1 Philosophie 340-101-MQ Philosophie et Rationalité - Cours 3 Professeur : Jean
1 Philosophie 340-101-MQ Philosophie et Rationalité - Cours 3 Professeur : Jean-Philippe Morin Les types de jugement - deuxième partie Les jugements de valeur Plan de séance 5. Les jugements de valeur 6. Questions de révision et notions à retenir 7. Exercices 8. Réponses de l'exercice Ce cours est la suite du cours 2, et présente le troisième type de jugement : les jugements de valeur. 5. Troisième type de jugement : Les jugements de valeur Cette section sera plus difficile que les précédentes. Elle vous demande d'être très attentif et de réfléchir à chaque élément qui sera présenté. Soyez patients : ces idées deviendront plus claires au fur et à mesure de la session. Les choses seraient simples si nous ne faisions que prononcer des jugements de fait et des jugements de préférence, mais l'être humain possède cette capacité de formuler des jugements d'un autre type, des jugements très bizarres et mystérieux, les jugements de valeur. C'est le type de jugement le plus important et le plus difficile que nous étudierons dans ce cours, et celui que nous utiliserons le plus. La philosophie se préoccupe d'abord des jugements de valeur. Avant de voir une définition, il serait utile d'étudier un exemple détaillé. Imaginez que vous soyez témoin de la scène suivante (dans la réalité ou dans un film, peu importe) : un soldat nazi exécute un bébé. Dans votre esprit se forme le jugement de valeur suivant : « Tuer un bébé, c'est mal ». C'est un exemple grotesque et exagéré, je sais, et je fais exprès. Je l'ai choisi pour une raison simple : il me semble que tout le monde sera d'accord avec ce jugement, il n'y aura pas de doute ou de discussion. Vous êtes d'accord que c'est vrai, n'est-ce pas? 2 Maintenant je vais vous poser une question très difficile et bizarre, mais qui contient en elle tout le mystère et l'importance des jugements de valeur. Quand nous disons « Tuer un bébé, c'est mal », face à la scène que j’ai décrite… OÙ EST LE MAL? Essayez de répondre à cette question sincèrement, en y réfléchissant le plus sérieusement possible. Vous pouvez même prendre une pause, aller prendre une marche et y penser avant de lire la suite. Sortez de votre chambre, allez prendre l'air, et réfléchissez-y. * * * D'accord. Continuons. - Est-ce que le mal est dans le geste du meurtrier? Si nous filmons la scène et nous appuyons sur pause, serons-nous capables de voir le mal? Il semble que non... Le mal est invisible. Il n'a pas l'air observable, il n'a pas l'air objectif. - Est-ce que le mal est dans l'esprit du tueur? A-t-il un esprit maléfique? Des intentions maléfiques? Pourtant, de son point de vue, le nazi n'a pas l'impression de faire le mal. Il peut même croire qu'il fait le bien - selon son idéologie, il élimine un être nuisible. - Est-ce que le mal est dans mon esprit, moi le spectateur? Dans ce cas, est-ce que le mal est un jugement subjectif, personnel? Est-ce la même chose que dire « je n'aime pas assister à une scène de meurtre, je trouve ça dérangeant, troublant, choquant, bouleversant, etc. »? Alors, où est le mal? Si nous demandons « où est l'arme du crime », la réponse sera facile : elle est dans la main du meurtrier. Si nous disons « l'arme du crime est un couteau », ce sera un jugement de fait. Mais ici, il se passe quelque chose d'étrange : on dirait qu'on ne peut pas observer le mal. D'un côté, il y a moi (et vous, j'espère!) qui pense que « Tuer un bébé, c'est 3 mal », et de l'autre côté il y a le nazi qui pense que « Tuer le bébé, c'est bien ». Nous croyons chacun que notre jugement est vrai. Pourtant ces jugements sont opposés, ils se contredisent. Nous avons déjà vu un type de jugement où nous pouvons avoir des opinions vraies en même temps, même si elles sont opposées. De quels jugements s'agissait-il? Des jugements de préférence. Est-ce que le jugement de valeur est la même chose qu'un jugement de préférence? Est-ce que dire « Tuer un bébé, c'est mal » est la même chose que dire « Je n'aime pas les tomates »? Est-ce une simple différence de goût? Je n'aime pas le meurtre d'innocents, et le nazi adore cela? Non. Il semble qu'il y ait une différence majeure entre « Tuer c'est mal » et « Je n'aime pas les tomates ». Quelle est cette différence? (Je vous demande d'y réfléchir par vous-même sérieusement encore une fois, avant de continuer.) * * * Si je pense sincèrement que « tuer un innocent est mal », dans ce cas j'aurai l'impression que le nazi se trompe. Mon jugement est vrai, le sien est faux. Dans les cas des tomates, quand quelqu'un a une opinion différente de la mienne, je n'ai pas l'impression qu'il se trompe, seulement que ses goûts sont différents des miens. Son jugement de goûts reste valable même s'il est différent. Mais dans le cas du meurtre d'un innocent, j'ai vraiment l'impression que le nazi est dans l'erreur. Quand il pense « Tuer un innocent, c'est bien », il pense quelque chose de faux. Il semble autant dans l'erreur que s'il avait fait un jugement de fait erroné, comme s'il avait dit « 2+2=5 » ou « la terre est plate ». Nous voyons donc une différence fondamentale avec le jugement de préférence : contrairement au jugement de préférence, un jugement de valeur a la prétention d'être objectivement vrai, comme c'était le cas pour les jugements de fait. Il ne dépend pas de moi et de mes goûts personnels. « Tuer un bébé, c’est mal » est vrai peu importe que j'aime cela ou non. Le jugement de valeur a la prétention d'être universellement vrai : vrai pour tout le monde, peu importe l'époque ou le lieu. Universel veut dire : pour tout le monde, toujours. Si quelqu'un n'est pas d'accord, il est dans l'erreur. Ce ne sont donc pas seulement des préférences ou des goûts personnels, un jugement de valeur est censé valoir pour tous. 4 Les jugements de valeur comportent donc un désir d'universalité (que ce soit vrai pour tous, toujours. partout), ce qui n'était pas le cas du tout avec les jugements de préférence : si je n'aime pas les tomates, cela ne m'importe pas du tout que quelqu'un d'autre aime cela (tant qu'il n'en mange pas devant moi!) Un autre exemple du désir d'universalité : Si je dis « L'adultère, c'est mal », ce n'est pas la même chose que dire « je n'aime pas tromper et être trompé ». Je peux adorer tromper ma femme, au contraire. C'est plutôt que je crois que personne ne devrait jamais tromper son conjoint. Si je crois que l'adultère est mal, je jugerai sévèrement tous ceux qui trompent les autres, même si je ne les connais pas et que ça ne me concerne pas du tout, même si ce sont des personnages de fiction, même si c'est moi-même : je me sentirai coupable si je trompe ma femme. Un jugement de valeur contient l'idée que tout le monde devrait penser pareil, tout simplement parce que c'est un jugement vrai. Les jugements de valeurs ne sont pas de simples préférences : Il est assez facile de le constater : il suffit de prendre des cas où nous savons que quelque chose est mal, mais nous le faisons quand même parce que ça nous apporte du plaisir. Nous aimons faire une action, même si nous savons que nous ne devrions pas la faire, comme tricher ou mentir, par exemple. Ou à l'inverse, nous disons la vérité même si cela nous apporte de la souffrance, parce que nous croyons qu'il faut être honnête : « J'avoue que j'ai triché, je n'aurais pas dû faire cela ». Nos préférences et nos valeurs sont très souvent en conflit. Le nazi lui-même, dans mon exemple, peut détester accomplir son meurtre mais croire (à tort) qu'il ne fait que son devoir. Ou un exemple plus simple : souvent vous n'avez pas envie d'étudier, mais vous vous dites que c'est ce qu'il faut faire quand même, car il est bien de réussir dans ses études. Cependant, lorsque nous tentons de prouver qu'un jugement de valeur est vrai, c'est beaucoup plus difficile que pour un jugement de fait, parce que nous ne pouvons pas simplement nous fier à l'observation et dire : regarde comme il faut, le mal est là. Ce n'est pas parce qu'il est myope que le nazi croit qu'il fait le bien. Ce n'est pas parce qu'il ne regarde pas comme il faut. Il croit cela à cause d'un système complexe de croyances, en lui. Les valeurs 5 sont non-observables. Pourtant, nous croyons qu'elles existent de manière objective, hors de nous, indépendamment de nous. * * * Je suis conscient que tout ceci peut être difficile pour certains. Réunissons ces uploads/Litterature/ 03-les-types-de-jugement-2.pdf
Documents similaires
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/bQIeBRyfAeJXFagRi9KOVkUiGqN0WgkAdtXeRv6Gq0yC7kyeex0rKWtynrgR2F3WwcPiOqz3fEKvTnuQMnwso14i.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/BWCQedVpMmMVazA7JAaEVDGvFJff15hx7O6FbolI8n8EqBPsbKTJrNLRLTbORP87zKTG0dNqkvOxn5BxXlcUFvdV.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/qhxUo7JSkHM2OL87d2zMUE77nBZ44waypYGW5BqyRzaK8QDv71YPrKhlme0of13IPTPY7fnqqoqFAlDkD88qmili.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/MB5kW1z01HV79KGbfbvpl0wGr2iikS5lVBEOhR9vP64bYZiGySEAuUSGG0WuJ7MOJjfpl7IltwXSJhMNFgbF660k.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/K5TvJISW0EUvHGXukgpX0YJKCX3kiovCcgcW9YPVwmfIZGBM2CtR0pisEa27k7HdWNPBKH8bnUafNuAC3xXCXB7z.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/FSy5cPjaVVVvKgOZGlpcldUYNUZo7DRQzqTLx40vDVMYArj8WzQ77WM2k7oyXYt6D9WfZ83bL0HZNyx1m8HsX3tB.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/MzV9atM0iAwqaW5TLbX4lsb2OwyqoHolZsUT66OCYNdXL9TuZnB36D47XCmx9n9jij9aF73MLGaTkkNagGnTRrId.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/FstZ1VoARGy4Z1FS92EKgRM3jCiCyBIX6gIn4oGHWMnj45UbYjZK9KkCoDTPiYoExDGdDCfI9AM9wKgNJTjI6N6k.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/RZ7XjBLl1nrMMeGKfSWxhJQs5RQ9N2AlekGsHgrVdIgsWkXoskVF0pWDeiaNeGtxyLx9sDGyLptTYgcbDpz3wDDi.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/IJbaKlgLCMdsI5ZEweinh3eo1Pmlmzdh2HlK4MTI993zWmTq2JjxpOaplXipo5OFNk2hx1FGJI4Y5hk1dCrvtxvR.png)
-
22
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jui 10, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.1942MB