1 400 ans d’exploration botanique en zone méditerranéenne algérienne Une histoi
1 400 ans d’exploration botanique en zone méditerranéenne algérienne Une histoire méconnue et inachevée par Sahraoui BENSAID et Aida GASMI C’est en parcourant article par article, le Bulletin de la société bota- nique de France depuis sa création, que les auteurs se sont rendu compte de l’immense travail d’exploration accompli en Algérie, dans des conditions souvent très difficiles à l’époque, et qui est demeuré, malheureusement, partiellement méconnu (BENSAID et GASMI, 2006). A ce jour, la seule flore de référence pour l’Algérie reste celle de QUÉZEL et SANTA (1962). Elle couronne tous les travaux antérieurs et a permis d’exaucer le vœu de Maire, qui à l’occasion du centenaire de la colonisation avait montré la nécessité d’une flore propre à l’Algérie (MAIRE, 1931). Cette contribution a pour but de faire sortir de l’oubli l’épopée de l’exploration botanique de ce pays. Les travaux sont très nombreux, beaucoup de détails ont été omis pour obtenir un texte synthétique. Le colossal travail sur le Sahara a été occulté délibérément pour rester dans l’esprit de la revue. forêt méditerranéenne t. XXIX, n° 3, septembre 2008 Les premières recherches botaniques Avant 1830, les flores de l’Algérie et du Maroc étaient très imparfaitement et inéga- lement connues, comparativement à celle de la Tunisie (MAIRE, 1931). Dès 1620, le botaniste anglais Tradescant, participant à une expédition navale contre les corsaires de la régence d’Alger, herborise sur le littoral algérien (MAIRE, 1931). Plus tard et dès la moitié du XVIII e siècle, le pasteur Shaw, chapelain de la factorie anglaise d’Alger, parcourt l’Algérie et la Tunisie et publie ses travaux en 1738. Il énu- mère 632 espèces pour l’Algérie, la Tunisie et l’Arabie (SHAW, 1830) A la fin du XVIII e siècle, les botanistes français René Louiche Desfontaines et l’Abbé Poiret mènent des recherches botaniques en Algérie (de 1783 à 1786). Le premier explore les environs d’Alger, Blida, Miliana, la vallée Chélif, Mostaganem, Mascara, Arzew, Tlemcen, les portes de fer, Sétif, Mila et Constantine et rencontre l’Abbé Poiret. Ils parcourent alors ensemble la région d’Annaba et la Calle, au début de 1786. L’Abbé Poiret ést mandaté par Louis XVI afin d’inventorier la flore barbaresque. Il publie ses travaux dans son fabuleux ouvrage Voyage en Barbarie (POIRET, 1876 ou 1789 ??) et dénombre 470 espèces. Par la suite, Desfontaines continue tout seul le travail et publie Flora atlantica sive Historia plantarum, quae in Atlante, agro tunetano et Algeriensi crescunt (1798-1800) (DESFONTAINES, 1798 ; 1890 ou 1799 ??) En 1830, le Dr Monard — seul botaniste de l’expédition semble-t-il — herborise dans la presqu’île de Sidi Fredj, lieu de débarque- ment des troupes françaises, puis dans la région d’Alger de 1830 à 1832. La même année et au mois d’août, Webb explore la région d’Oran. En 1832-1833, Mutel parcoure la région d’Annaba et découvre une nouvelle orchidée (Ophrys pallida) (MUTEL, 1835), non retrou- vée à ce jour (VELA, 2008 communication per- sonnelle). Son herbier de près de 5000 plantes et renfermant plusieurs plantes d’Algérie, se trouve au Muséum d’histoire naturelle de Grenoble. Bravais fit de même dans les environs d’Arzew suivi du Dr Gouget de 1832 à 1839, de Bové de 1837 à 1841, de Roussel et de Renou (fondateur du service forestier algé- rien vers 1838) et de Munby. Diverses espèces et sous-espèces ont été dédiées à ces auteurs ; nous citerons entre autres : Statice gougetiana, Riccia gougetiana, Phlomis bovei, Pinus pinaster ssp. renoui, etc. Première période officielle de l’exploration scientifique L’intérêt de la connaissance botanique incita, dès 1838, le gouvernement de l’époque à la création d’une commission d’exploration scientifique, dont la présidence fut confiée au colonel Bory de Saint-Vincent (explorateur connu des îles Canaries, de l’Espagne, des îles Maurice, de l’Europe centrale, de la Grèce, etc.) avec comme collaborateurs Barrau et Durieu de Maisonneuve (BORY DE SAINT-VINCENT, 1838). Bory de Saint-Vincent arrive à Alger en 1840 et entame ses recherches sur les algues marines (il était spécialiste des cryptogames). Les plantes vasculaires étaient réservées à Barrau, Durieu de Maisonneuve et Bové. Ce dernier travaillait déjà en Algérie dès 1837, d’ailleurs il participa activement à la consti- tution de l’herbier de l’Algérie au Muséum d’histoire naturelle de Paris. La commission fut rappelée en France en 1842, mais Durieu continua son travail grâce 2 René Louiche Desfontaines (à gauche) et Bory de Saint-Vincent 3 à deux missions qui lui furent confiées par Bory. En 1852, Durieu est nommé directeur du jardin botanique de Bordeaux, il passe alors la main à Cosson, mais continue de collabo- rer avec lui. Une partie de leurs travaux est publiée dans les Annales des Sciences Naturelles de la Société Botanique de France. Diverses plantes portent le nom de Durieu de Maisonneuve, nous citerons entre autres Filago duriaei, Hypnum duriaei, etc. L’exploration continue après 1852 avec Cosson, Athenas et aussi Munby. Une bonne partie de leurs travaux sont publiés dans le volume de Cryptogamie de la flore de l’Algérie, Atlas de la flore d’Algérie, Monographie des Silènes d’Algérie, les plom- baginacées d’Algérie, Les labiées d’Algérie, etc. Par ailleurs et la même année, le ministre de la Marine et des Colonies confie au sous- ingénieur Legrand, une mission scientifique pour étudier les richesses forestières de l’Algérie, du point de vue des constructions navales (LEGRAND, 1854). Pour leur part, les militaires de l’époque participent activement à la connaissance botanique de l’Algérie. Nous citerons entre autres : le Dr Kremer (espèce dédiée : Dianthus kremeri, etc.), Delestre (espèce dédiée : Microlonchus delestrei, etc.), le Dr. Lorent, Miahles (espèce dédiée : Stachys mialhesii), le Dr Guyon (espèce dédiée : Sideritis guyoniana…), de Marsilly dont les collections sont déposées au Muséum de Paris. Balansa, explorateur connu de la Nouvelle-Calédonie, du Paraguay, de l’Asie mineure, du Tonkin etc., herborise en Algérie de 1847 à 1867 dans diverses régions. Il publie un ouvrage intitulé Plantes d’Algérie, les échantillons qu’il a récoltés sont éparpillés dans des herbiers européens. On lui dédia un genre entier : Balansea et d’autres espèces telles que Leontodon balan- sae, Bupleurum balansae var. balansae. Deuxième période de l’exploration scientifique A partir de cette date, les explorations se poursuivent sous la houlette de nombreux auteurs : Cosson, de la Perraudière, Kralik, Mares, Bourgeau, Letourneux, Duhamel, Darion, Doumet Adanson, Gautier, Reboud, Simair, Barrate, Bonnet, Duveyrier, Gallerand, Henon, Lefranc, Schmitt, Sollier, Tribout, Warion, Roux et bien d’autres. Mais il semble que c’est Cosson qui a le plus contribué à la connaissance de la flore de l’Algérie. Il effectua plusieurs voyages en Algérie dont une partie à ses frais. Premier voyage (1852) : il explore avec Balansa Oran, Mascara, Saida et publie, dans les Annales des Sciences Naturelles un article intitulé “Rapport sur un voyage bota- nique en Algérie d’Oran à Chott Echergui”. Deuxième voyage (1853) : accompagné de Balansa et de de la Perraudière, il explore les régions de Skikda, Constantine, Batna, Aurès, Belezma, Biskra et ils publient dans les Annales des Sciences Naturelles “Rapport sur un voyage botanique en Algérie de Philippeville à Biskra et dans les monts Aurès”. Troisième voyage (1854) : en compagnie de de la Perraudière, il explore la grande Kabylie, l’Atlas blidéen, Médéa, Miliana, Theniet el Had, l’Ouarsenis. Quatrième voyage (1856) : Cosson avec Kralik, Mares, Burgeau herborisent dans le Sud oranais et le Sud algérois, entre autres à Tlemcen, Sebdou, El Aricha, Chott el Gharbi, Ain ben Khelil, Sfisifa, Ain Sefra, El Abiodh Sid Echikh, Brezina, El Bayadh, Ain Madhi, Laghouat, Djelfa, Boghar. Ils publient leurs travaux dans le Bulletin de la Société bota- nique de France 1856-1857 “Itinéraire d’un voyage botanique exécuté en 1856 dans le sud des provinces d’Oran et d’Alger”. Durieu de Maisonneuve (à gauche) et Ernest Saint-Charles Cosson Cinquième voyage (1858) : avec Kralik, Letourneux, Mares, de la Perraudière , il explore le sud de l’Algérie orientale et cen- trale : Biskra, Oued Ghir, Touggourt, Ouargla, Metlili, le Mzab et Laghouat. Sixième voyage (1861) : avec Kralik, Letourneux, de la Perraudière, il explore les montagnes du Tell constantinois. Annaba, Edough, Lac Fetzara, Sahel de Collo, Bougie, les forêts de l’Akfadou, la région d’Akbou. La mort de la H. de la Perraudière, atteint de paludisme, interrompt la mission qui devait se rendre à Fort National pour explo- rer le Djurdjura. Malgré cet incident, il publie dans le Bulletin de la Société botanique de France de 1861 “Note sur un voyage en Kabylie orien- tale et spécialement dans les Babors avec une notice sur la vie, les recherches et les voyages de H. De la Perraudière”. Septième voyage (1875) : avec Duhamel, Kralik et Warion, il explore à nouveau le Tell algérois et oranais (El Affroun, le tombeau de la Chrétienne, Miliana, Echellif, Sig, Mohammadia, Mascara, Oran, Christel, Arzew, la Macta Mostaganem, Ain Tedeles, le Dahra, Theniet el Had, Ténès, Cherchell, Mouzaia). Huitième voyage (1880) : avec Doumet Adanson, Gautier, Reboud, Simair, il par- court le Tell constantinois. Le troisième, le cinquième, le septième et le huitième voyage n’ont pas fait l’objet de publication. Ce voyage de Cosson est le dernier avant son envoi en Tunisie, il herborise dans la frontière tuniso-algérienne et fit d’intéres- santes uploads/Litterature/ 5-exploration-botanique-sahraoui-2008.pdf