Revue française d'histoire d'outre- mer Camps (Gabriel) : Berbères. Aux marges

Revue française d'histoire d'outre- mer Camps (Gabriel) : Berbères. Aux marges de l'Histoire Jehan Desanges Citer ce document / Cite this document : Desanges Jehan. Camps (Gabriel) : Berbères. Aux marges de l'Histoire. In: Revue française d'histoire d'outre-mer, tome 68, n°250-253, Année 1981 1981. Etat et société en Afrique Noire. pp. 491-493; https://www.persee.fr/doc/outre_0300-9513_1981_num_68_250_2323_t1_0491_0000_2 Fichier pdf généré le 06/01/2019 COMPTES RENDUS où figure cependant l'essentiel. Au delà, rien. C'est tout juste si, aux articles sur Volubilis, Tanger et Chellah, on nous dit que les Romains et les ont passé par là. Ce souci de l'actualité fait penser à un guide touristique ou à un Who's Who plus qu'à un ouvrage scientifique. L'auteur nous donne successivement : une liste des dynasties du Maroc, par les Idrissides) ; une autre des Hauts-Commissaires espagnols ; une troisième des Résidents généraux français (où manque Gouraud) ; une enfin des membres du gouvernement, le 30 mars 1979; un glossaire; une chronologie, commençant par le raid de Sidi Okba; une liste d'abréviations commerciales ou politiques, et tout cela occupe trente quatre pages. Une introduction, en forme de résumé en prend douze, et le dictionnaire lui-même une centaine, où sont mélangés des notices géographiques, des termes usuels et des biographies. On y trouvera, en première page, le lieutenant-colonel Mohammed Ababou (de l'attentat de Skhirat), ou Haddou Abarkash (du Mouvement Populaire), mais on y cherchera en vain le Grand Vizir El Mokri, qui fut premier ministre pendant un demi-siècle. Il y a le général d'Amade, mais non le général Drude. Il y a Tarfaya, mais non Sijilmassa, etc., etc. Les quarante pages de bibliographie qui terminent le livre reflètent le même esprit, ou les mêmes lacunes. Pas un auteur ancien, Tacite, Salluste, Pline, Strabon ou Hérodote. Aucun historien de l'antiquité marocaine, Thouvenot, Gsell ou Carcopino. On trouve Saint-René Taillandier mais pas Saint-Aulaire ; aucun, ou presque, mémorialiste de l'époque de l'établissement des protectorats (Le Glay, Houel, Weisgerber, Jérôme et Jean Tharaud surtout), mais, par contre, une liste d'ouvrages politiques, économiques ou sociologiques ; des revues, mais pas un journal. En résumé, un manuel intéressant, mais plutôt pour les journalistes que pour les véritables historiens ; son titre est abusif. Louis Richon. Camps (Gabriel) : Berbères. Aux marges de l'Histoire. — Toulouse, Éd. des Hespé- rides, 1980. — 20,5 cm, 352 p. Claire, alerte, élégante, pourvue de nombreuses illustrations très bien choisies, cette synthèse se lit d'un trait, bien qu'elle ne cède pas à la facilité. La grande aisance de l'auteur s'explique dans une large mesure par sa connaissance du sujet, fondée sur une bonne trentaine d'années d'études sur le terrain, dans les laboratoires et les bibliothèques, qui ont abouti à une liste impressionnante de travaux de premier ordre. Restent l'adresse et la chaleur dans l'exposition, la capacité de donner de la vie aux évocations et aux rapprochements, d'animer la présentation des problèmes, le sens des proportions, mais aussi de la formule, bref un talent pour écrire l'histoire qui apparaît encore mieux dans un ouvrage de savante vulgarisation que dans les études fondamentales dont G. Camps n'a pas été avare. Le livre se divise en cinq parties, traitant successivement des origines des Berbères, de leurs rapports difficiles avec l'Histoire, de leur acculturation sous les dominations étrangères, de leur relation au divin et de la permanence de leur originalité. La question des origines reste obscure si l'on s'en tient aux légendes antiques et... modernes. Elle est, en revanche, considérablement éclairée par les données de l'anthropologie pré- et protohistorique, magistralement dégagées, dans ces dernières décennies par L. Balout et par G. Camps lui-même ; mais beaucoup moins par les données linguistiques, bien que l'auteur préfère assurément les hypothèses stimulantes aux rigueurs de l'asepsie. Le point est fait, par ailleurs, sur la réparti- _ 491 _ Rev. franc. d'Hist. d'Outre-Mer, t. LXVIII (1981), n°B 250-251-252-253. COMPTES RENDUS tion du Sahara entre Libyco-Berbères et « Éthiopiens » : dans un domaine où les théories outrancières ont sévi, on appréciera tout particulièrement le caractère nuancé des réponses qui nous sont proposées. Comme en marge de l'histoire, défilent alors les Paléoberbères, que les progrès de l'archéologie protohistorique du Maghreb, dont l'auteur est le maître incontesté, permettent de différencier région par région ; puis les Libyens des royaumes de de l'Antiquité, que G. Camps a également bien souvent étudiés ; enfin les Berbères du Moyen Âge. En disant ma vive admiration devant la capacité qu'a l'auteur de débrouiller en si peu de pages tant de problèmes difficiles et passionnants, je me permettrai de lui porter la contradiction sur deux points mineurs : je ne crois pas que Pline l'Ancien ait lu sur une carte les noms de tribu qu'il cite (p. 98), mais bien plutôt sur une liste de statistique administrative à caractère probablement ; d'autre part, Salluste n'est pas le premier auteur à mentionner les Gétules (p. 112), car Stéphane de Byzance atteste qu'Artémidore les nommait un bon demi- siècle auparavant. Face au Punique, au Romain et à l'Islam, pour ne pas parler des « passants », Vandales et Byzantins, si les Berbères ont toujours su rester eux-mêmes, ils ont activement profité des contacts qui leur étaient imposés, mais de façon fort diverse. Une « symbiose réussie et durable » avec les Puniques a porté des fruits plus et plus considérables qu'on ne le croyait naguère ; une romanisation et d'extension différentes selon les régions, doublée ensuite d'une évangélisa- tion étendue, n'a sans doute dû sa ruine qu'à l'isolement géographique de la Berbérie par rapport à la Chrétienté, quand les grandes vagues de l'Islam déferlèrent en Afrique ; enfin, si l'auteur reconnaît la puissance de l'arabisation qu'il explique avant tout par la concordance des genres de vie et par le jeu politique des souverains berbères, il n'en souligne pas moins son caractère progressif, ses limites et la qu'il convient de faire entre islamisation et arabisation. Tout à fait substantiel et cohérent dans ses nombreuses approches, le chapitre qui traite du Berbère dans ses rapports avec « le divin » évoque d'abord les multiples supports du sacré, diffus dans la nature, les sacrifices, les temples, la religion etc., puis dégage ce qu'il y eut de spécifique non seulement dans le africain, mais encore dans l'Islam du Maghreb, bien que la netteté et la de la doctrine islamique se prêtent moins aux interprétations. A travers bien des vicissitudes, les Berbères semblent assez constamment portés par leur vers les réformes et les schismes, surtout quand ils ont ainsi l'occasion de manifester leur intransigeance. Et cependant une double polarité ne cesse de les partager entre une poussière d'entités subalternes, qu'ils révèrent dans leur populaire, et un monothéisme de plus en plus strict, dont ces manifestations éparses du divin peuvent passer, il est vrai, pour d'humbles émanations. Le dernier chapitre, consacré à la permanence berbère, ne s'ajoute pas seulement aux autres. Il leur donne pleinement leur sens. Cette permanence est distinguée de la berbérophonie et aussi du particularisme berbère, gagnant ainsi en extension ce qu'elle perd en compréhension. Ses signes les plus visibles sont la pérennité de certaines traditions techniques, à commencer par le maintien de l'écriture avec les tifinagh. Si les survivances en matière d'architecture ne sont pas négligeables, la permanence est éclatante en ce qui concerne la poterie modelée dans ses techniques et dans ses formes, les coffres ou encore la bijouterie. Mais, plus subtilement, on doit la reconnaître dans l'attachement du Berbère à la république villageoise, des assises religieuses et tribales dans la vie sociale, l'exclusion d'un pouvoir monarchique dans sa continuité héréditaire et surtout, peut-être, la fluidité des grandes collectivités qui les soustrait radicalement à tout mode rigide En bref, elle trouve son expression dans l'idéal d'une « anarchie équilibrée », pour reprendre une formule de l'auteur qui, de toute évidence, porte à son sujet une attention passionnée où nous croyons déceler, au delà d'une grande capacité intel- _ 492 — B.ev. franc. d'Hist. d'Outre-Mer, t. LXVIII (1981), n°" 250-251-252-253. COMPTES RENDUS lectuelle d'analyse, comme un sentiment très ancien d'affection profonde, contenu dans de justes limites par la conscience d'une altérité irréductible. Jehan Desanges. Laffont (Pierre) : L'Algérie des Français. — Paris, Bordas, 1981. — 28 cm, 127 p, 103 ill. — Coll. Voir l'Histoire. Ancien directeur de l'Écho d'Oran, député de 1958 à 1962, deux fois reçu par le général de Gaulle, auteur d'un livre, L'Expiation (Pion, 1968) et aussi d'une Histoire de la France en Algérie (Pion, 1981), Pierre Laffont relate des événements auxquels il fut étroitement mêlé dans les dernières décennies. Son effort est cependant incontestable et sa sincérité évidente. Le livre agréablement présenté se lit bien et le texte est soutenu par une illustration dont certains sont plus explicites qu'un long discours, telle cette photo de la page 73 la Chambre des députés, le 7 février 1914, avec seulement 12 députés sur les 599, alors qu'on doit discuter de projets dont dépend l'avenir de l'Algérie. On regrettera toutefois d'avoir à relever un certain nombre d'erreurs ou de : lire Busnach au lieu de Busnel (p. 9 et 10) ; les Espagnols n'ont pas uploads/Litterature/ berberes-aux-marges-de-l-x27-histoire-compte-rendude-desanges.pdf

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