« La Force des Idées » Collection dirigée par François Azouvi Document de couve
« La Force des Idées » Collection dirigée par François Azouvi Document de couverture : l’Usine (1918) par Fernand Léger. © S.P.A.D.E.M., 1987. Ph : G Purcell, MNAM, Centre Georges Pompidou, Paris. © Hachette, 1988. JACQUES ELLUL LE BLUFF TECHNOLOGIQUE HACHETTE Du même auteur L’Homme et l’Argent, Delachaux, 1954, rééd. en livre de poche. La Technique ou l’Enjeu du siècle, Armand Colin, 1954. Histoire des Institutions, 5 volumes, P.U.F., 1955. Histoire de la propagande, P.U.F., 1967. Autopsie de la Révolution, Calmann-Lévy, 1969. L’Impossible prière, Le Centurion, ¡971. Jeunesse délinquante. Mercure de France, 1971, rééd. AREFPI, 1984. Contre les violents, Le Centurion, 1972. De la Révolution aux révoltes, Calmann-Lévy, 1972. Éthique de la Liberté, 2 tomes, Labor et Fides, 1975. Trahison de l’Occident, Calmann-Lévy, 1975. Le Système technicien, Calmann-Lévy, 1977. L’Idéologie marxiste chrétienne, Le Centurion, 1979. L’Empire du Non-Sens : l’Art et la Société technicienne, P.U.F., 1980. La Foi au prix du doute, Hachette, 1980. À temps et à contretemps, Le Centurion, 1981. La Parole humiliée. Le Seuil, 1981. Changer de Révolution : l’inéluctable prolétariat, Le Seuil, 1982. La Subversion du christianisme, Le Seuil, 1983. Les Combats de la liberté, Le Centurion, 1984. Conférences sur l’Apocalypse de Jean, AREFPI, 1985. Un chrétien pour Israël, Le Rocher, 1986. La Raison d’être, commentaire de l’Ecclésiaste, Le Seuil, 1987. Ce que je crois, Grasset, 1987. Avertissement Il est bien possible que, à la vue de ce titre, le passant s’exclame : « Encore un livre sur la technologie ! » Il n’aurait pas tort. Lorsqu’en 1950 j’avais achevé la rédaction de mon étude globale de la société technicienne (je lui avais donné ce titre, mais lorsque le manuscrit fut entre les mains d’un éditeur, un des sociologues de l’époque, qui faisait autorité, avait mis l’embargo, en déclarant que lui était en train de préparer un livre sur la société technicienne, et qu’il se réservait ce titre. Mon livre est donc devenu : La Technique ou l’Enjeu du siècle. L’autre ouvrage de cet auteur n’a jamais paru). Donc en 1950, quand je présentai ce manuscrit à deux grandes maisons d’édition, il me fut rapidement retourné, avec une réponse semblable : « La technique ? Mais qu’est-ce que c’est que ça, comme sujet de livre, qui voulez-vous voir s’intéresser à un sujet qui n’en est pas un… » Il y avait en effet à l’époque, d’une part des études sur le machinisme industriel (dont le modèle est l’ouvrage de Friedmann), d’autre part des ouvrages littéraires sur notre société, qui comportaient des allusions à la technique, comme Les Scènes de la vie future, de G. Duhamel, injustement oublié. Et enfin, parfois, des ouvrages de science-fiction (d’un niveau un peu plus élevé que les affreux et stupides livres ou films actuels dits de science-fiction, aussi vulgaires que mensongers), ainsi Le Meilleur des mondes de Huxley. Mais sur la technique elle-même et la société en train de s’y assimiler, rien. Il a fallu l’influence de M. Duverger pour que ce livre sur la technique puisse, au bout de trois ans, paraître chez un quatrième éditeur. Aujourd’hui, la roue a tourné, et les ouvrages sur ce thème se multiplient avec surabondance. Il n’est pas de semaine sans que paraisse en France un livre sur ces questions. Parmi eux, je distinguerai trois catégories : d’abord ceux qui concernent la technique elle-même dans sa présence concrète et spécialisée, ouvrages descriptifs, de vulgarisation, en général d’un bon niveau, sur l’ordinateur, le laser, etc., avec fréquemment l’étude de leur application spécifique (l’ordinateur à l’école, l’ordinateur dans l’administration, etc.). Une seconde catégorie beaucoup plus floue est en réalité composée d’essais concernant la société moderne, soumise à l’impact des techniques et de la rapidité de leur évolution (société de consommation, société de gaspillage, société informatisée) avec à la limite une dominante de la technique sur la société, celle-ci étant tellement transformée qu’elle devient une « société de réseaux » (et non plus de groupes) ; nous y reviendrons. Enfin la troisième catégorie de livres émane de philosophes. La technique est devenue un thème philosophique de premier plan, depuis Heidegger et Habermas ! Nombreux sont les philosophes qui essaient soit de comprendre le phénomène technique (par exemple la thèse de D. Cérézuelle, les livres de Janicaud, Neyrinck, Hottois), soit de discerner les caractères particuliers de notre monde influencé par la technique (par exemple Baudrillard, Morin, Brun, etc.). Et je ne parle que des livres en langue française ! Ainsi un livre de plus comme celui-ci ne semble a priori rien apporter de bien nouveau. Et pourtant je voyais encore des réalités importantes qui n’avaient pas été mises en lumière. Ce livre n’a rien de répétitif par rapport à L’Enjeu du siècle et au Système technicien. Mais, évidemment, il part des conclusions auxquelles j’étais arrivé, des phénomènes que j’avais mis au jour. Car je n’ai rien à changer à mes deux livres précédents : un sociologue américain me disait il y a quelques semaines que L’Enjeu du siècle était d’une « formidable actualité ». Et, sans aucune modestie, je peux dire en effet que les événements sociaux, économiques et techniques, ont entièrement confirmé ce que je disais il y a plus de trente ans sur la technique. Je n’ai rien à corriger, à rectifier. Ces analyses sont généralement ignorées en France. Il se passe ici un phénomène, hélas, fréquent. Celui des étiquettes. Lorsque L’Enjeu du siècle a paru, il fut qualifié d’antitechnique, d’hostile au progrès, en un mot de réactionnaire. À partir de là, il n’était plus la peine de lire mes autres livres : on savait d’avance ce qu’ils devaient contenir : un nouveau discours contre la technique. C’est ainsi que, dans le monde protestant principalement, on ignore essentiellement ce que j’ai écrit dans ces domaines, l’étiquette suffit pour la connaissance du produit. Toutefois, en en ignorant l’origine, nombreux sont ceux, depuis dix ans, qui utilisent mes analyses et mes conclusions qui sont souvent passées dans les discours habituels (par exemple sur la neutralité de la technique, ou sur le caractère inéluctable et insaisissable par l’homme de son développement ou son universalité). Mais, explicitement, l’étiquette subsiste : elle résulte, alors que je n’ai jamais été « antitechnicien » (j’ai même pas mal écrit là-dessus pour dire que c’était absurde et, de même, que je ne souhaitais en rien un retour au Moyen Âge !), de ce que la rigueur de mon analyse a donné au lecteur, qui avait une vue sereine et accidentelle de la technique, l’impression de se trouver en présence d’un monde inouï, très agressif, très contraignant… donc celui qui a montré cela devait être ennemi de cette technique pour la décrire ainsi. On préférait assurément le langage berceur de la publicité selon lequel la technique est productrice de liberté. Un petit exemple récent de ce jeu de l’étiquette, avec double contresens, nous est fourni par le livre de A. Bressand et C. Distler (1) qui déclarent que « les esprits les plus opposés à la technologie expriment aujourd’hui un réexamen. Ainsi de Jacques Ellul qui en venait récemment à accorder à la technique le bénéfice de l’ambivalence ». Une première erreur : l’ambivalence de la technique, c’est en 1960 que je l’ai analysée pour la première fois. Et cela n’a rien à voir avec la reconnaissance que la technique apporte des produits extrêmement satisfaisants, utiles, ce que je n’ai jamais nié. Le premier contresens provenait de cette qualification : « d’opposé à la technique ». Ceci est aussi absurde que de dire que je suis opposé à une avalanche de neige, ou à un cancer. C’est enfantin de dire que l’on est « contre la technique » ! Le second contresens de ces deux auteurs est le suivant : ils citent un passage de Changer de Révolution. Mais ce livre a très généralement été compris tout de travers. On a dit que j’avais changé d’opinion au sujet de la technique parce que je disais, par exemple, que certaines techniques nouvelles pouvaient servir à un effort de décentralisation et qu’elles étaient créatrices de temps libre. Mais je n’ai jamais dit le contraire ! Le malheur, c’est qu’ici on oublie la moitié de ma démonstration : certaines techniques peuvent éventuellement avoir ces effets positifs, si, en même temps, se produit une double mutation dans la société : l’accès au pouvoir d’un socialisme révolutionnaire de la liberté (qui n’a rien à faire ni avec le P.S. ni avec le communisme, il faudrait revenir aux idées de Proudhon, de Bakounine, prendre au sérieux celles de Castoriadis), et puis un bouleversement économico-social fondamental (suppression du salaire, économie de distribution, etc.). Tout cela est rendu possible (alors qu’auparavant c’était impensable par défaut de moyens d’application) par ces nouvelles techniques, mais bien entendu, celles-ci n’entraînent par elles-mêmes aucune modification allant dans ce sens. En écrivant cela, je n’ai rien réexaminé du tout de mes anciennes analyses de la société technicienne. J’ai simplement indiqué qu’il pouvait y avoir une mutation s’il y avait conjonction entre quelques techniques-moyens, et un changement à cent quatre-vingts degrés du politico-économique. J’indiquais aussi que le temps pour uploads/Histoire/ bluff-technologique-le-jacques-ellul.pdf
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- Publié le Aoû 22, 2022
- Catégorie History / Histoire
- Langue French
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