Georges Didi-Huberman Devant le temps Histoire de l’art et anachronisme des ima

Georges Didi-Huberman Devant le temps Histoire de l’art et anachronisme des images Collection « Critique », 288 pages, 24 illustrations in texte 2000 22,11 € ISBN : 2.7073.1726.8 GENCOD : 9782707317261 Mettre le temps au centre de toute pensée de l’image : nous sommes devant l’image comme devant du temps – car dans l’image c’est bien du temps qui nous regarde. Quel genre de temps ? Durée ou instantanéité ? Continuité ou discontinuité ? Écoulement ou écroulement ? Généalogie ou nouveauté ? Les questions sont multiples. Ce livre tente de les reformuler, dans toute l’ampleur des débats qui conditionnent, aujourd’hui encore, notre approche des images : depuis l’antique fondation d’une histoire de l’art chez Pline l’Ancien jusqu’aux plus récents débats sur l’art contemporain. Au cœur de ces dilemmes surgit une position dialectique qu’incarnent spécialement quelques penseurs non académiques des années vingt et trente, spécialement Walter Benjamin et Carl Einstein. Leur travail théorique est ici relu comme une pensée de l’anachronisme : les images ne sont ni les purs fétiches intemporels que prône l’esthétique classique, ni les simples chroniques figuratives que prône l’histoire de l’art positiviste. Elles sont des montages de temporalités différentes, des symptômes déchirant le cours normal des choses. Quand l’image survient, l’histoire se “ démonte ”, dans tous les sens du mot. Mais alors, le temps se montre, il s’ouvre dans toute sa complexité, dans son montage de rythmes hétérogènes formant anachronismes. Façon de repenser, dans l’image, les rapports de notre Maintenant avec l’Autrefois. Façon de critiquer une certaine conception de l’histoire en proposant, via l’anachronisme – cette part maudite de l’historien – un nouveau modèle de temporalité. Façon de mettre l’image au centre de toute pensée du temps. ----- Table des matières ----- Ouverture L’histoire de l’art comme discipline anachronique Devant l’image : devant le temps. Paradoxe et part maudite. Il n’y a d’histoire qu’anachronique : le montage. Il n’y a d’histoire que d’anachronismes : le symptôme. Constellation de l’anachronisme : l’histoire de l’art devant notre temps. I. Archéologie de l’anachronisme 1. L’image-matrice. Histoire de l’art et généalogie de la ressemblance L’histoire de l’art commence toujours deux fois. Pline l’Ancien : « La ressemblance est morte. » Empreintes du visage, empreintes de la loi. Ressemblance par génération et ressemblance par permutation. L’origine comme tourbillon. 2. L’image-malice. Histoire de l’art et casse-tête du temps L’histoire de l’art est toujours à recommencer. Walter Benjamin, archéologue et chiffonnier de la mémoire. L’image survient : l’histoire se démonte. Connaissance par le montage. Kaléidoscope et casse-tête : « Le temps s’élance comme un bretzel... » II. Modernité de l’anachronisme 3. L’image-combat. Inactualité, expérience critique, modernité « L’histoire de l’art est la lutte de toutes les expériences... » Carl Einstein à la pointe de l’histoire : le risque anachronique. Expérience de l’espace et expérience intérieure : le symptôme visuel. « Je ne parle pas de façon systématique... » 4. L’image-aura. Du maintenant, de l’autrefois et de la modernité Supposition de l’objet : « Une réalité dont aucun œil ne se rassasie. » Supposition du temps : « L’origine, c’est maintenant. » Supposition du lieu : « L’apparition du lointain. » Supposition du sujet : « Je suis le sujet. Je suis aussi le verbe... » Note bibliographique – Index des noms – Index des notions –Table des figures La revue de presse Robert Maggiori (Libération, 23 novembre 2000) Le temps de voir L’histoire de l’art exige un art de l’Histoire, un art de la mémoire. Aussi, l’arrêt sur l’image – une fresque de la Renaissance ou une toile de Barnet Newman – est-il arrêt sur le temps. « Quand on s’intéresse à l’histoire de l’art, on s’intéresse, en général, plus à l’art qu’à l’histoire. On ne peut, il est vrai, courir tous les lièvres à la fois. La difficulté est déjà immense de savoir si une œuvre est une œuvre d’art, et s’il faut, pour en saisir le sens, faire confiance à l’érudition traditionnelle du connoisseur, à la sociologie de la culture, à une approche “ euchronique ” (“ l’artiste et son temps ”), à l’histoire sociale, qui en étudie les conditions de production et d’usage, à une lecture formaliste, qui en analyse les qualités stylistiques et les modes de création, à une interprétation psychologique ou psychanalytique, qui tente d’en révéler le mystère en pénétrant la personnalité de son créateur, etc. La question de l’historicité elle-même, du temps, on comprend, dès lors, qu’on veuille la laisser aux seuls historiens. Ce n’est pas l’avis de Georges Didi-Huberman, qui enseigne à l’École des hautes études en sciences sociales, et dont on publie aujourd’hui Devant le temps. De livre en livre – depuis l’Invention de l’hystérie, une étude de l’iconographie photographique de la Salpetrière, publiée en 1982 –, Georges Didi-Huberman élabore en effet une sorte de “ gai savoir ”, à la fois esthétique, philosophique et historique, qui, traquant dans l’image non le visible mais le visuel, non “ ce qui se donne à voir ” mais le symptôme de ce qui devrait être vu, non un “ espace ” où se déploient formes, signes et couleurs mais une concrétion de temps, un montage de temps hétérogènes, oblige l’histoire de l’art à (re)devenir un art de la mémoire et de l’histoire. “ Devant une image – si ancienne soit-elle – le présent ne cesse jamais de se reconfigurer, pour peu que la dépossession du regard n’ait pas complètement cédé la place à l’habitude infatuée du « spécialiste » Devant une image – si récente, si contemporaine soit-elle – le passé en même temps ne cesse jamais de se reconfigurer, puisque cette image ne devient pensable que dans une construction de la mémoire, si ce n’est de la hantise. Enfin (... ) nous sommes devant elle l’élément fragile, l’élément de passage, et elle est devant nous l’élément du futur, l’élément de la durée. ” II est, dans le couvent de San Marco, à Florence, un curieux “ pan de peinture renaissante ”. La partie inférieure de la Madone des ombres de Fra Angelico. Un pan de fresque rouge, un “ fond ” sur lequel le pigment clair aurait été projeté à distance, en pluie, et qui ferait comme une myriade d’étoiles désordonnées. Pas un “ tableau ” donc, mais un “ objet visuel ”, à négliger sans doute, et qui paraît en tous cas dénué de sens, aussi dénué de sens que cette éclaboussure, ce filet de couleur sang sortant de la couture d’un coussin posé à côté de la Dentellière de Vermeer et qui “ ne représente rien, presque rien ”. Ce n’est pas un “ motif ”, ni une “ allégorie ”, ni même un “ sujet ” ou un “ thème ”. Des voies ouvertes par la tradition esthétique, aucune dès lors n’est fréquentable, pas même celle de l’iconologie “ canoniquement ” fixées par Erwin Panofsky. Quand on n’a plus de saints à qui se vouer, on se doit de tout recommencer, ou du moins de rendre à nouveau opératoires certaines “ ruptures épistémologiques ”, effacées ou refoulées, qui, au lieu d’apporter d’autres réponses aux mêmes questions, ont changé les questions. En l’occurrence, pour comprendre aussi bien la “ double naissance de l’histoire de l’art ”, avec Pline l’Ancien et Vasari, que les débats sur l’art contemporain, il faut “ revenir ” à ces penseurs qui, au début du siècle, en Allemagne, ont engagé “ une réflexion philosophique sur l’épistémé de leur discipline ”, Heinrich Wölfflin, Alois Riegl, Max Dvorak, et, surtout, Aby Warburg, Carl Einstein ou Walter Benjamin. Et poser d’autres axiomes, dont celui-ci, essentiel : “ Toujours, devant l’image, nous sommes devant le temps. ” Dès lors, Didi-Huberman peut entreprendre son “ archéologie critique de l’histoire de l’art ”. Entreprise difficile, parce qu’obligée de se dérouler en gymkhana entre des paradoxes : l’un visuel, l’autre temporel. Même au sein d’une œuvre qu’on penserait depuis longtemps “ apprivoisée ” parle regard, il n’y a jamais de “ tableau ”, mais des apparitions, des incongruités, des fulgurances qui en destructurent la signification et renvoient cependant à d’autres structures où le sens se constitue en énigme, en échappée, en ricochet, en symptôme. Aucune œuvre ne peut même être “ vue ”, car jamais l’image ne se donne entièrement au regard : elle parle en instants, en durée, en simultanéités, en successions, au conditionnel et au futur antérieur, elle parle, autrement dit, à la mémoire. Dans un cas, c’est le cours de la représentation qui est interrompu, dans l’autre le cours de l’histoire chronologique. Ce que propose Didi-Huberman paraît alors particulièrement audacieux : une pensée de l’image qui impliquerait, eût dit Deleuze, la différence et la répétition, le symptôme et l’anachronisme, un inconscient de la représentation et un inconscient de l’histoire. Reste à savoir à qui profite ce “ crime ” méthodologique, qui lèse la majesté de la tradition, tant en histoire de l’art qu’en histoire, classique ou “ nouvelle ”. Une chose est sûre en tout cas : les historiens n’accepteront pas facilement de faire entrer dans leur bergerie le loup de l’anachronisme. Et il uploads/Histoire/ devant-le-temps-didi-huberman.pdf

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  • Publié le Dec 26, 2022
  • Catégorie History / Histoire
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