Les Études classiques 85 (2017), p. 307-311. NOTES ET DISCUSSIONS L’enseignemen

Les Études classiques 85 (2017), p. 307-311. NOTES ET DISCUSSIONS L’enseignement du latin dans le système universitaire français Résumé. — Les réformes de l’enseignement des langues anciennes en France ces dernières décennies ont eu une influence délétère sur la qualité de l’enseignement du latin dans le secondaire. Des pressions sociétales de diverse nature n’ont pas manqué également de contribuer à accentuer ce phénomène. En dépit de cela, la motivation des élèves et étudiants pour apprendre le latin et le grec est restée très grande, encouragée par une offre de formation qui a su évoluer et se diversifier à l’université et dans les classes préparatoires en s’adaptant au profil d’un public dont la formation initiale n’a plus grand chose à voir avec celle d’antan. La place des langues anciennes au sein des concours de recrutements contribue également à cette bonne tenue des langues anciennes dans le paysage de l’enseignement français. Abstract. — The reforms of the teaching of ancient languages in France in recent decades have had a deleterious effect on the quality of Latin teaching in secondary education. Societal pressures of various kinds did not fail to contribute to this phenomenon. Despite this, the motivation of pupils and students to learn Latin and Greek has remained very high, encouraged by a training offer that has evolved and diversified at the university and in preparatory classes by adapting to the profile of an audience whose initial training has little to do with that of yesteryear. The place of the ancient languages in recruitment competitions also contributes to this good performance of ancient languages in the French educational landscape. La situation de l’enseignement du latin dans le système universitaire français connaît depuis de longues années une mutation en profondeur. Cette dernière se caractérise par une baisse importante du niveau à l’entrée de l’université pour ceux qui choisissent de continuer l’étude de cette langue ; l’autre nouveauté consiste dans le nombre accru d’étudiants choisissant de commencer des études de lettres classiques tout en étant grands débutants en latin. 308 LES ÉTUDES CLASSIQUES I. Les problèmes en amont de l’université : démagogie et pédagogisme dans le secondaire Ces évolutions s’expliquent en grande partie par la détérioration qualitative de l’enseignement du latin dans le secondaire. La réalité peut paraître paradoxale, dans la mesure où, jusqu’à présent, le latin a continué de pouvoir être choisi comme option dès la classe de 5e, depuis une réforme mise en place sous le ministère de François Bayrou. Pourtant, cet enseignement se heurte à de nombreuses difficultés. Pour plusieurs raisons. La première tient à la place de plus en plus réduite réservée à l’ensei- gnement des langues anciennes au collège. Une dernière réforme a récemment accentué cette tendance en faisant passer à 1 heure les cours de latin en 5 e, et à 2 heures (au lieu de 3) en 4e et 3e. Ces cours de latin ont du reste été rebaptisés cours de Langues et cultures de l’Antiquité. Cette réduction du volume horaire s’explique notamment par la création des EPI (Enseignements Pratiques Interdisciplinaires), et ce à moyens constants, qui s’opère généralement au détriment des langues anciennes. Dans bien des établissements, la mise en place des projets liés aux EPI a abouti à la suppression du latin et du grec. Une autre source d’affaiblissement de l’enseignement du latin dans le secondaire tient au choix que font beaucoup d’enseignants du secondaire de ne pas exiger grand effort de leurs élèves pour apprendre la langue latine. L’apprentissage systématique du vocabulaire, de la morphologie, de la syntaxe est relégué aux oubliettes au profit de la seule civilisation, de sorte qu’à la fin de la 3e, les connaissances des élèves sont trop souvent confuses et très lacunaires, ce qui ne leur permet pas d’aborder dans de bonnes conditions les textes d’auteurs au programme du lycée. Ces renoncements s’expliquent d’abord par l’évolution de notre société, soucieuse de privilégier le plaisir immédiat plutôt que la performance intellectuelle. Dans un tel contexte, vouloir enseigner réellement la langue latine, en réalisant les objectifs des programmes officiels, relève de la gageure : l’enseignant consciencieux a vite devant lui le front que lui opposent les parents d’élèves qui ne manquent pas de protester dès qu’un enseignant de latin a l’audace de demander un peu de travail. À cet égard, on ne manque pas de relever le fait que le latin est encore souvent perçu comme un enseignement dont on ne voit pas trop l’utilité dans le monde actuel. Les parents d’élèves ne sont pas le seul obstacle : les chefs d’établissements qui, plus préoccupés de gestion que de pédagogie, relèguent bien souvent ces cours, super- fétatoires à leurs yeux, en fin de journée, sont légion ; le corps inspectoral lui-même n’ose plus parfois insister sur l’importance primordiale de l’apprentissage de la langue. Ces attitudes résultent d’une perception erronée de la réalité. En faisant le choix mûrement réfléchi de suivre l’enseignement d’une langue ancienne, les élèves entendaient tout aussi bien découvrir la langue latine que la civilisation. Leur attente est donc souvent déçue et le sentiment de perdre son temps est des plus répandu. Le taux d’abandon dans le secondaire, par ennui de la discipline, est immense. Le découragement au lycée face à des textes qu’on ne peut traduire faute d’avoir acquis les instruments pour le faire finit de détourner les lycéens de cette discipline qui subit au demeurant la concurrence d’autres options qui, elles, ont souci d’efficacité. La médiocrité de l’enseignement du français dans le secondaire et notamment de la grammaire constitue une autre source de difficultés pour l’enseignement du NOTES ET DISCUSSIONS 309 latin dans le supérieur. Le décloisonnement pédagogique dans cette discipline a notamment fait disparaître les cours systématiques de grammaire. Il semblerait au demeurant que l’on ait enfin pris la mesure du problème et que l’on s’emploie aujourd’hui à corriger quelque peu cette réalité. Pour lors, le nombre d’élèves français choisissant de faire des études de lettres et se trouvant pourtant incapables de repérer un complément d’objet, un attribut du sujet, un complément du nom, est inimaginable. On comprend dans ces conditions les difficultés que les professeurs de langues anciennes rencontrent pour dispenser efficacement leur enseignement à l’université. Il s’agit d’un immense gâchis, inexcusable, car les jeunes d’aujourd’hui sont tout aussi avides que leurs devanciers de découvrir la littérature, la pensée, l’art antique, particulièrement précieux pour investir de sens une réalité contemporaine de plus en plus absurde. Profitant de ce contexte et de ces faux-semblants, grande a été la tentation de fermer des postes de latin dans le secondaire de façon dramatique afin de réaliser des économies budgétaires dans un contexte économique difficile. Dans un tel environnement, si défavorable à la culture, le fait qu’en dépit de toutes ces difficultés nos universités continuent de voir affluer nombre d’étudiants désireux de continuer ou de commencer l’étude de cette langue constitue une aimable surprise et révèle la réalité de la force d’attraction de notre discipline en dépit des allégations contraires. II. L’enseignement du latin dans les universités françaises 1. Le vivier d’étudiants Le latin en France est aujourd’hui enseigné devant des publics très variés dans les universités. Le noyau des latinistes est constitué des étudiants de lettres, parmi lesquelles on distinguera les lettres classiques des lettres modernes. La totalité de ces étudiants reçoivent un enseignement en latin obligatoire dans le cadre de leur licence. Ils n’ont pas forcément suivi une filière littéraire dans le secondaire. Un certain nombre d’entre eux, en effet, sont issus des sections scientifiques. Particu- lièrement motivés et doués, ils n’ont généralement aucun mal à suivre nos ensei- gnements. Un nombre toujours croissant d’étudiants de lettres en première année nous arrivent en revanche des filières professionnelles. Leur niveau en français est souvent faible tout comme leur motivation. Leur présence s’explique par le refus de leurs dossiers d’inscription dans les formations de BTS technologiques et leur souci d’améliorer leur niveau en français avant de tenter de nouveau leur chance. Ces étudiants de passage sont présents en nombre dans les cours de latin de première année et subissent l’enseignement du latin plus qu’ils ne le suivent. À ces étudiants de lettres, qui constituent l’essentiel du vivier de latinistes, s’ajoutent les étudiants d’histoire, de philosophie, de langues romanes qui, de façon facultative, peuvent choisir, à un moment de leurs études, de suivre des cours de latin. 2. L’enseignement du latin en Licence La solidité de l’implantation de l’enseignement du latin en France dépend beaucoup de la place que les enseignants de lettres modernes ont bien voulu ac- 310 LES ÉTUDES CLASSIQUES corder au latin dans leur formation, et cela varie donc beaucoup d’une université à une autre. Mais le latin est nécessairement présent dans cette formation, tout d’abord parce que nos collègues sont bien conscients de la nécessité de son enseignement pour l’étude du français et d’autre part en raison de la place du latin dans les concours de recrutement des enseignants du secondaire, que ce soit le CAPES de lettres ou l’Agrégation de lettres classiques et même de lettres modernes, où une épreuve de langue ancienne (quatre heures) uploads/Litterature/ 543-1097-1-sm.pdf

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