Une ARCHITECTURE DES CARRIÈRES Entre métamorphoses et dormance Énoncé théorique

Une ARCHITECTURE DES CARRIÈRES Entre métamorphoses et dormance Énoncé théorique du travail de master en architecture Présenté par Florian Rochat Sar, epfl , 2013. Groupe de suivi : Luca Ortelli, Chrisitian Gilot, Alexandre Buttler Expert : Stefano Zerbi Cahiers n0 1 : Éléments premiers pour une architecture des carrières n0 2 : Histoire et territoire des carrières en Suisse n0 3 : Principes et techniques d’extraction n0 4 : Nature.s n0 5 : Espace.s n0 6 : Une architecture entre métamorphoses et dormance Éléments premiers pour une ARCHITECTURE DES CARRIÈRES Cahier n0 1 Remerciements Ce travail n’aurait pas été possible sans les critiques de Luca Ortelli, Christian Gilot, Alexandre Buttler et Stefano Zerbi que je remercie chaleureusement. Je remercie aussi Grégoire Testaz pour les précieuses informations sur la géologie, Marion Beetschen pour son aide à l’élaboration de ce travail, ainsi que mes amis et collègues d’études pour leur soutien. Table des matières Un regard 7 Carrière.s 12 Problématique 13 Éléments premiers pour une architecture des carrières 14 Pierre, matière et forme 16 Lignes, surfaces et volumes 18 Espace architectonique 20 Architecture 22 Archétypes 24 Une « collecte des origines » 24 Extraction: architecture d’un espace soustrait 26 Notes 34 Bibliographie 36 7 Un regard Durant toute l’élaboration de ce travail, je suis allé à la recherche de ce qui était n’était encore pour moi qu’une présence vague et fuyante, à la fois sous des principes théoriques et sous les apparences d’un monde trop concret, trop « plein de matière ». C’est donc en parcourant les carrières à la recherche d’une lecture intermédiaire, portée sur l’un des « usage du monde »1 que sont les carrières, que ce travail s’est orienté et structuré. Aux travers de nombreux parcours, errances parfois, dans un territoire aux contours alors incertains, c’est tenter d’observer simplement, de poser un regard sur l’architecture et la carrière comme « la manifestation sensible du milieu, la réalité spatiale vue et ressentie, [qui] naît lentement et péniblement de la réalité naturelle et géographique »2. Carrières de la Molière. Pierres, blocs, poussières Partout les immenses façades d’une Architecture en devenir Disparaît dans la végétation La pierre Encore tout autour Titans d’un Monde oublié perdu dans le Chaos des commencements où la terre se creuse D’ombre et de lumière Le bruit Les cris des machines dans la Pierre devenant matière et Les mains lourdes pesantes sur les Outils donnent Forme Carrières de Andeer Page suivante : Carrières de Krauchtal 12 13 Problématique La construction des carrières concerne à plusieurs titres les architectes : d’une part par les matériaux employés quotidiennement dans la construction et d’autre part par les espaces considérables que ces prélèvements de matériaux induisent sur le territoire. En occident, plus de 80 % des matériaux employés dans la construction proviennent du sous-sol, extraits de carrières ou de mines, générant par la même occasion des espaces considérables, le plus souvent à l’étranger9. C’est l’un de ces espaces, la carrière de pierre de taille, que ce travail se propose d’explorer. Les problématiques qui y sont liées, auxquelles nous tenterons de répondre, s’articulent autour de deux questions fondamentales : la carrière est-elle une architecture ? Dans ce cas, quelles relations spatiales la structurent ? Poser la question d’une architecture des carrières, c’est aussi se poser la question des limites, à la fois de la discipline de l’architecture et de son rôle dans le monde contemporain, mais encore de celles, physiques et théoriques, de l’architecture elle-même. Bien que la portée de ce travail soit limitée et que l’ampleur de la tâche portant à la défi nition de l’architecture ne peut être, je le crois, que le fruit d’une recherche théorique et pratique de toute une vie, je tenterai tout d’abord de poser une structure théorique en m’appuyant d’une part sur quelques éléments premiers, préalable à l’exploration des archétypes des carrières. Par la suite, une exploration plus approfondie des carrières en Suisse, dans une perspective historique, naturelle et technique, permettra de comprendre les diff érents types et morphologie des carrières, dans leurs variations temporelles et spatiales. En guise de conclusion, le travail s’ouvrira sur les intentions du projet et une brève présentation du site. Le travail se structure autour de six cahiers et une annexe rassemblés dans un coff ret. Non reliés entre-eux, ils fonctionnent comme un projet ouvert à des compléments, qui se développerons dans le projet à venir. Carrière.s Le mot « carrière » décrit, pour l’objet qui nous intéresse ici, « le terrain d’où l’on extrait les pierres, le sable, etc., nécessaires à la construction »3. Il décline également deux autres signifi cations : la première se rapporte au « terrain entouré de barrières et aménagé pour des courses de chars, des courses à pied, [et] des passes d’armes »4 et décrit par métonymie l’« espace à parcourir dans une course »5 ; la seconde décrit, dans le génie militaire, « une distance qu’un cheval peut parcourir sans perdre haleine »6. Si, de nos jours, le mot décrit l’ensemble des types d’extractions de matières minérales, y compris l’extraction minière, regroupant ainsi sous un seul nom marnières, ardoisières, ballastières, grésières, marbrières, glaisières et autres gravières, son acception première se rapportait à l’extraction de pierre de construction. L’étymologie du mot « carrière » remonte aux mots latins quadrus, qui sous-entend quadrus lapis, « pierre de taille », et cayre « pierre carrée, moellons »7. C’est par métonymie que la quadrus, littéralement « carré », décrira la « carrière », alors qu’une seconde déclinaison donnera naissance à la carraria ou via carraria, « chemin de chars »8. La « carrière » se défi nit donc, selon son étymologie, par un concept géométrique abstrait, le « carré » du quadrus, plus que par la pierre, lapis, et la matière elle-même. Ce n’est ensuite que par métonymie que le quadrus décrira le lieu d’extraction ou les chemins de chars. Si l’anglais conserve avec quarry et cars la même étymologie, l’italien utilise le terme de cava pour parler de la « carrière ». Proche du français « cave », à rapprocher de cavus et du grec kôos, « creux, caverne, prison », la cava est dérivée du latin cavus, « creux » ou « fossé » et défi nit un objet indépendant, dont les relations en « creux » au territoire semblent plus évidentes que les quadrus géométriques et immatériels. Enfi n l’allemand, plus pragmatique, défi nit la carrière par un mot composé : Steinbruch. Ici, le mot Stein, « pierre », s’associe du mot Bruch, « brèche, cassure », pour décrire cette fois un lieu. Steinbruch, comme une action, presque un verbe, décrit donc le lieu d’action pour extraire la roche, la séparer de la masse à laquelle elle appartient. Au travers de cette brève recherche étymologique, ce sont trois regards de la carrière que l’on met en avant, décrivant trois facettes d’un même objet : la géométrie, le territoire et l’extraction. 14 15 Éléments premiers pour une architecture des carrières « On ne trouve pas l’espace, il faut toujours le construire » Gaston Bachelard10 Poser la question d’une architecture des carrières, c’est poser la question d’une défi nition, et donc des limites, à la fois de la discipline qu’est l’architecture et de son rôle dans le monde contemporain, mais aussi des limites physiques et théoriques de l’architecture elle-même. Comment aborder un thème aussi vaste, dans un travail si limité, à la fois dans le temps et l’espace, sans tomber dans les banalités, les évidences, les dogmatismes ou encore les généralités de défi nitions exclusives, qui anéantiraient la présence physique et l’expérience de l’œuvre architecturale ? Le texte qui suit se propose d’explorer une architecture au travers de cette matière qui lui donne corps, que ce soit dans la réalisation du projet ou déjà au travers du papier et de l’ordinateur lors de l’élaboration de ce dernier. Un questionnement donc sur les éléments d’une architecture des carrières, non pas celle qui se construit à partir de cette dernière ou celle qui pourrait y prendre place, mais bien l’architecture produite par l’extraction de la matière même. Entrée des carrières des Baux-de-Provence. Source: Pouillon, Fernand, Les Baux-de-Provence, Fernand Nobele, Paris, 1960, planche 1. 16 17 Pierre, matière et forme La pierre est peut-être la première raison d’être de la carrière. Elle y est omniprésente, écrasante, étouff ante d’une poussière épaisse, portant les traces d’un long dialogue entre une matière, diffi cilement gagnée sur la nature, et la mise en forme des blocs, émergent lentement sous les outils des carriers. Entre matière et forme, il y a donc une forme d’émergence, que clarifi e Aristote à travers une métaphore : un sculpteur dispose d’un bloc de marbre ; tant qu’il ne l’a pas attaqué de ses ciseaux avec la volonté d’y inscrire une forme, le bloc contient encore toutes les formes possibles d’un bloc de marbre. Il y a donc d’une part le bloc de marbre prêt à contenir un grand nombre de formes, mais pas toutes car sa matière ne les supporte pas toutes, et d’autre part la volonté uploads/Ingenierie_Lourd/ architectures-carrieres.pdf

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