Chimie et physico-chimie des matières premières l’actualité chimique - octobre-

Chimie et physico-chimie des matières premières l’actualité chimique - octobre-novembre 2008 - n° 323-324 42 Parfum, chimie et création Xavier Fernandez, Sylvain Antoniotti, Éric Bussotti et Marie-Patricia Hurel Résumé Le parfum est un produit fascinant dont la création associe l’art, des connaissances empiriques et la science. Sa formule est issue du mélange de plusieurs dizaines de composés odorants et extraits naturels (le concentré de parfum) dans de l’éthanol. L’examen de l’histoire du parfum à travers les siècles montre le rôle capital joué par la chimie. L’obtention de solvants organiques purs mais surtout la mise à disposition de composés odorants synthétiques ont complètement bouleversé la parfumerie pour conduire aux parfums modernes, compagnons quotidiens de notre vie. Mots-clés Parfum, odeur, formulation, accord, extraits naturels, synthèse organique. Abstract Perfume, chemistry and creation The perfume is a fascinating material whose creation is guided by art, empirical knowledge and science. Its formula arises from the mixture of dozens of odorant compounds and natural extracts in ethanol. An overview of the history of perfumes across the centuries shows the central role of chemistry. The manufacture of solvents of high purity and the chemical synthesis of key-odorants have dramatically influenced perfumery, leading to modern fragrances, daily companions of our lives. Keywords Perfume, fragrance, formulation, harmony, natural extracts, organic synthesis. e mot parfum tire son origine du latin per fumum signifiant « par la fumée », en référence à la première méthode connue d’obtention de fragrances subtiles par combustion de gommes ou de résines (myrrhe, encens) récoltées sur des arbres de la famille des burseracées [1]. Aujourd’hui, le terme de parfum* désigne un produit bien précis pour l’industrie des fragrances, obtenu par dilution d’un concentré de parfum ou jus (15 à 30 %) dans de l’alcool éthylique à 90°. Cependant pour le grand public, le terme parfum est plus ambigu puisqu’il fait référence à une odeur aussi bien qu’à divers produits (parfum, soie de parfum*, eau de parfum*…). L’univers du parfum est un monde fascinant qui associe la technique, la science et l’art. La technique est représentée L Glossaire Les mots suivis d’un astérisque* dans le texte sont définis ci-dessous. Absolue ou « essence absolue » : c’est un extrait préparé à partir des essences concrètes par dissolution à chaud dans de l’éthanol (lavage). Les composés insolubles (ou « cires ») sont précipités à froid (glaçage) puis écartés par filtration. Après évaporation de l’éthanol, on obtient un liquide épais, ou parfois une pâte visqueuse, parfaitement soluble dans l’éthanol, ce qui permet son utilisation dans la formulation de parfums alcooliques. Accord : l’accord est le résultat de la combinaison de différentes senteurs simples pour créer une nouvelle impression olfactive. Le nombre de composés utilisés peut aller de deux à plusieurs dizaines. Les accords sont des éléments importants de la composition d’un parfum*. Concrète ou « essence concrète » : c’est le produit brut obtenu par extraction de végétaux frais avec un solvant organique (hexane, éther de pétrole, acétate d’éthyle, éthanol). Après évaporation du solvant, on obtient une pâte, plus ou moins solide, contenant des constituants volatils et non volatils, dont certains sont insolubles dans l’alcool à forte concentration. Les concrètes ne peuvent donc pas être utilisées sous cette forme en parfumerie alcoolique, mais peuvent être employées pour les savons. Eau de Cologne : solution parfumante obtenue par dilution de 3 à 5 % d’un mélange d’huiles essentielles dans de l’alcool à 90°. Les huiles essentielles utilisées sont en majorité des essences d’agrumes qui produisent une odeur fraîche. Eau de parfum : solution parfumante obtenue par dilution de 8 à 15 % de concentré de parfum dans de l’alcool à 90°. La fragrance reste perceptible pendant 3 à 4 heures. Eau de toilette : solution parfumante obtenue par dilution de 5 à 8 % de concentré de parfum dans de l’alcool à 90°. Sa fragrance est très légère, de type fruité (notes d’agrumes). Il existe également des eaux fraîches sans alcool. Eau fraîche ou eau de sport : solution parfumante obtenue par dilution de 1 à 3 % de concentré de parfum dans de l’alcool à 70 ou 80°. La fragrance reste perceptible pendant 3 à 4 heures. Expression : méthode d’extraction des huiles essentielles dans le cas particulier des agrumes. La grande sensibilité de ces huiles à la température, à l’oxygène aini qu’aux agents chimiques oblige leur extraction par pression mécaniquement à froid de l’écorce (ou zeste) du fruit. L’extrait est par la suite décanté puis filtré afin de séparer l’huile essentielle de la partie aqueuse. Huile essentielle : produit obtenu par hydrodistillation ou entraînement à la vapeur d’eau d’une matière première végétale. Le distillat décante en deux phases, la partie surnageante est l’huile essentielle ou essence. La phase aqueuse peut être récupérée pour être utilisée (eaux florales) ou redistillée. Impact : ce terme se réfère à l’efficacité d’un parfum juste après son application ; plus le parfum est perçu, plus l’impact est impor- tant. Parfum : ce terme est généralement employé pour désigner des odeurs ou fragrances dans leur ensemble. Cependant pour l’industrie de la parfumerie, il s’agit d’un produit bien défini qui correspond à la dilution dans l’éthanol à 90° de 15 à 30 % de concentré de parfum (mélange de composés odorants synthétiques et d’extraits naturels). Il reste perceptible pendant 4 à 8 heures. Résinoïde : extrait obtenu par extraction de plantes sèches ou d’exsudats de plantes par des solvants organiques (hydrocarbures, acétates d’alkyles, éthanol). Soie de parfum : solution parfumante obtenue par dilution de 15 à 18 % de concentré de parfum dans de l’alcool à 90°. La fragrance reste perceptible pendant 3 à 6 heures. Substantivité : terme voisin de la ténacité*, également appelé rémanence, qui détermine la tenue et l’efficacité à long terme d’un parfum en application sur un support donné (la peau pour une eau de toilette, le textile pour un assouplisseur...). Voir aussi impact*. Ténacité : ce terme se réfère à l’efficacité du parfum à long terme sur la peau. 43 l’actualité chimique - octobre-novembre 2008 - n° 323-324 Les matières premières par un ensemble de méthodes d’extraction, certaines d’origine ancestrale, des fleurs, des feuilles ou des fruits dont les parfumeurs mélangent les essences ainsi obtenues pour composer de subtiles fragrances. L’apport de la science a accompagné le développement de la parfumerie avec les progrès de la chimie moderne et ses méthodes d’analyse toujours plus performantes, ainsi que les centaines de composés synthétiques venus enrichir la palette du parfumeur. Cependant, même si la science et la technique jouent un rôle capital dans la création d’un parfum, sa formulation reste le fruit d’un sens artistique poussé, seul capable de mélanger les différents constituants dans des proportions adéquates conduisant à une odeur harmonieuse, spécifique et reconnaissable. Pour preuve, le langage de la parfumerie fait référence à l’art en empruntant le langage de la musique avec les termes « note » et « accord* » [2]. Un peu d’histoire L’utilisation du parfum est ancestrale, apparue avec l’apprivoisement du feu par l’Homme, ainsi qu’en attestent des peintures rupestres mettant en scène des fumigations d’arbustes et d’herbes, dont les exhalations étaient censées flatter les dieux et effrayer les démons. L’usage du parfum à appliquer sur la peau sous forme de baumes ou d’onguents n’apparaît que bien plus tard, à l’Antiquité. Présent dans toutes les civilisations, le parfum est déjà à cette époque utilisé partout dans le monde, de la Chine à l’Égypte en passant par les Indes. En Grèce, l’usage du parfum est vanté pour le parfumage du corps des morts, les Grecs attribuant une origine sacrée à ces mélanges. En revanche, les Égyptiens et les Mésopotamiens utilisaient les parfums dans le but de parfumer la peau des convives pour des occasions festives, ainsi que dans des activités mystiques et divinatoires. À cette époque, il est déjà possible de distinguer un parfum qui se démarque des autres de par la complexité de sa formulation. Le mélange trouve sa source en Égypte, terre de toutes les senteurs, et se nomme « kiphi ». Le jus est alors constitué de lentisque, genévrier, myrrhe et cyprès. Dans ce tourbillon de senteurs, les Romains réservent au parfum un usage religieux et funéraire, mais également un usage en relation avec ses vertus prétendument curatives. Le parfum n’est alors qu’un mélange d’essences et d’huiles parfumées, mais déchaîne les passions et attise les convoitises. Le carrefour des épices et des matières précieuses telles que pierres ou soieries que représente la péninsule arabique fait de cette zone géographique un pôle de développement, et c’est ainsi que le monde musulman préfigure et favorise l’utilisation quotidienne et variée des parfums. Le mode d’utilisation et le message véhiculé par ces sources de senteurs prennent un virage au début du Moyen Âge, après la période d’évolution et de développement connu sous l’Empire romain. Le parfum perd peu à peu sa vocation divine et sacrée au profit d’un usage associé à la séduction et aux jeux amoureux. C’est au milieu du XIVe siècle que l’on voit apparaître les parfums sous leur forme alcoolique, avec « L’Eau de la reine uploads/Industriel/ 2008-323-324-oct-nov-p-42-fernandez.pdf

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