est une véritable cité ambulante - et comme une institution culturelle. À ce titre, elle illustre - de façon inattendue - cette catégorie de phénomènes sociaux dont Marcel Mauss dit qu'ils constituent des faits totaux. L'approcher autrement que comme une unité de significations complexes serait en effet dommageable à son intelligence. En raison de mes préoccupations de recherche actuelles, certains aspects de l'ouvrage ont plus que d'autres retenu mon attention. Ils concernent la literacy dont Lydon fait un élément-clé de sa compréhension du fonction- nement de la caravane. L'écriture y est présente aussi bien en sa forme tra- ditionnelle de « commercial literacy » que sous celle d'une culture savante, à prédominance juridique. Comment la caravane a-t-elle rendu possibles l'une et l'autre ? De quelles manières ces deux cultures de l'écrit se sont- elles imbriquées ? Quels effets l'une et de l'autre ont-elles eus sur les modes 1 Ce texte dont la publication est retardée par les aléas de l'édition reprend l'exposé fait à la conférence-débat organisée par Camille Lefebvre, le 4 avril 2010, au centre Malher (Paris), autour de l'ouvrage de Ghislaine Lydon : On Trans-Saharan Trails : Islamic Law, Trade Networks and Cross-Cultural Exchange in Nineteenth- Century Western Africa, Cambridge UP, 2009, en présence de l'auteur. DOI: 10.1163/19585705-12341238 This content downloaded from 41.141.116.151 on Mon, 30 May 2016 17:57:53 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms H. Touati / Studia Islamica 107 (2012 ) 122-131 123 de communication et de cognition sahariens à l'époque précoloniale ? Ces questions forment avec celles relevant de l'échange économique l'ossature de l'ouvrage. Un objet en particulier fait le lien entre la sphère marchande et la sphère culturelle-intellectuelle, selon qu'il est étudié en tant que mar- chandise ou qu'il est appréhendé en tant que support de la connaissance : il s'agit du livre qui, rappelons-le, se distingue de toute autre forme d'écrit par sa fonction de modèle graphico-discursif de production et d'organisa- tion d'énoncés textualisés dans des formes matérielles et culturelles aux contours historiquement déterminés. 1. Commerce du papier et industrie du cuir a) Si les livres étaient chers, le papier qui entrait dans leur fabrication l'était autant. En Afrique de l'Ouest, le papier était d'autant plus rare d'utilisation qu'il n'était pas fabriqué localement. Les Almorávides sont certainement les introducteurs dans la région du papier de qualité qui était produit à Fès en quantité considérable. Mais il y arrivait aussi de la ville andalouse de Xatiba, au XIIIe siècle, avant que le papier produit dans le sud de la France et en Italie ne supplante l'industrie papetière d'Occident musulman d'Orient. Amalfi, Venise, Gênes et Marseille deviennent alors les ports les plus actifs dans l'exportation de papier en Afrique du Nord, à partir des ports de Ceuta et Tanger mais également du Caire. Et de là, il trouvait écoulement à l'intérieur du continent. Au XVIIIe siècle, un nouveau venu dans le com- merce mondial de papier fait son apparition : l'Angleterre. Le papier était devenu un ingrédient indispensable de tout processus industriel et com- mercial. Dans les années 1870, l'Angleterre, la France et l'Italie ont la main- mise sur la production et l'exportation de papier à écriture aux quatre coins du monde. Longtemps après que le papier fut acheminé vers l'Afrique de l'Ouest uniquement à travers les caravanes du Désert, au XIXe siècle, c'est aussi par voie de navigation maritime qu'il y parvient à travers le Sénégal et la Gambie où il est introduit dans le reste de l'Afrique de l'ouest par voie fluviale par des intermédiaires commerciaux français et britanniques2. 2 Sur cette question de la circulation du papier, voir l'excellent T. Walz, « The Paper Trade in Egypt and the Sudan in the Eighteenth and Nineteenth Centuries and its Report to Bílâd as-Sudân », in G. Krätli & G. Lydon, The Trans-Saharan Book This content downloaded from 41.141.116.151 on Mon, 30 May 2016 17:57:53 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms 124 H. Touati /Studia Islamica 107 (2012 ) 122-131 En retour, l'Afrique entre dans la production internationale du papier : grâce à des entreprises comme celle du leader des Qâdiriyya, Shaykh Sidiyya al-Kabîr, qui a incité ses affidés et ses esclaves à produire de la gomme, cette même gomme arabe qui a servi en Europe de solvant dans l'industrie de l'imprimé et d'adhésif dans la fabrique des reliures de livres. Bien qu'elle soit utilisée localement dans des préparations médicale et culinaires, la gomme est devenue l'un des principaux produits destinés à l'exportation vers l'Europe où elle a trouvé emploi, en dehors de l'industrie du livre, dans les textiles et les cosmétiques. La France, la Grande-Bretagne et la Hollande en sont les principaux pays importateurs. Pour en contrôler le marché, Français et Britanniques se sont livré une « guerre de la gomme » (P- »35)- b) Les cuirs de l'Afrique de l'Ouest sont recherchés depuis le haut Moyen Âge. La technique de l'apprêt du cuir y est probablement arrivée du Maghreb et d'al-Andalus. Au Xe siècle, Cordoue fabrique les belles reliures des livres d'Europe et de l'Occident musulman. Au XVIe siècle, Sokoto et Kano possèdent le plus riche artisanat du cuir de l'Afrique de l'Ouest : «There, a sophisticated industrial procedure involving timed soaking, scudding, tanning, drying, and dyeing (with unie organic colors found locally) produced fine and firm tanned leather that long was the standard against which later western European tanning industry measured quality » (p. m). Peaux et cuirs appartiennent au commerce transsaharien, ainsi que l'indigo et les cotonnades bleues provenant des mêmes régions de fabrica- tion. Ils arrivent en Europe via le Maroc. Ce qui les fait estampiller « morocco leather », en anglais, et « maroquinerie », en français. Le Sahara qui produit ses cuirs les utilise par ailleurs pour les reliures des manuscrits. Ces reliures sont reconnaissables aux motifs de leur décoration aux couleurs vives, comme le rouge, le jaune, le vert et le bleu indigo. A Tîshît par exemple, ce sont les femmes des forgerons (ma'alimât) qui commandent « the craft of creating strapped leather boxes to protect manuscript folios ». En raison de l'extraordinaire croissance du marché mondial du livre au XIXe siècle, la demande en cuir tanné a considérablement augmenté. Elle est précédée et accompagnée par la révolution de l'imprimé dont les effets se font res- sentir partout à travers le monde. À partir des années 1870, lettrés et mar- chands sahariens ont commencé d'importer des livres imprimés de manière Trade: Manuscript Culture, Arabie Literacy and Intellectual History in Muslim Africa, E J. Brill, Leiden, 2011, p. 73-108. This content downloaded from 41.141.116.151 on Mon, 30 May 2016 17:57:53 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms H. Touati / Studia Islamica 107 (2012 ) 122-131 125 de plus en plus régulière du Maroc en particulier après que ce pays eut développé l'édition lithographiée3. 2. Literacy Un commerce aussi important n'a pas pu se passer de l'écriture, au contraire. Il a donné naissance à une « commercial literacy4 » au XIXe siècle saharien dont le développement est lié, selon l'auteur, à deux facteurs : disponibilité de plus en plus grande du papier, d'un côté, élargissement croissant de la literacy arabe touchant proportionnellement plus de marchands (qui se mettent davantage que dans le passé à enregistrer par écrit leurs transac- tions commerciales), de l'autre côté. Cela correspond à une nouvelle conjoncture économique qui a vu le commerce transsaharien s'accroître en volume et en valeur5. Or cette conjoncture correspond également à l'expé- rimentation en Afrique de l'Ouest d'un véritable « boom » dans la produc- tion du savoir islamique. Cela correspond à l'entrée dans la sphère marchande de nombre de lettrés qui, pour financer leurs activités intellec- tuelles et religieuses, se mettent à commercer. La caravane uploads/Geographie/ touati-ecriture-et-commerce-dans-le-sahara-precolonial.pdf
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- Publié le Jan 27, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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