3 CINQUANTE ANS DE PHILOSOPHIE FRANÇAISE TRAVERSES sommaire Bernard Sichère Ava

3 CINQUANTE ANS DE PHILOSOPHIE FRANÇAISE TRAVERSES sommaire Bernard Sichère Avant-propos page 3 2. Traverses page 5 Bibliographie page 101 Cinquante ans de philosophie française Ministère des Affaires étrangères Direction générale des Relations culturelles, scientifiques et techniques Sous-direction de la Politique du livre et des bibliothèques Yves Mabin Avant-propos Le ministère des Affaires étrangères et l’adpf ont édité en 1994 un “livret” sur la philosophie française contemporaine dans lequel MM. Eric Alliez, Jocelyn Benoist et Christian Descamps proposaient et justifiaient leur sélection d’ou- vrages indispensables dans une bibliothèque. Nous avons souhaité prolonger cette information en présen- tant sous la forme de quatre expositions documentaires sur affiches, accompagnées de livrets, les philosophes français de 1945 à nos jours. Nous avons demandé à M. Bernard Sichère, maître de confé- rences à l’université Paris VII Denis-Diderot, de coordonner l’ensemble des expositions et des livrets dont la troisième par- tie est réalisée en 1998 grâce au concours de Mme Hourya Sinacœur, de MM. Robert Maggiori et Jean-Louis Schlegel. Qu’ils soient tous très vivement remerciés. 3 Sous-directeur de la Politique du livre et des bibliothèques. Bernard Sichère a publié plusieurs essais philosophiques (Merleau-Ponty ou le Corps de la philosophie, Grasset, 1982 ; Éloge du sujet, Grasset, 1990 ; Histoires du mal, Grasset, 1995) plusieurs romans (Je, William Beckford, Denoël, 1984 ; La Gloire du traître, Denoël, 1986), ainsi que de nombreux articles dans Tel quel, L’Infini, Les Temps modernes, Les Cahiers de la Comédie française. Il a animé durant deux ans un séminaire au Collège international de philosophie. Ce livret accompagne le troisième volet de l’exposition Cinquante ans de philosophie française intitulé « Traverses ». Cette exposition a été réalisée conjointement par Robert Maggiori, Jean- Louis Schlegel, Bernard Sichère et Hourya Sinacœur. Robert Maggiori est professeur de philosophie et chroniqueur à Libération. Il est l’auteur de La Philoso- phie au jour le jour (Flammarion, 1994). Jean-Louis Schlegel, né en 1946, est philosophe, sociologue et rédacteur en chef de la revue Esprit. Auteur de Religions à la carte (Hachette, 1995), il a traduit Hans Küng, Jürgen Habermas, Carl Schmitt et Franz Rosenzweig. Hourya Sinacœur, née à Casablanca en 1940, est philosophe et mathématicienne et directeur de re- cherches au CNRS. Elle a publié Corps et modèles, essai sur l’histoire de l’algèbre réelle (Vrin, 1991). 4 5 Cette troisième exposition se propose d’évoquer des cou- rants, des domaines ou des individualités qui ne se prêtaient pas au découpage chronologique choisi par nous pour les deux premières expositions. Il s’agit tout d’abord de la philo- sophie des sciences, incarnée durant tout ce demi-siècle (et déjà avant-guerre) par ce qu’on a appelé l’« école d’épistémo- logie française ». Il s’agit également de rendre compte des connexions fortes et souvent sous-estimées entre la recherche philosophique et la religion : plus précisément, il nous a sem- blé indispensable de faire le point, sur cette période, entre la pensée philosophique et la pensée issue des trois mono- théismes en revenant ainsi sur ce qui semble bien avoir été d’une manière dominante le refoulé des années cinquante, du côté de l’existentialisme comme du côté de la vulgate marxiste. Il faudra d’ailleurs se demander ce qui, dans les an- nées 60-70, aura fait bouger ce blocage : est-ce un hasard, par exemple, si certains de ceux que nous avons rencontrés dans le grand élan politico-mystique de Mai 68 ont voulu réenra- ciner leur réflexion dans une proximité métaphysique avec la théologie, voire ouvertement dans un engagement confes- sionnel ? Enfin, il nous a semblé juste de réserver une place à quelques personnalités qu’il était impossible de rattacher à un courant ou à un moment du débat philosophique et qui figu- rent ici en raison de leur rôle fécond de « passeurs », de leur 3. TRAVERSES BERNARD SICHÈRE Cinquante ans de philosophie française obstiné travail d’historiens érudits de la philosophie, ou de la singularité d’une pensée étrangère aux modes, de Jean Wahl à François Chatelet en passant par Jankélévitch, Nabert, Alquié et Gueroult. PHILOSOPHIE DES SCIENCES S’il était inévitable que nous évoquions la proximité des sciences humaines au commencement de la seconde exposi- tion, c’était bien sûr en raison de leurs effets quasi immédiats dans le champ de la philosophie. Des effets quant à la mé- thode (analyse structurale des mythes, des relations sociales, des symptômes pathologiques, du rêve, du récit) impliquant en même temps un bouleversement du mode de questionne- ment et du jeu même des concepts. S’il est vrai que la mé- thode structurale met en évidence des formes, des lois de fonctionnement et des logiques analogues à celles du langage se produisant dans les individus à leur insu, alors il faut en finir avec le primat de la conscience de soi, avec toute pers- pective transcendantale, et repenser à neuf ce qui s’appelait jusqu’alors en philosophie sujet et objet, réalité, nature, so- ciété, parole et vérité. C’est clairement dans cette proximité aux nouvelles formes des savoirs linguistique, anthropolo- gique, historique et psychanalytique que les philosophies des années 60-70 auront déterminé leurs enjeux, leurs questions, leurs conceptualités. Restait à évoquer, à côté du travail des sciences humaines, celui des sciences dites exactes, les mathématiques, la phy- 6 sique, la biologie, en tant qu’il interpelle la philosophie. À cet égard, il est juste de resituer la philosophie des sciences qui en France va se développer à la veille de la dernière guerre puis après-guerre à travers ses plus illustres représentants (Bache- lard, Koyré, Desanti, Cavaillès ou Canguilhem) dans un mouvement profond de crise de la rationalité qui ne pouvait pas ne pas venir s’inscrire dans le champ philosophique. En prendre conscience, c’est évidemment revenir sur le lien orga- nique, et non pas accidentel, entre la pensée philosophique et l’état des sciences à un moment déterminé et sur les variables historiques de ce lien. Que l’état donné des sciences ait tou- jours conditionné en profondeur l’idéal de connaissance et les formes mêmes de la pensée est un évidence : ainsi de Pla- ton et de la géométrie, ainsi de Descartes dans sa relation à la physique galiléenne, ainsi de l’enracinement de la philoso- phie de Kant dans la physique newtonienne et dans les ma- thématiques de son temps. À la veille de la période que nous considérons, on oublie quelquefois de quelle manière Berg- son a fait en sorte que le mouvement de sa pensée soit insépa- rable du mouvement contemporain des sciences : s’il demeure vrai que tout un pan de sa philosophie se caractérise par une contestation d’un modèle de connaissance scienti- fique défini par lui comme « spatialisation » et objectivation des phénomènes, il n’aura eu de cesse d’interroger la phy- sique, la psycho-physiologie et la biologie de son temps. Il semble, à l’inverse, que la philosophie dominante en France dans les années 50, autour de Sartre et de Merleau-Ponty, ait en partie au moins mis en parenthèses la question de la scien- tificité des sciences et des modèles de connaissance, lisant par 7 exemple Husserl mais en l’interprétant unilatéralement dans le sens d’une philosophie de l’existence concrète au détriment de sa doctrine de la fondation transcendantale de la connais- sance et de la constitution des idéalités à partir du cas de la mathématique. Tout se passe donc comme si dans un pre- mier temps la dominance existentialiste-phénoménologique, avec le souci de mettre en avant, dans sa proximité à une cer- taine lecture de Hegel et de Marx, un sujet concret qui soit à la fois sujet de l’existence et sujet de l’histoire, avait conduit la philosophie à se détourner du travail concret des sciences, à écarter toute réflexion sur le statut du concept, pour privilé- gier ce qui, dans certaines sciences humaines, pouvait être re- pris et réinterprété dans les termes d’une conscience de soi. C’est à l’écart de cette dominance, puis dans son reflux, qu’on pourra voir la philosophie de nouveau s’emparer des questions que les sciences lui posent ou des évidences qu’elles lui imposent : c’est dans la mesure notamment où une nou- velle génération philosophique (le Foucault de l’Histoire de la folie en est un des révélateurs privilégiés) va s’attaquer au pri- mat de la subjectivité comme conscience de soi et comme source de toute connaissance qu’elle va renouer avec la longue tradition de la philosophie des sciences et relancer à nouveaux frais les très anciennes querelles sur la nature du concept ou des catégories, les relations de l’intuition et de la construction formelle, le statut de la vérité. Pour mieux comprendre ce qu’aura été l’école d’épistémolo- gie française dans cette période, il est utile de revenir à la si- tuation antérieure telle qu’elle se trouvait balisée par les 8 travaux de Léon Brunschvicg (1869-1944), de Pierre Duhem (1861-1916) et d’Émile Meyerson (1859-1933). D’une cer- taine manière, Duhem et Meyerson demeuraient tributaires d’une conception selon laquelle l’interrogation à propos du statut des sciences de la matière devait déboucher sur une in- terrogation métaphysique : pour tous les deux, il existe une part essentielle de la réalité qui demeure inconnaissable et soustraite à la raison humaine. Pour autant, uploads/Litterature/ 50-de-philosophie-francaise.pdf

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