ACTE premier Scène première Hippolyte, Théramène HIPPOLYTE Le dessein en est pr
ACTE premier Scène première Hippolyte, Théramène HIPPOLYTE Le dessein en est pris : je pars, cher Théramène, Et quitte le séjour de l’aimable Trézène. Dans le doute mortel dont je suis agité, Je commence à rougir de mon oisiveté. Depuis plus de six mois éloigné de mon père, J’ignore le destin d’une tête si chère ; J’ignore jusqu’aux lieux qui le peuvent cacher. THÉRAMÈNE Et dans quels lieux, seigneur, l’allez-vous donc chercher ? Déjà pour satisfaire à votre juste crainte, J’ai couru les deux mers que sépare Corinthe ; J’ai demandé Thésée aux peuples de ces bords Où l’on voit l’Achéron se perdre chez les morts ; J’ai visité l’Élide, et, laissant le Ténare, Passé jusqu’à la mer qui vit tomber Icare : Sur quel espoir nouveau, dans quels heureux climats Croyez-vous découvrir la trace de ses pas ? Qui sait même, qui sait si le roi votre père Veut que de son absence on sache le mystère ? Et si, lorsqu’avec vous nous tremblons pour ses jours, Tranquille, et nous cachant de nouvelles amours, Ce héros n’attend point qu’une amante abusée... HIPPOLYTE Cher Théramène, arrête, et respecte Thésée. De ses jeunes erreurs désormais revenu, Par un indigne obstacle il n’est point retenu ; Et fixant de ses vœux l’inconstance fatale, Phèdre depuis longtemps ne craint plus de rivale. Enfin, en le cherchant, je suivrai mon devoir, Et je fuirai ces lieux, que je n’ose plus voir. THÉRAMÈNE Eh ! depuis quand, seigneur, craignez-vous la présence De ces paisibles lieux si chers à votre enfance, Et dont je vous ai vu préférer le séjour Au tumulte pompeux d’Athènes et de la cour ? Quel péril, ou plutôt quel chagrin vous en chasse ? HIPPOLYTE Cet heureux temps n’est plus. Tout a changé de face, Depuis que sur ces bords les dieux ont envoyé La fille de Minos et de Pasiphaé. Jean Racine, Phèdre, 1677. Travail de préparation au commentaire littéraire de la scène 1 acte I de Phèdre Introduction • On rappellera les références du texte • On proposera le projet de lecture ou problématique • On annoncera les grandes lignes du plan Problématique retenue • Il s’agit d’examiner comment cette scène d’exposition permet au spectateur d’entrer dans l’univers tragique. Axes de lecture choisis pour réaliser l’étude • On peut montrer, dans un premier temps, que cette scène joue son rôle d’exposition en multipliant les informations nécessaires à la compréhension des données de départ. Malgré le début in medias res, le spectateur n’a aucun mal à situer les personnages, à comprendre la situation dans laquelle ils se trouvent et le premier problème qui se pose en ce début de tragédie : où est Thésée ? • Cette question, centrale dans la scène, amène le spectateur à découvrir l’importance de l’espace tragique. Celui-ci est double. On analysera alors la répartition entre l’espace scénique (les lieux très peu décrits où se trouvent Hippolyte et Théramène) et l’espace dramatique (largement évoqué dans la réplique de Théramène). Quelle impression peut laisser au spectateur l’évocation de ces lieux ? Que signifie ce partage entre un « ici » (qu’Hippolyte veut fuir) et un « ailleurs » où Thésée reste introuvable ? • Ce rapport des personnages aux lieux tragiques amène alors le spectateur à s’interroger sur leur personnalité, leur motivation et leur mystère. Que laisse deviner le texte au delà des premières informations déjà pointées dans la première partie du commentaire ? Qu’y a-t-il de tragique dans ce que laisse transparaître le comportement d’Hippolyte ? Comment Racine pose-t-il déjà les bases du conflit tragique ? que laisse-t-il encore en suspens ? Développement des axes de lecture • On exposera l’idée directrice de chaque partie puis on développera l’analyse en prenant systématiquement appui sur le texte. A la fin de chaque partie, on pensera à rédiger une phrase de bilan et à relancer la réflexion en annonçant l’axe de lecture suivant. • L’observation et l’interprétation peuvent concerner l’énonciation, la composition du texte, le lexique , les figures de style signifiantes, les caractéristiques syntaxiques de tel ou tel passage, la versification. Dans tous les cas, il s’agit de ne développer que les remarques utiles à la résolution du problème posé. L’ordre dans lequel les observations sont faites doit être le plus logique possible pour donner le sentiment au lecteur du commentaire que le « fil directeur » est tenu. • Puisqu’il s’agit d’un texte de théâtre, on utilisera également les outils d’analyse spécifiques de ce genre : principalement ici, double-énonciation, espaces scénique et dramatique. Conclusion • Elle est l’aboutissement de la réflexion. On répond de façon définitive à la question proposée dans l’introduction et on souligne les qualités particulières du texte.On ouvre une nouvelle perspective. Rédaction de la première partie du commentaire littéraire de la scène 1 acte I de Phèdre Ce début de scène 1 joue pleinement son rôle d’exposition . Racine tisse le premier échange entre Hippolyte et Théramène des informations nécessaires à la compréhension du spectateur et, en même temps, pose les bases du conflit tragique. Malgré le début in medias res, le spectateur n’a aucun mal en effet à situer les personnages, à comprendre la situation dans laquelle ils se trouvent et le premier problème qui se pose en ce début de tragédie : où est Thésée ? Ainsi, l’identité et le statut des deux personnages présents en scène ne font très vite guère de doute. Hippolyte, « seigneur » (v. 9), fils du « roi » Thésée (v. 18), parle le premier, comme il sied à un personnage de son rang. Le spectateur n’a également aucun mal à reconnaître en Théramène, apostrophé dès le vers 1, le confident du héros tragique, oreille attentive et fidèle soutien : « Déjà pour satisfaire à votre juste crainte,/J’ai couru les deux mers qui séparent Corinthe… » (v. 10 et 11). Cette mention géographique, comme d’autres très nombreuses dans la scène, situe l’action dans le vaste domaine grec. Nous y reviendrons. Pour l’heure, le spectateur retiendra où se trouvent Théramène et Hippolyte : cette « aimable Trézène » (v. 2) que le jeune prince déclare vouloir quitter. On apprécie, à ce sujet, l’efficacité du premier vers. Outre l’apostrophe « cher Théramène », indirectement informative comme on l’a dit, le spectateur ne peut laisser échapper l’expression « je pars », mis en valeur au début du deuxième hémistiche. Le présent a ici une valeur de futur immédiat, expression d’une décision irrévocable comme le souligne le premier hémistiche : « Le dessein en est pris ». La tragédie semble donc s’ouvrir sur un départ, doublement paradoxal puisque le lieu qu’il s’agit de quitter est qualifié d’ « aimable » par celui qui s’exprime. Bien sûr, un spectateur averti peut aisément partager le scepticisme de Théramène. Racine, en donnant à la déclaration d’Hippolyte ce ton de certitude, n’est-il pas déjà dans le registre de l’ironie tragique ? On sait que, dans une tragédie classique, le lieu scénique est une prison pour les personnages. Hippolyte a-t-il les moyens de mettre à exécution son projet ? Thésée, d’ailleurs, est-il personnage à se laisser saisir, même par son propre « fils » ? Le spectateur sera tenté de s’interroger puisque Racine consacre au « héros » mystérieusement disparu l’essentiel de ce premier échange. La réplique introductive d’Hippolyte pose le problème et manifeste le « doute mortel » qui « agite » le prince. La réponse de Théramène, quant à elle, fournit les éléments d’information indispensables à la compréhension du « passé » des personnages et de l’action. Tout d’abord, il s’agit pour Racine de rendre Thésée introuvable, comme en témoignent, « depuis plus de six mois », les voyages incessants et inutiles du confident Mais cette réplique de Théramène constitue également une sorte de premier portrait du roi, « héros » ambigu, potentiellement partout et nulle part à la fois, courant de grands dangers, cultivant le mystère et peut-être, comme l’avance prudemment le confident, recherchant le plaisir. Sur ce point, on note que Racine alterne le vocabulaire du doute (« Et dans quels lieux … » ; « découvrir la trace de ses pas… » ; « Qui sait même, qui sait si… » ; « mystère » ; « nous cachant… ») et celui du bonheur ou du plaisir (« heureux climats » ; « Tranquille » ; « de nouvelles amours » ; « une amante abusée… ». Ce partage accentue l’ambiguïté et donne aux propos de Théramène des accents de scepticisme, voire d’agacement comme a pu le montrer le comédien Michel Duchaussoy dans la récente mise en scène de Patrice Chéreau. Aux supputations du confident, Hippolyte répond fermement, complétant, à sa manière, l’information du spectateur et le portrait de l’absent : Thésée a changé. « Ses jeunes erreurs » ne sont plus que souvenirs ; un autre personnage, absent pour l’instant lui aussi, a permis cette métamorphose : « Phèdre », personnage éponyme de la pièce, citée pour la première fois au vers 27, a su selon Hippolyte « fixer » ce « héros », aventurier et volage… Ainsi, uploads/Litterature/ acte-premier-scene-premiere-hippolyte-theramene.pdf
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- Publié le Apv 24, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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