1 La gestion par les processus dans la banque : de l’intention à la mise en oeu
1 La gestion par les processus dans la banque : de l’intention à la mise en oeuvre Valérie PALLAS Maître de Conférences Université Montesquieu Bordeaux IV- CREFF Banque Avenue Léon Duguit 33608 Pessac pallas@u-bordeaux4.fr Julien BATAC Maître de Conférences Université Montesquieu Bordeaux IV- CREFF Banque Avenue Léon Duguit 33608 Pessac julien.batac@u-bordeaux4.fr Résumé La gestion par les processus a connu son heure de gloire dans le secteur industriel, confronté à un environnement en perpétuelle évolution où réactivité et flexibilité sont les maîtres mots. Les banques françaises s’inscrivent aujourd’hui dans ces mêmes problématiques. Pourtant, l’étude de cas présentée dans cet article, au travers de l’analyse critique de la mise en place d’un processus au sein d’une banque régionale de détail, expose la difficulté pour les groupes d’acteurs impliqués dans cette démarche à mettre en œuvre des leviers d’action visant une réorganisation, même mineure, des structures ; ceux-ci adoptant au final une attitude plutôt conservatrice des logiques bureaucratiques ancrées depuis de nombreuses années. Ce cas nous enseigne alors la difficile mise en œuvre de la transversalité dans les organisations bancaires. Mots clés Management par les processus, Banque, Transversalité, Recherche-action. Abstract The Process Management School has long been successful in the industrial sector. This sector, like banks now, is confronted to an evolutionary environment where reactivity and flexibility are the key words. However, the case study we present in this article - that is the setting up of processes in a regional detail bank- reveals the difficulties some groups of actors implied in this challenge have when implementing the reorganization of the bank structures and processes. They adopt a conservative attitude because of ancient bureaucratic logics. This study teaches us about the difficulties to implement transversality in bank organisations. Keywords Process Management, Bank, Transversality, Action Research 2 La gestion par les processus dans la banque : de l’intention à la mise en œuvre. « La coopération transversale, inter-métiers ou inter-fonctions, agencée par processus ou par projet, est la traduction opérationnelle ou structurelle de stratégies visant à obtenir des avantages concurrentiels en termes de produits et d’innovation dans des environnements complexes et turbulents où des capacités d’adaptation ou d’anticipation rapides sont indispensables pour s’affirmer face aux concurrents » (Lorino & Tarondeau, 1998). Il est admis aujourd’hui que les nouveaux schémas organisationnels du type organisation transversale ou management par projet, restent encore profondément liés aux spécificités sectorielles et contextuelles, à l’historique des organisations et à leur maturité (Allouche & Huault, 1998) de telle manière qu’ils provoquent une certaine inertie dans les changements. La multiplication de nouvelles formes organisationnelles soulève alors la question de l’évolution des modes de coordination et de l’adaptation des outils dans l’entreprise (Defélix, 1999 ; Froehlicher, 2000). La réponse pourrait résider dans la résolution du dilemme intégration/différenciation tel qu’il est explicité par Lawrence et Lorsch (1973). D’un côté le fonctionnement efficace d’une entreprise implique une spécialisation des rôles, expliquant en cela la différenciation ; d’un autre côté exposées à la multiplication de « baronnies » et cloisonnements, les structures organisationnelles se doivent d’être intégratives en favorisant la coordination en interne. Au cœur de ce dilemme, la gestion par les processus a connu son heure de gloire dans le secteur industriel, confronté à un environnement en perpétuelle évolution où réactivité et flexibilité sont devenues très rapidement les maîtres-mots. Les exemples dans les secteurs de l’automobile, de l’électronique ou encore de l’informatique sont là pour en témoigner. Les banques françaises s’inscrivent aujourd’hui dans ces mêmes problématiques. Après l’époque de la libéralisation et de la déréglementation du secteur bancaire, l’avantage concurrentiel des banques repose sur des stratégies privilégiant une meilleure attention portée à la satisfaction des clients, ce qui suppose pour elles de se différencier par l’amélioration des relations entre les différentes fonctions (en interne) et avec leur clientèle (en externe). 3 Dans un contexte de généralisation de l’approche par processus en milieu industriel, il paraît intéressant de s’interroger sur les conditions de son introduction dans les banques. Nous justifions d’abord la nécessité d’un management par les processus dans le secteur bancaire. Nous utilisons ensuite la méthodologie de gestion par les processus de Lorino (2003) dans le cadre d’une recherche action menée au sein d’une banque régionale de détail. Enfin les enseignements retirés de cette expérimentation de six mois sont exposés dans une troisième partie. 1. LA GESTION PAR LES PROCESSUS EST-ELLE PERTINENTE DANS LA BANQUE ? Les études menées sur le thème de la transversalité dans les organisations (Argyris & Schön, 1978, 1996 ; Senge, 1990 ; Tarondeau, 1998) soulignent le caractère novateur de ce type de structure, notamment dans leurs dimensions de management des savoirs. Cependant, elles illustrent également plusieurs difficultés dans leur application sur le terrain. Les débats autour du concept de transversalité dénoncent l’absence de logiques formelles et de structuration. Aussi, l’expérimentation d’une gestion par les processus pose le défi de son pilotage, notamment en ce qu’elle présage dans l’appréhension des comportements humains. Pour autant, les succès enregistrés dans le domaine industriel démontrent une réelle faisabilité de ces approches. Faut-il en conclure que le critère discriminant de leur réussite ne s’exprime seulement qu’au regard du secteur d’activité concerné ? C’est tout l’objet ici de notre premier axe de discussion. 1.1. LE SECTEUR INDUSTRIEL, UN TERREAU « RECONNU » DE LA GESTION PAR LES PROCESSUS Un processus est défini comme un enchaînement d’activités reliées entre elles qui concourent à la création d’un bien ou d’un service, lequel est destiné à un client final ou à d’autres services ou processus de l’entreprise (Lorino, 2003 ; Löning & Pesqueux, 1998). A ce titre, un processus est toujours orienté vers un bénéficiaire ou un système bénéficiaire, interne ou externe. La version « originelle » développée par Lorino (1995), semble particulièrement adaptée au milieu industriel. 4 Dans ce cadre, la gestion par les processus se révèle couplée à des démarches de qualité totale. Paradoxalement, si la notion de client ou consommateur n’est pas expressément citée, elle est présente en ce sens que l’objectif consiste la plupart du temps en une amélioration continue de l’efficience avec pour finalité principale la réduction des coûts et des délais (Demeestère, Lorino, Mottis, 1997a), « cheval de bataille » des démarches qualité. « La vision en termes de processus est le regard jeté sur le système d’activités à partir du résultat fourni, du client, du besoin satisfait » (Lorino, 1995). Dans ce contexte, les processus dont les réaménagements sont perçus comme nécessaires, voire indispensables, concernent fréquemment les processus de production et/ou ceux plus administratifs liés à la maintenance industrielle. La priorité est donnée à une analyse détaillée de ces processus, au travers d’une attention toute particulière aux aspects critiques de cette activité : les produits défectueux. Les succès enregistrés dans le secteur industriel peuvent s’expliquer de diverses manières. Principalement, les évolutions significatives de l’environnement des entreprises de ce secteur ont entraîné des transformations au moins aussi marquantes des concepts de gestion, tels que la qualité totale, le juste-à-temps ou le « reengineering » (Tarondeau, 1998). Pour autant, un facteur-clé d’explication nous paraît résider dans la mesurabilité de la réussite de ce genre de démarche. En prêtant surtout attention à l’amélioration d’activités techniques donc facilement quantifiables en termes de variations, la gestion par les processus en milieu industriel délivre rapidement des résultats probants ou à l’inverse des issues peu convaincantes mais modifiables du fait de la vitesse d’exécution des mesures correctives. Or, un des critères de réussite de ce type d’approche est le pouvoir de conviction dans l’entreprise, la diligence des résultats apparaissant comme un vecteur primordial de communication. Qu’en est-il dans le secteur des services où l’immatérialité du résultat fourni au client domine et où l’innovation est souvent laissée à la subjectivité tant de ceux qui la réclament (clients et/ou salariés) que de ceux qui la conçoivent (salariés) ou enfin de ceux qui la supportent (les clients ou les salariés) ? 1.2. DE L’INDUSTRIE AUX SERVICES, N’Y AURAIT-IL QU’UN PAS ? La justification d’une convergence d’intérêts de la gestion par les processus dans les secteurs de l’industrie et des services prend sa source dans l’explication de l’évolution historique du déroulement des démarches de qualité (Tarondeau, 1998). Jusqu’aux années 80, celles-ci ont 5 été dévolues à l’amélioration des attributs des produits ou des opérations de production. En se focalisant sur les procédés techniques, elles délaissaient les activités non productives a priori, comme les services que l’entreprise se rend à elle-même ou à ses clients. La prise en compte croissante de ces derniers oblige alors l’entreprise à réfléchir à des démarches de qualité plurifonctionnelles : « chaque acteur du processus, même s’il est situé très en amont, à travers la vision « processus » est relié à un output final et à la satisfaction du client destinataire de cet output […] le processus « déploie » le besoin du client dans tous les méandres de l’organisation » (Lorino, 2003). En outre, quelque soit le contexte ou le secteur, les processus comprennent des activités réalisées par différents services, différentes entités. En étant transversaux1, ils induisent des points de rencontres entre services - ou interfaces -, uploads/Industriel/ 76-pallas-batac 1 .pdf
Documents similaires










-
27
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Oct 25, 2021
- Catégorie Industry / Industr...
- Langue French
- Taille du fichier 0.3904MB